Jean-Hugues n’a pas cédé à la maladie. Jamais. Il était trop beau et trop intelligent pour cela. Il est parti dans une dernière pirouette, élégante et pudique, avant la fin de la projection.
Jean-Hugues n’aimait pas les programmations convenues ni les scénarios cousus de fil blanc. Il allait tout droit, toujours, vers les vies cabossées, les histoires et les cultures oubliées, vers ces mondes réduits au silence.
Toute profession de foi mise à part, il se tournait naturellement avec une force et une violence déroutante mais si attachante vers les invisibles, les minorités bafouées, les sans-grade, les sans-voix.
Quand Jean-Hugues allait vers eux, spontanément, vers tous ceux-là, on en oubliait le discours et la raison. On ne voyait que l’amour à tout berzingue, la passion et la générosité du réel, à l’épreuve du monde, et des femmes et des hommes tels qu’ils sont, une espèce de je ne sais quoi et de presque rien tellement vrai, en totalité, entier.
Vivre en amitié et travailler avec Jean-Hugues, c’était s’exposer au quotidien à la fusion nucléaire des idées, à des tsunamis d’audace et de créativité passant presque ingénument par-dessus les digues de nos tabous, de nos préjugés et renoncements.
Il ne composait pas avec la poésie ni avec les chemins sensibles de l’émancipation et de la dignité humaine. Il ne cherchait pas à être subversif. Il était subversif au sens de la justice et de la liberté. Les yeux grands ouverts avec entrain et mélancolie sur l’absurdité et la fragilité de nos existences.
Le parcours de Jean-Hugues au ministère de la culture fut riche et prolifique. Au musée de Cluny, au Département des publics de la Direction des Musées de France, à la Délégation des arts plastiques, au Département de l’information et de la communication et enfin au Département de l’éducation et du développement artistiques et culturels,
dans chacune de ses nombreuses fonctions et responsabilités au ministère, il fit souvent trembler les murs de la raison administrative et des fausses certitudes politiques, tout en gagnant aussi, si souvent, le cœur de ses collègues et complices en résistance.
Avec la fougue et le pouvoir de conviction qui le caractérisaient, il réalisa des choses admirables au service des politiques publiques de la culture.
Ces politiques il les interrogeait sans cesse sans hésiter à bousculer les codes usuels et les habitus. S’il cherchait la controverse, ce n’était pas simplement par goût du débat et des joutes intellectuelles mais parce qu’il voulait que la culture ait droit de cité partout et pour tous.
Jean-Hugues était un militant infatigable de la démocratie, de l’impertinence, de la liberté d’expression et de création, et des droits culturels. Dans cette époque agitée et étrange où les idées les plus nauséabondes et les plus sombres récits narratifs cohabitent avec nos sentiments les meilleurs, il faudra se souvenir longtemps de sa foi en l’homme et de son énergie vitale.
Il était aux côtés, tout près, tout le temps, des gens du voyage, des circassiens, des saltimbanques, des plasticiens, des artistes-squatteurs, des cinéastes, des musiciens et des poètes. Il ne quittait pas des yeux non plus les ouvriers au boulot et voyait pleins phares les potentialités culturelles inouïes du travail pourtant ignorées de presque tous.
Sa présence à leurs côtés, à vos côtés donnait à voir ce qui se joue là d’essentiel pour notre société, à l’approche sans cesse retardée d’un monde meilleur.
Jean-Hugues avait trouvé le chemin de la Cgt par ce qui était essentiel pour lui : l’amitié partagée, la complicité, la fantaisie. Avec un charme et une capacité de séduction incroyables, il versa sans calcul ni retenue ses engagements et tous ses combats dans la matrice parfois difficile du syndicalisme. Il gagna vite le respect et l’admiration de toutes celles et ceux qui portent la Cgt-Culture. Les camarades l’aimaient énormément.
Jean-Hugues a été membre de la commission culturelle confédérale, membre de commission exécutive de la Cgt-Culture, secrétaire de la section d’administration centrale, élu au comité technique et au comité d’hygiène, de sécurité et des conditions de travail d’administration centrale, élu également à la commission consultative paritaire du secrétariat général.
Dans son parcours syndical comme dans son parcours professionnel, il surprenait, il chamboulait, il transgressait, il nous changeait et il nous améliorait.
Jean-Hugues, nous ne savons pas où tu es à présent mais nous avons quand même une petite idée.
Des amis bigoudens, qui t’aiment tellement aussi, ont dit t’avoir aperçu près de la Cathédrale des Dunes à Tronoën, près du Rocher de Saint-Gué ou sur la jetée à Kérity, à deux pas de chez Emma…
Notre camarade, notre ami, notre frère,
Va en paix et en toute liberté, là où la féerie des embruns et des vagues t’emporte.
Paris, le 24 octobre 2018
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