Madame la Ministre,
Deux ans après la mise en place du Secrétariat Général Commun (SGC) en Guyane, et un an pour les autres DOM, nous souhaitons aujourd’hui vous alerter sur la situation dans les DAC.
Force est de constater que cette réforme a été et reste la cause de nombreux dysfonctionnements dans l’organisation actuelle des DAC, et, par conséquence, dans le quotidien des agents du ministère de la Culture.
Le transfert des fonctions dites « support », comme les services des ressources humaines, des moyens généraux et informatiques, les agents d’accueil et ceux en charge des marchés publics, a fortement déstabilisé le fonctionnement des DAC, et font aujourd’hui peser une charge supplémentaire sur les agents. Ces fonctions sont pourtant essentielles et indispensables au bon fonctionnement d’un service de l’État.
Voilà quelques exemples de notre quotidien :
- Les services des achats publics, de l’immobilier et de la logistiqueet du numérique étant attribués aux SGC, chaque besoin en fournitures ou en services devient incroyablement complexe.
Il faut en premier lieu s’assurer que les marchés SGC correspondants ont été passés, puis les agents sont invités à vérifier les stocks de fournitures, saisir certaines commandes (cartouches d’encre) et contacter le Service Après-Vente.
Les problèmes informatiques et de téléphonie nécessitent plusieurs jours, voire semaines avant une intervention, ce qui gêne les missions des agents. Une telle organisation peut avoir des conséquences directes sur la sécurité des agents dans l’exercice de leurs fonctions, lorsque des commandes urgentes en Equipements de Protection Individuelle (EPI) sont demandées, et non honorées.
L’utilisation des crédits de fonctionnement dédiés à la gestion et aux conditions de travail, transférés de fait aux SGC, est opaque, et probablement peu favorable à l’amélioration du quotidien des agents des DAC. Les DAC n’ont plus la gestion de leur immobilier et de leur logistique interne, et perdent ainsi leur autonomie de fonctionnement.
- L’accueil physique et la communication ne sont plus du ressort de la plupart des DAC. Cela nécessite, pour chaque agent recevant du public (soit une majorité) d’assurer l’accueil de ses rendez-vous, dans un contexte sanitaire et sécuritaire (Vigipirate) complexe.
Le public qui souhaiterait rencontrer ou saisir l’expertise de la DAC rencontre des difficultés à s’informer des modalités et conditions d’accueil. Cela est encore aggravé par l’absence de mise à jour du site internet culture suite à la suppression des postes de chargé de communication. Cette réforme efface jour après jour l’accessibilité de l’usager aux politiques publiques du ministère de la Culture, tout en alourdissant la charge de travail des agents qui doivent assurer les missions de communication et constituer les dossiers de presse.
- En ce qui concerne les marchés publics, expertise du domaine des fonctions supports, à la fois complexe et essentielle aux services, a été perdue au profit des SGC et a dû être absorbée en urgence par les agents de la DAC (lourdes formations accélérées, charge de travail accrue). En réponse, les agents perçoivent une absence de reconnaissance de ces nouvelles responsabilités et de l’effort consenti.
- La gestion de proximité des RH par le SGC a complexifiéun fonctionnement, plutôt efficient auparavant. Il est constaté un manque de visibilité, d’opérationnalité et un prolongement des délais de gestion. Double saisie pour les demandes de congés, de formation, de télétravail, de tableaux de présence, de remboursement des frais de missions (outils SGC en plus de Renoirh/Chorus DT), application du télétravail en décalage avec les circulaires du ministère de la Culture, difficultés à ouvrir un Compte Epargne Temps (CET)… sont autant d’exemples qui illustrent que cette gestion bureaucratique et bicéphale est dissuasive et aucunement favorable aux agents, et parfois non respectueuse des procédures.
- Enfin la moindre demande hors norme se transforme en mission impossible : réparations diverses (porte d’accès, distributeur de savon, climatisation), déménagement de locaux.
La nomination de primo-directeurs dans plusieurs DAC aggrave les carences du SGC et met en exergue leurs difficultés à piloter leurs directions. Ne disposant plus d’expertise RH en interne et de compétences dans le domaine, chaque directeur interprète les réglementations à sa manière et selon son ressenti.
Les méconnaissances des procédures ont pour conséquences un dialogue social de mauvaise qualité.
En Guyane, la direction des affaires culturelles a été supprimée, les agents sont noyés dans une direction des populations, sans visibilité politique, administrative et stratégique. Les notateurs ne connaissent pas les politiques publiques culturelles ce qui pose un problème dans l’évaluation des agents et la fixation des objectifs professionnels.
L’organisation bicéphale, aux contours et objectifs encore flous, peine assurément à atteindre sa promesse de support plus efficace et de gage d’un meilleur service rendu. Malgré les tentatives des référents SGC de proximité de gérer l’interface entre DAC (ou autres directions de l’Etat) et SGC, la qualité de vie au travail s’est fortement dégradée. Les agents peinent à assurer leurs missions de service public au quotidien, ou s’efforcent de le faire dans un contexte de tension permanente, avec, nous le répétons, une surcharge de travail, de responsabilités et un sentiment d’abandon de l’administration centrale. Nous déplorons une absence de mesures et de réponses concrètes et immédiates pour améliorer nos conditions d’exercice. Tout récemment, il est question de nous supprimer notre adresse mail culture (@culture.gouv.fr) pour la remplacer par celle de la préfecture (@guyane.pref.gouv.fr). Et là nous serions totalement invisibles pour le ministère de la Culture.
Plusieurs agents démontrent des signes de souffrances et les risques psycho-sociaux se font de plus en plus ressentir. Malgré une augmentation des arrêts maladie, de choix de reconversion pour certains, de changement d’administration pour d’autres, la gravité de la situation n’est pas perçue à sa juste mesure, au niveau local et national et accentue le sentiment des agents d’un démantèlement de leur service public.
Une inquiétude plane quant à une deuxième vague de transfert de postes au profit du SGC, pour les agents exerçant des fonctions administratives et financières.
En effet, conformément à la note du 21/12/2021, le préfet a dorénavant la capacité de disposer de 3% de l’effectif des agents affectés sur son territoire. A ce jour, ni la direction, ni le ministère de la Culture n’a réagi face à cette note, impliquant de nouveaux traumatismes sur les agents. De surcroît, dans les perspectives d’évolution du SGC, les référents de proximité, partiellement présents dans les DAC, y seraient pour une durée limitée.
Nous vous demandons ainsi, Madame la Ministre :
- La restauration des DAC dans leurs missions pleines et entières, y compris la DAC Guyane ;
- Le retour des fonctions dites supports au sein des DAC, y compris les moyens humains, matériels et financiers transférés aux SGC ;
- L’interruption de la mise en place des SGC ainsi que l’arrêt des expérimentations et éventuelles créations de SGC dans d’autres régions.
Afin de sauver les services déconcentrés du ministère de la Culture d’un bureaucratisme excessif, nous vous demandons madame la Ministre de permettre un retour à une meilleure efficacité dans le travail et redonner du sens à nos missions au service des politiques publiques portées par notre Ministère et pour l’ensemble de nos concitoyens et la Culture.
Dans l’attente de vous lire, nous vous prions d’agréer Madame la Ministre l’expression de nos salutations les meilleures.
Valérie Renault, Emmanuel Georges
Secrétaire générale Secrétaire général du Syndicat National
de la Cgt-Culture des Services Déconcentrés-Cgt
Le 15 juin 2022