Madame la Ministre,
Comme vous le savez, le président du CNC a été mis en examen pour agression sexuelle et tentative de viol. Il a également été placé sous contrôle judiciaire avec interdiction de contact avec la victime. Nos organisations syndicales vous ont déjà interpelée sur ce point.
Vous avez considéré publiquement que « c’est à lui, en toute rigueur, de décider », ce qui est bien mal connaître toute l’étendue et la signification de l’article L 111-1 du code du cinéma. De plus, renvoyer l’homme à sa conscience personnelle et professionnelle est une attitude qui interroge, voire qui affaiblit la lutte contre les violences sexuelles. C’est aussi une manière de laisser la situation se déliter au détriment de la réputation de l’établissement, de son rôle et des conditions acceptable pour les agent-e-s dans l’accomplissement de leurs missions. Plus largement, c’est la politique de lutte du ministère contre les violences sexistes et sexuelles, notamment dans le monde du cinéma, qui risque d’être discréditée.
Le président du CNC a adressé une dépêche le 16/02/2021 à tous les agent-e-s de son établissement mettant en avant son innocence dans les délits qui lui sont reprochés par la justice, délits présumés commis dans la sphère privée. Au-delà de cette protestation d’innocence, ce chef d’établissement revendique de nombreux soutiens parmi les agent-e-s, dans ce message particulièrement mal venu, tentant ainsi de justifier la poursuite de son mandat malgré sa mise en examen et son placement sous contrôle judiciaire.
Utiliser les moyens de communication interne de l’établissement comme outil de propagande, et plus encore, faire relayer cette information par certains organes de presse constitue une atteinte grave aux obligations imposées à tout-e agent-e public et un authentique abus de pouvoir.
Cette dépêche a été très mal ressentie par les agent-e-s car le président du CNC prétend avoir acquis le soutien d’un grand nombre d’entre eux et elles, ce qui est une façon gênante de présenter les choses. Il a même été conseillé à ceux et celles qui étaient troublé-e-s par cette affaire de contacter la Cellule psychologique du Ministère. Au-delà de ce ressenti, nos organisations syndicales s’interrogent sur l’application du devoir de réserve dans la sphère ministérielle et l’absence de réaction de votre part lorsque celui-ci est manifestement outrepassé.
Si ce manquement particulièrement inquiétant au regard du niveau hiérarchique de son auteur ne faisait l’objet d’aucun rappel à l’ordre ni même de sanction, nous considérerions que vous portez la responsabilité de laisser s’installer une ambiance délétère au sein de la communauté de travail.
Les agent-e-s du CNC à qui il a été ordonné de ne pas évoquer cette affaire privée tant sur le lieu de travail que dans la sphère amicale et familiale sont pourtant quasi quotidiennement interpellés par les professionnels sur cette affaire, l’exemplarité du CNC étant en question.
Cette situation est donc intenable pour les agent-e-s, la communauté de travail à laquelle ils appartiennent et ternit l’image du CNC. Nous considérons que le maintien du président du CNC à son poste ne permet pas aux agent-e-s de poursuivre leurs missions dans la sérénité et dans de bonnes conditions de travail.
Certain-ne-s agent-e-s ont déjà refusé, à juste titre, de relancer les professionnels de ce secteur pour suivre des formations et de remplir des formulaires concernant la lutte contre les violences sexistes et sexuelles ; vous comprendrez qu’une question éthique est posée pour ces agents dont le travail n’est absolument pas protégé de toute cette affaire.
Nous attendons une réaction de votre part à la hauteur de la désinvolture avec laquelle les obligations de réserve et de dignité ont été bafouées. L’instrumentalisation par un président d’établissement de sa fonction et l’utilisation de moyens de communication institutionnels pour servir ses intérêts personnels dans une affaire pénale constituent un précédent préjudiciable à l’image du Ministère tout entier.
Nous vous prions d’agréer, Madame la Ministre, nos salutations syndicales les plus vigilantes.
Paris, le 10 mars 2021