document d’orientation sgpa-cgt: fiche 2 l’archéologie préventive

Pour le SGPA-CGT, les témoins, matériels ou immatériels, mobiliers ou immobiliers, concernant les conditions d’évolution des êtres humains, de leurs activités et de leurs sociétés, sont des biens communs universels inaliénables. Ils sont constitués d’une source limitée d’éléments non renouvelables qui ne peuvent être privatisés.

C’est pourquoi, la protection de ces biens, soit par la conservation in situ, soit par la collecte (par le diagnostic ou/et la fouille), l’étude et la diffusion de ces informations est du domaine de l’intérêt général et de la responsabilité des pouvoirs publics. Ils ont en charge pour l’ensemble de l’humanité, sur les territoires qui les concernent, la protection de ces biens face aux destructions potentielles qu’ils peuvent subir. Ils doivent en rendre compte.

Ces principes doivent être traduits à l’échelle des politiques nationales et européennes.

L’antagonisme entre la sauvegarde du patrimoine archéologique et l’aménagement du territoire en tant que destruction potentielle de ces données ne peut être levé. La puissance publique est directement responsable de la sauvegarde du patrimoine archéologique et doit s’en donner les moyens politiques et financiers. Le coût de cette sauvegarde doit être supporté par ceux qui lui portent atteinte.

La sauvegarde peut prendre la forme d’une conservation en l’état ; elle peut aussi passer par l’étude des vestiges menacés. Cette étude doit être mise en œuvre selon une chaîne opératoire continue, depuis l’instruction des dossiers d’aménagement jusqu’à la restitution des résultats à la communauté scientifique et aux citoyens. La fouille constitue une étape cruciale de ce dispositif, et en aucun cas une prestation de service soumise à la concurrence du marché.

Les services publics, garants de l’intérêt général et de l’indépendance face aux intérêts économiques et politiques particuliers, sont les responsables de la politique à mener et de la répartition des moyens sur proposition de la communauté scientifique qui peut seule en évaluer les résultats. En transférant la maîtrise d’ouvrage des fouilles archéologiques aux aménageurs, la loi de 2003 a fondamentalement contrevenu à ces principes. La réalisation des opérations archéologiques et l’étude des données qui en sont issues doivent être du ressort exclusif et direct des services de l’État, de ses établissements nationaux ou des services publics des collectivités territoriales, sur la base de la coopération scientifique entre services. L’archéologie participe à la connaissance d’une histoire collective complexe et riche. Le SGPA-CGT rappelle le rôle fondamental de ces connaissances pour l’éducation de tous et pour la formation des citoyens. La mission de valorisation confiée à l’Inrap doit donc contribuer à une véritable éducation populaire. Ces missions relèvent d’emplois publics statutaires, et ne sauraient être externalisées ou pourvues par de l’emploi précaire.

L’obligation de détection et de sauvegarde du patrimoine archéologique doit être assortie d’un mode de financement public, pérenne et d’un volume suffisant pour faire face aux nécessités de la protection des archives du sol.

C’est pourquoi, le SGPA-CGT affirme que :

– La maîtrise d’ouvrage des interventions archéologiques doit être assurée par l’État. Ce retour à une maîtrise d’ouvrage publique doit être obtenu pour l’ensemble des fouilles préventives ;

– La réforme territoriale a mis à mal l’organisation des DRAC : explosion des collectifs de travail (une direction Patrimoine sur un site et une partie de l’équipe sur un autre site), des circuits de décisions rallongés par l’augmentation des distances, puis par une chaîne hiérarchique qui s’est complexifiée en raison de la multiplicité des intermédiaires sur plusieurs sites (exemple des délégations de signature), des méthodes et outils de travail non anticipés et non adaptés à une telle organisation. C’est enfin la remise en cause sérieuse de tout le maillage territorial du service public de la Fonction Publique d’État, en éloignant l’usager de ces services. Dans ce contexte, les SRA doivent continuer à être identifiés en tant que services des DRAC chargés de l’instruction des dossiers d’aménagement du territoire, de la coordination de la recherche et de la prescription archéologique. En urgence, il est nécessaire non seulement de stopper l’hémorragie mais surtout de renforcer les effectifs à la hauteur des besoins. Les unités territoriales correspondant aux anciennes DRAC doivent être maintenues, avec toutes leurs fonctions métiers et supports (RH, budget, informatique, documentation…) ;

À l’Inrap, le SGPA-CGT mettra tout en œuvre pour assurer l’égalité de traitement sur le territoire en matière d’archéologie préventive. L’Inrap doit assurer ses missions sur l’ensemble du territoire national. Il ne doit abandonner aucune des régions et territoires et doit assumer pleinement son rôle.

Organisation

Pour que les communautés scientifiques soient indépendantes et représentatives, leurs institutions doivent être démocratisées : les représentants scientifiques du Conseil National de la Recherche Archéologique (CNRA), des Commissions Territoriales de la Recherche Archéologique (CTRA) et du Conseil Scientifique de l’Inrap doivent être élus par leurs pairs. Le CNRA doit définir la programmation archéologique nationale. En s’appuyant sur les CTRA, il doit évaluer et conseiller les politiques scientifiques archéologiques menées par l’ensemble des services publics de l’archéologie.

L’Inrap doit être organisé au niveau central et déployé au même niveau que les unités territoriales des services déconcentrés du Ministère de la Culture (anciennes DRAC), l’organisation actuelle étant toujours inopérante.

Le rôle du siège est, en adéquation avec la politique nationale de l’archéologie (CNRA), de coordonner et d’animer les politiques scientifiques, patrimoniales et culturelles et d’allouer les moyens en fonction des besoins en régions.

Le conseil scientifique de l’Inrap doit être renforcé dans ses prérogatives auprès de la direction scientifique et technique pour le choix des moyens nécessaires à la réalisation des missions de l’Inrap et leurs attributions.

Les services et établissements des Ministères de la Culture et de l’Enseignement Supérieur et de la Recherche, comme les services archéologiques des collectivités territoriales, doivent participer à la chaîne opératoire de l’archéologie préventive et leur collaboration se voir consolidée, sans aucun esprit de concurrence. Le SGPA-CGT appuie le développement de conventions « hors marchés » avec les opérateurs publics d’archéologie préventive et notamment avec les services archéologiques de collectivités territoriales agréés ou non. Le but étant de limiter la dispersion des données et de mutualiser les moyens afin de « faire ensemble ».

La concurrence commerciale entre services publics doit être bannie et à cette fin, les services archéologiques de collectivités territoriales ne doivent plus pouvoir intervenir pour les fouilles en dehors de leur ressort territorial, sauf à conventionner soit avec l’Inrap, soit avec le service de collectivité compétent territorialement. De même, l’Inrap ne pourra répondre à un appel d’offre pour une fouille sur le territoire d’une collectivité disposant d’un service agréé pour la ou les périodes concernées, sans s’être assuré des intentions de la collectivité afin de ne pas rentrer en concurrence directe et pour privilégier une réponse commune.

Pour les diagnostics, les services de collectivités agréés ne doivent plus pouvoir préempter au cas par cas, mais doivent définir au préalable et pour un temps donné leur champ d’intervention (type d’aménagement, tout aménagement sur tel secteur,…). Cette clarification des rôles doit être discutée entre l’Inrap et les services archéologiques territoriaux au sein de chaque région, sous la coordination des services de l’État.

Financement

Le financement de l’archéologie préventive doit avant tout être pérennisé. Le volume de la fiscalité archéologique doit être juste et correspondre aux besoins de détection et de sauvegarde du patrimoine. Cette redevance doit être payée par les aménageurs et en partie mutualisée. Elle doit financer les diagnostics, la recherche, la valorisation, mais aussi une partie des fouilles, non seulement par le biais d’un fond d’aide (actuellement le FNAP), mais aussi environs 2/3 des opérations de fouilles, les moins coûteuses et les moins importantes. La réalisation de ces fouilles, sous maîtrise d’ouvrage publique, financées par cette redevance doit être confiée aux services publics.

Aujourd’hui, avec la budgétisation de la RAP, le SGPA-CGT doit s’assurer que les moyens donnés par le Parlement correspondent aux besoins de l’archéologie préventive.

Les Ministères de la Culture et de l’Enseignement Supérieur et de la Recherche doivent participer directement par des lignes budgétaires au financement des publications, des outils de diffusion et de formation de l’Inrap, des SRA et des collectivités territoriales.

Dans la perspective des trois ans à venir, le SGPA-CGT a pour objectif :

– Obtenir des modifications profondes du dispositif législatif actuel

Les modifications doivent permettre de rendre efficace mais aussi intelligible la protection du patrimoine archéologique à toute la communauté nationale. Le SGPA-CGT réaffirme que la sauvegarde du patrimoine est mission d’intérêt public et doit être gérée par l’État.

La loi 2003, qui a montré qu’elle ne servait pas l’archéologie, est une ineptie libérale à laquelle le SGPA-CGT est opposé. La loi LCAP n’a pas corrigé sur le fond le dispositif, le SGPA-CGT revendique avant tout le retour à une maîtrise d’ouvrage publique, élément essentiel pour endiguer les dérives du moins-disant scientifique et assurer la stabilité ainsi que la pérennité des services publics et des équipes.

Pour atteindre cet objectif et par la mobilisation des personnels, le SGPA-CGT entend mener une action déterminée auprès des partis politiques, des groupes parlementaires et aussi auprès des groupes d’aménageurs.

– Préserver les missions des agents des DRAC

Avec le SNSD et la CGT-Culture, nous revendiquons l’abandon des sites spécialisés et autre notion de « proximité éloignée » (sic) au profit d’un modèle comportant :

– Des « Drac miroir » où, sur le périmètre des anciennes régions, toutes les fonctions et missions sont conservées sous la responsabilité d’un directeur adjoint ;

– Des sites siège renforcés par une cellule de coordination permettant d’assurer l’homogénéité des pratiques et des procédures.

– Redéfinir les missions des agents de l’Inrap et l’organisation des services

Il faut progressivement supprimer les directions interrégionales et les remplacer par des services à l’échelon identique à celui des unités territoriales (anciennes DRAC). Pour éviter les dérives d’une gestion comptable de l’activité opérationnelle, celle-ci doit dépendre de la DST. L’ensemble des directeurs et chefs de service, dont les DAST, doivent voir leur mandat limité à trois ans renouvelables une fois.

L’organisation opérationnelle devra respecter les principes suivants :

  • Les réunions de services doivent être organisées de façon régulière. Elles doivent être de véritables lieux d’information, d’échanges et d’expression des agents ;

  • Des réunions préparatoires aux chantiers, de programmation et de suivi des post-fouilles doivent être organisées systématiquement en impliquant l’ensemble des agents concernés par la mise en œuvre de l’opération ;

  • La planification ne doit pas être basée sur la gestion du NAF mais être au service des missions patrimoniales et scientifiques : les équipes doivent être constituées en fonction du cahier des charges scientifiques et la post-fouille anticipée et programmée avec l’ensemble de l’équipe de terrain ;

  • La comptabilité en jour/homme doit être réservée à la facturation des opérations et non à la gestion des affectations. Le relevé d’activité renseigné par les agents doit être supprimé ;

  • Toute modification des organisations ou introduction de nouvelles technologies doit être précédée d’une étude d’impact et faire l’objet d’une consultation préalable des instances. La Direction Scientifique et Technique de l’Inrap doit être associée aux discussions préalables à ces consultations ;

  • Les « gains de productivité » réalisés au moyen des nouvelles technologies doivent servir à l’émancipation des personnels en les libérant des tâches les plus pénibles, et être réinvestis dans un enrichissement de leurs activités (recherche, formation…) ;

  • L’actuelle tendance à « l’allègement » des rapports de fouille et à leur réduction à des inventaires descriptifs, liée au dumping financier et scientifique, doit être combattue. L’esprit du décret de 2004 sur le contenu des rapports finaux doit être respecté ;

  • Les très grands déplacements ne doivent s’organiser que sur la base du volontariat.

– Garantir un statut aux personnels de l’archéologie publique qui leur permette d’accomplir leurs missions en toute indépendance

L’évolution du statut des personnels vers le fonctionnariat doit être obtenue. Actuellement, la marge de manœuvre en termes de passerelle pour les agents de l’Inrap est quasiment nulle. L’évolution vers le statut de fonctionnaire permettrait de développer cette possibilité.

Les besoins permanents doivent être pourvus a minima par le CDI. Le statut des personnels de l’Inrap est la meilleure garantie du maintien et du développement des métiers de l’archéologie préventive. Un plan de recrutement de la filière scientifique et technique avec liste complémentaire doit avoir lieu tous les ans à l’Inrap afin de pourvoir au fur et à mesure les postes ouverts ou déclarés vacants.

Le recours aux contrats à durée déterminée doit être exceptionnel, et dans ce cas, il convient que la durée de ces derniers soit la plus longue possible. Le recrutement des agents en CDD doit se faire sur des critères d’ancienneté et de proximité géographique. Les agents sous CDD doivent avoir accès aux mêmes fonctions, missions, formations, conditions de travail, et au temps de recherche (PAS, colloques…). Leur participation aux travaux de post-fouille doit être systématisée et anticipée dès la mise en place de leur contrat.

Fichier(s) joint(s)