L’urgence sociale, écologique et démocratique a été posée de manière très forte par le mouvement social des gilets jaunes. A ne pas vouloir entendre les corps intermédiaires – élus, associations et organisations syndicales – qui donnaient des signaux d’alerte et proposaient des alternatives dans tous les domaines, les gouvernements successifs et notamment celui d’Emmanuel Macron sont responsables de la situation actuelle et des inégalités qui déchirent la société.
L’urgence sociale : rouge vif
Les politiques d’austérité mises en œuvre par le président de la République et son gouvernement appauvrissent les classes moyennes et populaires et les inégalités se multiplient.
Les cadeaux fiscaux pour les riches
Les cadeaux fiscaux aux plus riches grèvent le budget de l’État. Ainsi en 2018, le prélèvement forfaitaire sur le capital (1,3 milliards €), la suppression de l’impôt de solidarité sur la fortune (3,2 milliards €), la baisse de l’impôt sur les sociétés (3,4 milliards €), le crédit d’impôt pour la compétitivité et l’emploi (4 milliards €), le crédit impôt pour la recherche (6 milliards €), la suppression de la quatrième tranche de taxe sur les salaires les plus élevés (0,6 milliard €) profitent aux plus riches à hauteur de plus de quinze milliards d’euros. Il serait utile d’ajouter l’évasion fiscale dont le coût est estimé à 80 milliards € de manque à gagner tous les ans pour l’État. Enfin, l’ensemble des dépenses fiscales en France coûte environ 100 milliards € au budget de l’État en 2018. Tout ceci représente une somme considérable de manque à gagner pour l’État et il devient urgent d’examiner l’efficacité de ces exonérations aux plus riches d’un point de vue social quand on voit les dégâts sur le pouvoir d’achat de la population en général et les services publics.
Les économies pour les autres
Ces cadeaux fiscaux sont financés par des économies qui se traduisent par des augmentations faites sur la grande masse de la population : l’instauration du jour de carence (270 millions €), l’augmentation du forfait hospitalier (200 millions €), la baisse des APL (1,7 milliards €), la baisse des dépenses publiques (15 milliards €), le gel du point d’indice de la fonction publique (1 milliard € pour une augmentation de 1 % du point d’indice et autant d’économies en cas de gel), l’augmentation de la CSG dont le coût est difficile à estimer, l’augmentation de divers taxes dont la fameuse taxe carbone autrement dénommée « contribution climat énergie » dont le montant a crû de 30 % entre 2015 et 2018 pour le diesel. Les dépenses de carburant atteignent ainsi 8,3 % des revenus des ménages les plus pauvres en France.
Et ça continue !
Cette addition sociale n’est pas exhaustive ; la volonté de faire près de 4 milliards d’économie sur le chômage en dit long sur les intentions du gouvernement à ne pas changer de cap.
L’urgence écologique : vert de rage
En 2015, les engagements pris par la France à l’issue de la COP 21 afin de limiter le réchauffement climatique consistent à maintenir le réchauffement en dessous de 2° d’ici 2100. Or tous les jours, les faits contredisent les objectifs affichés par la France.
Les banques françaises toujours aussi exemplaires …
Ainsi les banques françaises et non des moindres – la BNP Paribas, la Société Générale, le Crédit Agricole – mais aussi la Caisse des dépôts et consignations investissent dans les énergies fossiles à hauteur de 43 milliards € et ceci de manière bien plus importante que dans les énergies renouvelables (12 milliards €). Or les énergies fossiles sont responsables du réchauffement climatique et les mesures gouvernementales pour encourager les investissements responsables sur les énergies renouvelables sont indigentes et en tout cas pas du tout à la hauteur des engagements politiques français à la COP 21.
Transparence à la culture !
Dans le même ordre des choses, au ministère de la Culture, ce sont bien certaines entreprises, comme Total, exploitant les énergies fossiles qui bénéficient le plus des mesures de défiscalisation dans le domaine du mécénat culturel. Au jour d’aujourd’hui, le ministère de la culture s’honorerait à communiquer de manière publique sur le coût de ses exonérations fiscales et sur leur sens politique et écologique !
Le tout diesel : une pompe à fric pour l’Etat, des dégâts pour la santé !
Enfin, après que les différents gouvernements aient encouragé depuis de nombreuses années l’achat de véhicules diesel qui représente encore 80 % des ventes de véhicules légers en France, l’actuel gouvernement, au nom des engagements pris à la COP21 décide de faire converger les taux de la taxe carbone du sans plomb 95 et du diesel pour l’année 2021, ce qui correspond à un surcroît de prélèvement de taxe de 4 milliards € sur les utilisateurs de ces véhicules. Le taux de la taxe carbone est fixé en fonction du prix de la tonne de carbone. En 2014, la tonne équivalait à 7€, en 2020, il est prévu de la monter à 56€, en 2022 à 86€ et en 2030 à 100€. Le rendement de cette taxe est de 6,4 milliards € en 2017 et le gouvernement l’estime à 10,8 milliards € en 2022 !
Exonérations encore et toujours
Il est utile de préciser que cette taxe n’est pas payée ou partiellement par le transport aérien (d’où les polémiques sur le kérosène), le transport maritime et sur les voies navigables intérieures, le bois de chauffage, les professions agricoles, le gazole non routier, les transports routiers de marchandises et de personnes, les taxis.
Cerise sur la gâteau
La loi de transition énergétique de 2015 prévoit au fur et à mesure de l’augmentation de la taxe carbone une compensation à due concurrence par des allègements fiscaux de toute nature. L’actuel gouvernement a certes compensé mais uniquement pour les riches en leur accordant les cadeaux fiscaux dont il est question en début de ce tract ! Par ce fait, il a accentué les inégalités sociales de manière très importante en faisant porter le coût de la transition écologique sur les classes populaires et moyennes.
Après il ne faut pas s’étonner que les gilets jaunes exigent une augmentation de leur pouvoir d’achat et ne se considèrent pas comme entendus ! Et ce n’est pas près de se terminer parce que la hausse des taxes sur le carburant est estimée à un surcoût de 15 milliards € par an à terme.
Bref, la répartition des richesses est bien au cœur du débat de la transition écologique.
L’urgence démocratique : bleu de chauffe
La confiance dans les institutions et les personnels politiques est très faible, voire nulle, le taux de participation aux élections est souvent bas, le sentiment d’un dévoiement de l’intérêt général au profit de l’intérêt particulier est bien réel, la représentation nationale (sénat et assemblée nationale) est constituée de catégories socio-professionnelles favorisées pour l’essentiel, la mise à l’écart des corps intermédiaires (élus, associations, organisations syndicales) s’accentue, la confiscation de la démocratie au travail comme dans la société et à l’école est très prégnante, la lutte contre les discriminations est au point mort, l’injustice fiscale vit ses heures de gloire… ; la fermeture des services publics en grand nombre, les inégalités réelles devant les droits, la relégation de certaines populations et territoires suscitent un grand sentiment d’abandon.
Tous ces symptômes convergent et sont la manifestation d’une profonde crise politique et sociale. Les politiques sont menées avec brutalité et aveuglement et ce ne sont pas les réponses sécuritaires du gouvernement qui peuvent être LA réponse à la crise actuelle. Les violences d’État doivent aussi cesser ainsi que les humiliations et comportements dégradants à l’égard de la jeunesse.
Ouvrir des espaces démocratiques au travail, dans la société, à l’école, sur les ronds-points !
Les espaces démocratiques étant confisqués ou détournés en partie, il faut donc en créer de nouveaux. C’est bien dans ces nouveaux espaces que le débat pourra permettre de construire ensemble les revendications sur la répartition des richesses, le pouvoir d’achat, la démocratie, la transition écologique, le bonheur, les transports, le logement, l’université, la culture… Si les gilets jaunes ont pris possession des ronds-points pour construire ce débat, c’est dire l’état de relégation de la démocratie dans ce pays ! A l’évidence aussi, de nouvelles règles démocratiques doivent voir le jour, des règles qui permettent à tous de faire société et faire sens ; des règles partagées par tous qui permettent de ne jamais s’éloigner de l’intérêt général et de ne pas laisser sur le bord du chemin une part de la population, y compris la jeunesse.
Le 10 décembre : E. Macron maintient le cap
La dernière intervention du président de la République a mis de côté la question essentielle des services publics. Or une des questions posées par le mouvement des gilets jaunes est bien celle de l’égalité d’accès aux services publics. La fermeture d’une multitude d’hôpitaux, d’écoles, de perceptions, de centres sociaux, médicaux et culturels, et donc de commerces… est une profonde injustice à laquelle n’a pas répondu E. Macron. Bien au contraire le cap est maintenu sur les politiques d’austérité et sur la réforme Action publique 2022. La situation des agents publics n’a pas non plus été abordée dans son allocution alors que le gel du point d’indice depuis 2010 se traduit par des centaines d’euros en moins tous les mois dans les rémunérations ; austérité oblige !
Des revendications qui s’entrecroisent
Au ministère de la Culture, la CGT n’a eu de cesse de dénoncer ces politiques, les baisses de pouvoir d’achat et les inégalités qui s’ensuivent ainsi que l’affaiblissement des politiques culturelles de démocratisation, de soutien à la création et de protection du patrimoine. Action publique 2022 n’est pas l’avenir qu’il faut pour nos services publics dans notre société et c’est pourquoi nous continuerons à nous y opposer. A l’évidence, un certain nombre de revendications sont similaires à celles des gilets jaunes et nous prenons le soin de les partager avec ce mouvement. En outre, les questions culturelles doivent aussi être évoquées et débattues avec eux si nous ne voulons pas passer à côté du monde réel.
C’est pourquoi, la CGT-Culture appelle les personnels à se rassembler ce vendredi 14 décembre en assemblée générale, dans le cadre du préavis de grève déposé à cet effet, sur leur lieu de travail et à ouvrir le débat sur la situation sociale actuelle, sur la répartition des richesses, sur le pouvoir d’achat, le travail, les transports, la justice fiscale et la démocratie, etc… C’est bien par le débat et les échanges que se construiront les revendications des personnels et les voies et moyens pour les gagner. En outre des manifestations sont prévues sur toute la France.
Si le 15 décembre les rassemblements gilets jaunes sont maintenus dans un acte 5, nous prenons le chemin de les y retrouver pour un moment de partage des solidarités et de fraternité pour mettre en débat nos revendications, loin des violences et des complots… Ainsi nous poursuivons nos mobilisations du 24 novembre contre les violences faites aux femmes, celle du 1er décembre contre la précarité et celle du 8 décembre pour le climat. Le chemin est peut être encore long pour arriver à la victoire mais la route n’a jamais été aussi peuplée pour y arriver !
Paris, le 13 décembre 2018