Alors que nous sortons à peine du confinement, que le retour à la vie normale se heurte encore à de nombreuses difficultés dans un contexte sanitaire international toujours très préoccupant, l’administration poursuit dans l’ombre son entreprise de restructuration dogmatique du ministère de la culture.
On aurait pu croire que la crise du Covid-19 avait quelque peu calmé les ardeurs de ceux qui ne conçoivent leur rôle qu’en termes de redécoupage des organigrammes et de Meccano administratif vide de sens. Il n’en est rien. Tout en nous jurant leurs grands dieux que la « réorganisation » du ministère était mise entre parenthèses et que le dialogue social à ce sujet reprendrait le moment venu, ils ont continué à avancer en catimini, en chambre, sans les agents et sans nous.
Les mêmes, incorrigibles, qui misaient certainement sur la confusion ambiante et les incertitudes liées à l’agenda politique gouvernemental pour masquer leurs plans en seront pour leur frais : un projet d’arrêté touchant en profondeur aux missions et à l’organisation de la Direction générale des patrimoines (DGP) nous est parvenu fortuitement. Or si un tel arrêté de restructuration, à un tel stade de maturation, existe pour la DGP, il y a tout lieu de penser qu’il en est rigoureusement de même pour la Direction générale de la création artistique, pour la Direction générale des médias et des industries culturelles, et, a fortiori, pour le Secrétariat général passé maître dans l’art du camouflage et de la cuisine technocratique. Faut-il le préciser : le projet de décret d’organisation de l’administration centrale ne fait, lui non plus, l’objet d’aucun dialogue.
Disons-le tout de suite, le document en question ne constitue pas un simple ravalement de façade de la DGP. Il imprime des changements radicaux, des reculs et des régressions inacceptables que nous allons devoir combattre frontalement et farouchement.
Ainsi les personnels et l’ensemble de la communauté archivistique seront certainement effrayés d’apprendre que le SIAF (Service Interministériel des Archives de France) risque la dissolution, paupérisé au sein d’un nébuleux « Service Interministériel du Patrimoine Écrit ». Disons-le sans ambages : ce projet nocif doit être immédiatement abandonné. Si tel n’était pas le cas, le ministre de la Culture, Monsieur Franck RIESTER, ou un autre, trouvera face à lui la CGT-Culture vent debout pour la défense des missions ; du réseau des services publics d’archives (nationales, départementales, municipales, régionales) ; des services ; des personnels ; et des droits démocratiques de la population.
Les personnels des bibliothèques et médiathèques et l’ensemble des professionnels du livre et de la lecture publique seront heureux d’apprendre, eux aussi, que la DGP ferait main basse sur ce réseau essentiel aux politiques publiques culturelles et à la démocratisation culturelle en l’intégrant, là encore, à ce nouvel attelage hétéroclite : le Service interministériel du patrimoine écrit. Ces professionnels de la lecture publique apprécieront aussi sûrement toute la portée de cette idée parfaitement réactionnaire au regard de la vitalité, de la contemporanéité et de la créativité des bibliothèques au cœur de la cité.
Que la DGP coordonne et évalue les actions dans le domaine du patrimoine écrit n’est pas contestable, qu’elle s’entiche de politique des bibliothèques et médiathèques est très suspect. L’inquiétude des personnels est aussi très vive et notamment pour le devenir des services à compétence nationale du domaine archives et patrimoine.
A la lecture de ce projet d’arrêté caché, on peut également avoir les plus vives inquiétudes pour le devenir de la mission de l’Inventaire général du patrimoine culturel déjà dangereusement amoindrie ces dernières années et plus largement pour les dispositifs complexes et fragiles de protection du patrimoine matériel et immatériel.
Dans un autre registre mais ô combien essentiel aux métiers et à la sphère d’influence professionnelle de la DGP, on y apprend que celle-ci aura recours notamment aux services de formation continue des opérateurs rattachés à la direction générale… Vive l’usine à gaz et la dévitalisation du service de formation de la DGP !
Dans le sillage tragique de la crise sanitaire, la crise économique et sociale annoncée est devenue réalité. Malgré les milliards d’aide consentis par le gouvernement, les plans de licenciements se succèdent et touchent des centaines de milliers de travailleurs. Cette crise frappe aussi durement la culture tout entière. Elle interroge ses modèles, ses formes, son rôle et sa place dans notre société (cf. notre déclaration du 29 juin dernier).
Tandis que des voix s’élèvent de toutes parts pour affirmer l’impérieuse nécessité de services publics, renforcés, forts, puissants, garants de la cohésion sociale, de la citoyenneté et des solidarités en République, nous ne pouvons pas tolérer que des dirigeants de passage viennent casser sans vergogne un outil perfectible mais irremplaçable : le ministère de la culture de toutes et de tous.
Nous exigeons donc le retrait pur et simple et immédiat de ce projet scélérat, qui serait programmé pour un CT ministériel de septembre. Nous exigeons également que le ministre de la culture, son cabinet et l’administration en responsabilité fassent sans délai toute la vérité sur ce qui se trame en coulisse. Ils le doivent aux personnels du ministère et aux professionnels de la culture. Ils le doivent aux usagers et à la population.
Il ne faudrait pas que le monde d’après ce soit haro contre le patrimoine !
Paris, le 3 juillet 2020
Dernière minute : la démission du gouvernement vient d’être annoncée ; le président de la République dans une interview à la presse déclare : « Il nous faut dessiner un nouveau chemin. Je le vois autour de la reconstruction économique, sociale, environnementale et culturelle du pays. La Cgt-Culture prend note de ce souci pour la question culturelle.