Souffrance au travail : l’administration centrale est dans le rouge, mais les lignes bougent

La majorité des services de notre administration centrale est concernée par la dégradation des conditions de travail, qui se traduit par l’altération de l’état de santé de très nombreux collègues, un turn-over important et un réel manque d’attractivité de certains postes dans certains services.

C’est notamment le cas à la Direction Générale des Patrimoines et de l’Architecture – DGPA, dans les délégations (Délégation Générale à la Transmission, aux Territoires et à la Démocratie Culturelle – DG2TDC, Délégation Générale à la Langue Française et aux Langues de de France – DGLFLF) ou au Secrétariat Général (Bureau de la Qualité Comptable – BQC, Délégation à l’Information et à la Communication – DICOM, Sous-Direction des Affaires Européennes et Internationales – SDAEI, Service du Numérique – SNUM).

Les suppressions de postes et la surcharge de travail qui en découle, la mise en place d’organisations de travail dysfonctionnelles (procédures inadaptées, cloisonnement des circuits d’information et de décision, absence de réunions collectives, etc.) et un management souvent autoritaire, infantilisant et parfois méprisant sont les causes principales de cette souffrance.

Nous alertons l’administration dans chaque instance représentative des personnels (comité technique – CT et comité hygiène, santé et sécurité au travail – CHSCT), en particulier depuis la mise en place de la nouvelle organisation de l’administration centrale (OAC).

Suite au CT de mai dernier, l’administration a enfin accédé à notre demande, reformulée au CHSCT du 6 juillet (voir plus bas notre intervention liminaire), consistant dans la mise en place d’une enquête sur les risques psychosociaux (RPS) en administration centrale, afin d’analyser l’impact des organisations du travail sur la santé et les conditions de travail des agents.

Elle se traduira par la réalisation d’un « diagnostic RPS » validé par l’ensemble des représentants du personnel du CHSCT-AC.

L’objectif d’un diagnostic RPS est d’identifier les facteurs de risques en analysant le contexte organisationnel du travail. Il débouche sur des plans d’actions pour écarter ou réduire les risques au maximum.  Cette démarche[1] s’inscrit dans un moyen terme et s’appuie notamment sur une approche quantitative des RPS via un questionnaire et une approche qualitative via des entretiens et des observations. Une fois les facteurs de risques identifiés, un plan d’actions est élaboré pour prévenir ces risques, à différents stades :

  • actions de prévention primaire (actions sur l’organisation du travail pour supprimer ou réduire les risques)
  • actions de prévention secondaire (formations notamment, quand le risque ne peut pas totalement être évité)
  • actions de prévention tertiaire (prise en charge immédiate des personnes en situation de souffrance quand le risque n’a pas pu être évité)

Un suivi des actions doit ensuite être réalisé, ainsi que leur pérennisation au travers du Document unique d’évaluation des risques professionnels (DUERP), entre autres.

Nous avons proposé que l’approche qualitative soit déployée dans les services déjà identifiés comme critiques par les représentants du personnel, ce qui a été entendu par l’administration.

Le nouveau chef du SRH, qui présidait le CHSCT lors de ce point, a par ailleurs rappelé la responsabilité de l’employeur dans la protection de la santé des personnels.

Nous vous détaillons dans le document ci-joint et en ligne les dispositifs actuels vous permettant de réagir en cas de souffrance au travail, que ce soit de manière individuelle ou collective. Les RPS affectant de manière générale les collectifs de travail dans leur ensemble, nous vous conseillons fortement de faire preuve de solidarité et d’agir collectivement en saisissant plusieurs acteurs de la prévention en simultané (médecin du travail, conseiller ou assistant de prévention, inspecteur santé et sécurité, assistant social, etc.), et notamment vos représentants du personnel.

Vous êtes en effet de plus en plus nombreux à solliciter collectivement vos représentants, que ce soit directement ou à travers les réunions d’information syndicale, et nous vous encourageons à continuer, ainsi qu’à transmettre vos témoignages. C’est le poids du collectif qui pèse sur une administration souvent encline à minimiser les risques, voire à les mettre sous le tapis en les réduisant à des « tensions interpersonnelles ».

Parmi les procédures administratives de signalement, il existe :

  • le registre santé et sécurité au travail, disponible à l’accueil de chaque site de l’administration centrale et de manière dématérialisée (voir sur l’intranet) ;
  • le signalement individuel pour violence, discrimination, harcèlement moral ou sexuel et agissements sexistes. Une fiche de signalement est proposée en annexe 2 de l’arrêté ministériel du 13 juin 2022 relatif aux au dispositif de recueil et de traitement de ces signalements ;
  • le signalement pour danger grave et imminent (via un droit d’alerte et un droit de retrait), qui peut être individuel ou collectif et implique le CHSCT ;
  • le signalement en cas de risque grave ou de projet important (avec recours à un expert habilité), qui est collectif et implique le CHSCT ;

Si vous êtes placés en arrêt maladie par votre médecin traitant en raison de la dégradation de votre santé en lien avec le travail, vous pouvez faire une déclaration d’accident de travail et/ou une déclaration de maladie professionnelle disponibles sur l’intranet.  Même si les maladies comme l’épuisement professionnel ne sont pas encore reconnues comme des maladies professionnelles par la sécurité sociale, elles peuvent néanmoins être reconnues comme maladies à caractère professionnel.

Nous restons à votre écoute pour vous accompagner dans toute situation de souffrance au travail et vous recommandons de participer aux futurs entretiens et questionnaires en vue d’établir un diagnostic RPS le plus près de vos situations réelles de travail

Paris, le 13 juillet 2022

Souffrance au travail : Intervention liminaire CGT au CHSCT-AC du 6 juillet 2022

Madame la présidente du CHSCT-AC,

Cela fait plusieurs mois déjà, voire plus d’une année dans certains cas, que nous vous alertons sur la souffrance au travail qu’endurent de nombreux agents en administration centrale. Nous sommes en effet, en tant que représentants des personnels, de plus en plus sollicités par les agents, que ce soit de manière individuelle ou collective. Et très souvent, nous nous apercevons que les sollicitations individuelles ne sont pas isolées au sein d’une même entité de travail.  C’est pourquoi nous vous avons toujours alertée sur des risques collectifs d’atteinte à la santé physique ou mentale des agents dans le cadre de cette instance.

En outre, vous savez que le rôle du CHSCT est de prévenir toutes les formes de risques. Si un agent rencontre isolément un risque professionnel, l’analyse et la prévention de ce risque doit bénéficier au collectif dans son ensemble. Ce qui est arrivé ou risquerait d’arriver à un agent ne doit pas arriver à un autre collègue.

Comme le résume la DGAFP dans son guide méthodologique, « on parle de risque psychosocial pour désigner des situations de travail caractérisées par une organisation, des pratiques relationnelles, des conditions d’emploi potentiellement pathogènes pour la population de travailleurs présente. L’enjeu n’est plus de savoir quelle est la part qui revient à la vie personnelle ou à l’individu. Il est de prendre conscience des conséquences possibles sur la santé physique, mentale, sociale des configurations professionnelles existantes ou projetées ».

Les manifestations des risques psycho-sociaux qu’éprouvent et nous décrivent les agents sont, notamment : le stress, l’épuisement professionnel, l’usure psychologique, la perte de sens dans le travail, de la défiance, la perte de confiance en soi, la démotivation, le développement de formes d’exaspération qui pourraient finir par se transformer en agressivité, etc. Cela conduit des agents à des arrêts maladie, parfois de longue durée. Et nous savons, car les agents nous en parlent, que ces arrêts sont directement liés à la très forte dégradation de leurs conditions de travail. D’autres agents cherchent à partir, afin de quitter leur environnement de travail vécu comme anxiogène. Les principales raisons invoquées à cette souffrance sont : la surcharge de travail, des organisations du travail dysfonctionnelles, des management défaillants qui nous le savons, sont souvent liés aux organisations dysfonctionnelles. Et l’on retrouve, très souvent, la combinaison de ces différents facteurs.

C’est d’ailleurs sans compter les déménagements et l’archivage liés au projet Camus qui ajoutent du travail supplémentaire et de l’anxiété, et tous les désagréments causés par la co-activité.

Malgré nos nombreuses alertes, il aura fallu la saisine de notre instance par les élus du comité technique pour que vous acceptiez, enfin, de mettre en place une enquête sur les RPS, ou risques psycho-organisationnels. Mieux vaut tard que jamais, mais le plus tôt aurait été le mieux et le plus responsable à l’égard des nombreux agents en souffrance. Car il est bien de votre responsabilité de veiller à leur santé via des évaluations de risques et la mise en place de mesures correctives et préventives.

Nous avons donc ici pour objectif de reformuler cette demande du comité technique. Nous vous proposons la formulation suivante : La mise en place d’une enquête sur les risques psychosociaux en administration centrale, afin d’analyser l’impact des organisations du travail sur la santé et les conditions de travail des agents.

[1] Pour plus de détails voir le site Santé Travail Fonction Publique