60 ans du ministère : CGT-FSU-SUD-UNSA interpellent les anciens ministres de la Culture

L’intersyndicale culture CGT-FSU-SUD-UNSA avait prévu d’interpeller les anciens ministres de la Culture qui participaient au colloque sur le 60 ans du ministère au Centre Pompidou ce jour. Ce colloque n’a pas eu lieu, le Centre étant fermé. Néanmoins vous trouverez le texte de la déclaration prévue ci-dessous, que nous ferons parvenir aux ministres concernés.

Mesdames et Messieurs les Ministres,

Avant que ne débute ce colloque qui interroge le rôle-même du ministère de la Culture et ses politiques, les organisations syndicales représentatives des personnels de ce ministère, CGT, FSU, SUD et UNSA, vous interpellent.

Vous n’êtes pas sans savoir que les agent-e-s du ministère de la Culture sont aujourd’hui largement percuté-e-s par différentes contre-réformes en œuvre depuis l’arrivée d’Emmanuel Macron à la présidence de la République. En effet les attaques du pouvoir exécutif se multiplient sur tous les fronts : le plan de transformation ministériel, la récente loi de Transformation de la Fonction publique et le projet de réforme des retraites. Les personnels du ministère de la Culture, fonctionnaires et contractuel-le-s, ne sont pas épargné-e-s par les politiques d’austérité budgétaire et de remise en cause des conquêtes sociales.

En cette journée de célébration du 60ème anniversaire du ministère de la Culture et en l’absence de son ministre en exercice, nos organisations vous alertent sur les menaces qui pèsent sur notre institution. Vous la connaissez bien, vous vous y êtes investis et vous partagez avec nous l’importance de son rôle et de son influence au sein de la société française et dans le monde.

Dès le 26 novembre dernier, l’intersyndicale culture a déposé un préavis de grève reconductible à partir du 5 décembre, pour dénoncer les dérives néo-libérales de ce gouvernement qui mettent à mal les politiques culturelles publiques qui ont été construites, avec les personnels et tous les acteurs et actrices du champ culturel (associations, collectivités, institutions, artistes) pendant les années d’exercices de vos mandats ministériels.

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Alors que le ministère fête son 60ème anniversaire, le projet du Président de la République et du gouvernement est clair : démanteler le ministère de la Culture par la mise en œuvre du Plan de Transformation Ministériel.

Il s’agit par tous les moyens d’affaiblir les politiques publiques culturelles, de supprimer des postes, des missions, des services et des métiers. Le désengagement de l’État va toujours plus loin dans la déstructuration de l’administration centrale, l’autonomisation forcée des établissements publics et la course aux ressources propres mettant les établissements culturels en concurrence, la privatisation de pans entiers de missions du service public culturel, afin de réduire toujours plus les « dépenses publiques ».

Au ministère de la Culture, le Plan de Transformation Ministériel est un plan social déguisé qui prévoit :

  • 800 suppressions d’emplois au minimum d’ici 2022, dont 300 en administration centrale ;

  • la fin des appellations et des labels nationaux tels que l’appellation Musées de France, Villes et pays d’art et d’histoire, les scènes nationales, etc. ;

  • la déconcentration de dispositifs gérés par les services d’administration centrale vers les Directions Régionales des Affaires Culturelles (DRAC) et établissements publics sans mesure d’impact sur le travail ni sur les moyens nécessaires ;

  • l’ultra-centralisation des fonctions dites « support » au secrétariat général et l’affaiblissement des directions métiers ;

  • le transfert aux établissements publics de tous les actes de gestion de paye et de carrière des personnels ;

  • le projet de liquidation du statut de Service à Compétence Nationale (SCN) qui concerne entre autres 17 musées nationaux, les Manufactures et les Archives Nationales ;

  • et le projet immobilier de vente à la découpe des sites de Pyramides, Richelieu et Saint-Cyr. Ce projet dit « CAMUS » est le prétexte architectural et spatial à toutes les suppressions d’emplois, à toutes les restructurations et réorganisations de services.

Parce que nous refusons les inégalités culturelles, nos organisations portent l’ambition d’un service public culturel fort, garant des droits et des libertés, de la culture et de sa diversité, de la démocratie sociale et de l’émancipation de toutes et tous sur l’ensemble du territoire. C’est pourquoi nous soutenons et défendons l’existence et le développement de politiques et réseaux culturels nationaux.

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Mais ce n’est pas tout. La loi du 6 août 2019 de Transformation de la Fonction publique constitue une attaque frontale contre le Statut général de la Fonction publique, ses missions, ses personnels et ses moyens.

Dans un contexte de suppression annoncée de 120 000 postes d’agents publics d’ici à 2022 dans les trois Fonctions publiques, cette loi prévoit :

  • le recours à des « contrats de projet » sans CDIsation possible, grand retour de la précarité

  • la mise en place d’un plan de départ volontaire ouvert aux titulaires et contractuel-le-s ;

  • la généralisation de la rémunération individualisée prétendument fondée sur le « mérite », ce qui attaque les collectifs de travail ;

  • la suppression des compétences des Commissions Administratives Paritaires (CAP) en matière de mutation et de promotion, avec des pratiques discrétionnaires et sans aucune transparence signant la fin de l’égalité de traitement,

  • la création d’une nouvelle sanction disciplinaire et pécuniaire sans examen de la CAP ;

  • la disparition des deux instances de représentation actuelles, le CT (Comité Technique) et le CHSCT (Comité d’Hygiène, de Sécurité et des Conditions de Travail), dissoutes et fusionnées au sein d’un futur Comité Social d’Administration (CSA), affaiblissant ainsi les possibilités d’intervention des organisations syndicales.

Pour toutes ces raisons, nos organisations exigent l’abrogation de la loi de Transformation de la Fonction Publique.

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Enfin, dans son discours du 11 décembre dernier, le Premier ministre propose un projet dogmatique du futur système des retraites pour l’ensemble des salarié-e-s et des agent-e-s du secteur public en organisant :

  • le report de l’âge à la retraite à 64 ans dès 2027, peu importe la génération (avec une décote de 10% pour tout départ à la retraite à 62 ans)

  • la fin de tous les régimes spéciaux (sans prise en compte claire de la pénibilité de certains métiers)

  • le principe de la retraite à point (la « garantie » de la valeur du point n’empêchera pas le gouvernement de jouer sur l’âge d’équilibre pour toucher une retraite pleine)

  • le calcul du montant de la retraite sur l’ensemble de la carrière au lieu des 25 meilleures années dans le privé et les 6 derniers mois pour les fonctionnaires, ce qui aura un impact négatif sur ce montant.

  • 1 000 euros minimum mais uniquement en cas de carrière complète au SMIC (alors qu’une mesure similaire est déjà prévue dans la loi de 2003 mais n’est pas appliquée)

  • la mise en place de la réforme en 2022, qui divise la population en 3 parties : le régime actuel pour celles et ceux nés avant 1975, le nouveau régime pour les entrants sur le marché du travail en 2022 ; et un régime hybride pour celles et ceux nés entre 1975 et 2004.

  • une soi-disante « régle d’or » consistant à limiter à 14 % du PIB la part consacrée aux retraites, alors que le nombre de retraité-e-s va augmenter, ce qui ne peut que diminuer les montants de celles-ci.

Tous les calculs menés à ce jour sur les retraites futures, aussi bien pour les salarié-e-s du public que du privé, aboutissent au même constat : une baisse de 15 à 25 % des montants de toutes les retraites (taux de remplacement) par rapport à la situation actuelle. C’est pourquoi, nous exigeons l’abandon du projet de réforme des retraites Delevoye-Macron.

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Par conséquent, à l’heure d’une mobilisation générale inédite au ministère de la Culture, comme en témoignent depuis le 5 décembre les nombreuses assemblées générales qui continuent de voter la grève, y compris reconductible dans certains établissements, les nombreux sites culturels fermés, ainsi que la présence massive de cortèges culture interprofessionnels dans les manifestations, l’intersyndicale CGT, FSU, SUD et UNSA du ministère de la Culture exige :

  • une amélioration et une consolidation de nos retraites, avec le maintien des régimes existants, le retour à un départ à taux plein à 60 ans après 37,5 années de cotisation et un montant minimum égal au SMIC ;

  • des augmentations générales de salaires avec, en particulier, une revalorisation immédiate du point d’indice, la revalorisation des grilles salariales, avant tout pour les plus bas salaires, du régime indemnitaire et des taux de promotion, la mise en œuvre du principe « à travail égal, salaire égal » ;

  • des créations d’emplois statutaires à la hauteur des besoins, l’organisation de concours réguliers et un vrai plan de titularisation des contractuel-le-s ;

  • le renforcement du Statut Général, garantie pour les citoyen-ne-s d’un service public neutre et impartial et, dès lors, l’abrogation de la loi de Transformation de la Fonction publique ;

  • la défense des politiques publiques culturelles nationales et le développement des réseaux culturels nationaux, et, par conséquent l’abandon du Plan de Transformation Ministériel et de toutes les formes d’externalisation et de privatisation.

Nos organisations syndicales vous demandent donc, Mesdames et Messieurs les Ministres, si vous envisagez d’interpeller collectivement le gouvernement pour défendre le ministère, ses missions et ses personnels.

Paris, Centre national d’art et de culture Georges Pompidou, le 15 décembre 2019

Cgt-culture ()