Cet édito suit de deux jours le vote aux municipales qui a vu le FN sortir en tête
dans nombre de nos villes. Donc, cet édito sera politique au sens grec du mot
politis (qui concerne la vie de la cité).
Or, ce que ce vote nous dit en creux, c’est qu’il existe bien en France un climat
de détresse morale et sociale généralisée et qui ne parvient plus, aujourd’hui, qu’à
s’exprimer soit par une abstention massive, expression d’un rejet ou pire d’un
désintérêt de la chose publique, soit au travers du secret des isoloirs par un vote
soit disant « anti-système ». Economiquement, le Capital a fait son travail de sape
dans les grands bassins industriels et ouvriers où s’était organisées de nombreuses
formes de solidarités populaires, à coup de plans sociaux en chaîne et de casse
dans les Services Publics de tout ce qui pouvait également renvoyer aux notions
de solidarités nationales et d’Etat Providence, à force d’articles sur le coût de nos
services sociaux, idem-ibidem du coût de nos écoles et lycées, de politiques de non
renouvellement d’un fonctionnaire sur deux partant à la retraite, de suppressions de
concours, etc. Socialement, ce même Capital nous coûte – c’est bien la dénonciation
de cet état de fait qui nous a fait nous mobiliser le 6 février dernier –en cela
qu’il n’a de cesse d’écorner ce vivre-ensemble qui faisait jusqu’alors battre le pouls
de nos cités et la raison première d’un Stéphane Hessel de s’indigner (Grand résistant,
membre du CNR, diplomate et auteur du livre Indignez-vous !). Après tout,
il n’est qu’à se promener dans les rues d’Orange –localité du Vaucluse dirigée par
un maire apparenté FN– pour voir les accrocs faits jours après jours à la notion
de citoyenneté partagée : dans la suspicion que l’on voit fleurir sur chacun des
regards que l’on vient à croiser, comme dans la censure appliquée dans les bibliothèques
municipales à certains auteurs et titres, aux suppressions des subventions
aux associations ou aux lieux culturels faisant entendre une opinion différente,
à la relégation spatiale et sociale de certaines populations « dangereuses » et à la
« politique sécuritaire » comme seule réponse à la violence sociale du chômage et de
la précarité… Ce même vivre-ensemble a été encore malmené ces trente dernières
années (Les trente Peu Glorieuses !) par une attaque en règle dirigée contre les
Corps Intermédiaires (associations, clubs et partis politiques, organisations syndicales…
tous ceux et toutes celles qui pouvaient se prévaloir de l’héritage en ligne
directe du programme du conseil national de la résistance de 1944 (intitulé « les
jours heureux ») à coup de sondages orientés, d’articles biaisés dans la presse, d’un
bruit de fond seriné par les « experts » patentés qui de plateaux télés en plateaux
télés vous expliquent qu’ Après tout , c’est la crise, mon bon Monsieur ;vos acquis,
vous savez ce que vous pouvez en faire, ma bonne Dame… Bref, ceux-là mêmes qui
hier encore n’avaient de cesse de démoraliser tout ou partie de la population, nous
reviennent aujourd’hui avec une morgue de circonstance pour nous expliquer le
pourquoi du comment de cette France qui a massivement choisi de s’abstenir…
S’ils n’étaient pas là, il faudrait les inventer !
Tout cela pour vous dire qu’il ne faut pas se décourager. Laisser de côté
ces messagers de mauvais augures et ne pas oublier que cette crise, ce coût socialéconomique
et humain du Capital, c’est bien eux qui l’ont voulu, théorisé et mis
en pratique, tous ces grands argentiers de la planète qui n’ont trouvé mieux pour
accroitre leurs profits que de nous maintenir la tête sous l’eau. Dès lors, c’est sûr,
se mobiliser cela a un prix, une journée de grève pareillement… et cela, Patronat,
Capital, Gouvernements l’ont très bien compris en pariant chaque fois sur l’essoufflement
des mouvements sociaux (grèves, manifs et autres actions). Que faire,
aussi ? Tout accepter ? Etre les dindons d’une farce écrite par d’autres ? Ou ne
convient-il pas, plutôt, d’aller contre cet individualisme rampant et s’unir dans
les luttes (Contre l’austérité, la casse du Service Public et de la sécurité sociale,
pour l’emploi, les salaires, contre la précarité, etc.) et voter, pardi ! Lutter et voter
contre l’innommable mais aussi lutter et voter pour un autre futur, pour l’espoir
et la justice sociale, pour que les Lumières allumées un certain 14 juillet 1789 ne
soient pas ravalées dans la nuit noire du repli sur soi et de la peur de l’autre.
P.S.
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