Déclaration de la FSESP NEA et LRG
Les travailleurs de l’art et de la culture sont essentiels à une société plus juste
Les arts et la culture sont parmi les secteurs les plus touchés par la pandémie de Covid-19, poussant de nombreux travailleurs de la précarité à la pauvreté et mettant en péril le développement futur de nombreuses villes.
Dans les services culturels et créatifs, plus d’un tiers de tous les travailleurs sont des travailleurs indépendants ou des pigistes, contre 14% de l’emploi total dans l’UE. Très souvent, le salaire minimum ou vital ne s’applique pas à ce groupe, de nombreux travailleurs licenciés n’ont pas d’autres sources de revenus ou d’assurance maladie, certains pays font de plus en plus appel à des travailleurs bénévoles qu’ont encore moins de droits, ne bénéficient d’aucune formation et ne sont pas rémunérés.
Les lieux culturels, cinémas, théâtres et bibliothèques restent fermés au public dans de nombreux pays, parallèlement aux annulations de spectacles, de festivals et d’expositions ; de nombreux sites ou centres culturels ne pourront pas se remettre d’eux-mêmes après des mois de verrouillage. Aussi créatives et utiles que puissent être les alternatives en ligne, elles ne peuvent remplacer les spectacles en direct et posent de nombreux défis, notamment en termes d’accessibilité aux services culturels publics pour tous.
Des grèves, des manifestations et des occupations de centres culturels ou de théâtres ont eu lieu comme en France, en Espagne, au Royaume-Uni, en Belgique. Les syndicats concernés revendiquent avant tout la sécurité des travailleurs, le maintien d’un salaire intégral et la protection sociale des travailleurs qui ne peuvent pas travailler, la défense de l’emploi. L’extension des conventions collectives du secteur public aux travailleurs par les pouvoirs publics est une autre demande. Certains syndicats demandent la réouverture des lieux culturels sur la base d’un dialogue efficace avec les syndicats et dans le plein respect des mesures sanitaires tant pour les travailleurs que pour les citoyens.
Dans une déclaration commune d’octobre dernier[1], les branches des travailleurs culturels des affiliés de la FSESP en France (CGT-Culture), en Italie (FP-CGIL) et au Royaume-Uni (PCS) ont révélé à quel point le secteur artistique et culturel a été durement touché par la pandémie. La déclaration a réaffirmé le rôle primordial des politiques et infrastructures culturelles publiques dans les démocraties sociales et économiques et a appelé l’UE à faire en sorte que la culture fasse partie des plans de relance de la pandémie. Ces syndicats dénoncent les mesures d’austérité des dernières décennies qui favorisent le consumérisme culturel par la privatisation et la commercialisation des services culturels, au détriment d’un véritable service public culturel pour tous. Dans les trois pays, les réductions des budgets nationaux de la culture ont été trois fois plus élevées que dans les autres secteurs. Le désengagement des pouvoirs publics s’est traduit par un déclin de l’accès démocratique aux arts, à la culture et au patrimoine, un affaiblissement des droits des travailleurs, une montée du travail précaire, des pertes d’emplois et des privatisations.
Les secteurs des gouvernements centraux/fédéraux et des collectivités régionales et territoriales de la FSESP expriment leur soutien aux travailleurs des arts et de la culture publics et leur solidarité avec les manifestations en cours. La protection des travailleurs et la lutte contre les suppressions d’emplois restent les principales préoccupations de la FSESP. Les syndicats et les comités d’entreprise doivent être consultés sur les projets des gouvernements et des autorités locales visant à rouvrir les lieux et centres culturels avec suffisamment d’équipements de protection individuelle gratuits, du gel antibactérien et d’autres mesures d’assainissement, ainsi que des effectifs suffisants et le respect de la distance physique.
Les arts et la culture ne sont pas une marchandise, ils nous maintiennent debout, connectés au monde, nourrissent notre imagination, portent l’espoir de l’émancipation, donnent du sens à la solidarité et à l’exercice de notre liberté et de notre humanité. Ils jouent un rôle essentiel dans la guérison et la réponse aux traumatismes, à la santé mentale et à l’isolement de la pandémie. Ils seront essentiels au rétablissement de la pandémie et à la co-création d’une société plus juste.
La liberté d’expression artistique et le respect des droits culturels sont une composante essentielle des cultures européennes. La résurgence du nationalisme et des valeurs religieuses et traditionnelles conservatrices restreignent et censurent de plus en plus les œuvres d’art et les expressions sur la base de la moralité publique. Les cibles sont le plus souvent des femmes, des artistes racisés et LGBTQ +. C’est inacceptable et cela représente un danger pour la diversité culturelle et la démocratie de l’Europe.
La dimension économique de la culture est d’une importance capitale pour de nombreuses villes ou même pays ; au Royaume-Uni, l’Arts Council a constaté qu’en temps normal, chaque livre sterling investie dans les arts rapportait 9 livres sterling à l’économie. Selon des estimations prudentes d’Eurostat (qui n’incluent pas les travailleurs qui occupent un deuxième emploi dans le secteur), l’emploi dans les services culturels et artistiques représente 3,7% de l’emploi total de l’UE, avec l’Estonie, Malte, le Luxembourg, la Finlande, la Slovénie et le Pays-Bas bien au-dessus de la moyenne de l’UE.
Cela signifie que c’est le développement futur de nombreuses villes, en particulier des villes de taille moyenne, qui, depuis les années 80, ont placé l’art, la culture et le tourisme au cœur de la régénération urbaine, qui est en jeu. Des villes comme Venise, Avignon, Tallinn, Porto ou Barcelone semblent particulièrement exposées et en pâtiront probablement pendant plusieurs mois, voire des années. Compte tenu des liens forts entre les arts, la culture, l’innovation et les échanges transfrontaliers, c’est l’avenir d’une société ouverte et démocratique qui est en jeu.
La FSESP appelle les gouvernements à :
- Faire respecter un accès universel et égal à la démocratie culturelle sur la base du principe de la Déclaration universelle des droits de l’homme selon laquelle la culture est pour le plus grand nombre et non pour quelques-uns ;
- investir dans des services culturels publics transformés et renforcés et dans les champs de la création artistique, durables, libres de toute ingérence politique et axés sur et avec les citoyens, les communautés locales et les territoires, avec toutes leurs différences et leur potentiel de créativité ;
- garantir, lors des négociations avec les partenaires sociaux, un emploi stable, des conditions de rémunération et de travail décentes en vue de mettre fin au travail précaire, au dumping social, à la privatisation et à l’exploitation des salariés, notamment dans les entreprises externalisées;
- consulter les syndicats et les comités d’entreprise sur la meilleure manière d’organiser la réouverture des lieux culturels publics garantissant la sécurité des travailleurs et du public ; l’indemnisation des travailleurs qui ne peuvent exercer leur droit au travail doit garantir une vie décente;
- afin de refléter son poids économique dans l’économie, consacrer au moins 3% des plans budgétaires nationaux de relance et de résilience[2] à la culture et aux arts, y compris des recrutements supplémentaires dans les services culturels publics ; 2% supplémentaires devraient être affectés au rôle sociétal et démocratique essentiel des arts et de la culture dans une Europe post-COVID.
- Changer les critères / incitations pour allouer des fonds publics en fonction du travail avec les communautés locales, les citoyens, les écoles ainsi que les services sociaux ;
- Coopérer avec d’autres secteurs pour développer de nouvelles formes de services sociaux dans les domaines de l’éducation, de la santé mentale et physique, de l’environnement, du tourisme, pour rendre plus visible la contribution de la culture et de l’art au bien-être et à la cohésion sociale ;
- Concevoir des formats numériques en ligne tenant compte des objectifs de santé publique comme un outil pour améliorer, et non remplacer, les performances en direct ;
28 avril 2021
Sur le site de l’EPSU (FSESP) : https://www.epsu.org/article/nea-and-lrg-statement-art-and-culture-workers-are-essential-fairer-society
1 https://www.epsu.org/epsucob/2020-epsu-collective-bargaining-news-november-no21/unions-join international-call-support7. 2 Les plans budgétaires nationaux de relance et de résilience doivent être soumis avant le 30 avril à la Commission européenne