Le 5 décembre 2014 était publiée la circulaire interministérielle sur le RIFSEEP (Régime Indemnitaire tenant compte des Fonctions, de Sujétion, de l’Expertise et de l’Engagement Professionnel). Il s’agit de la refonte totale du régime indemnitaire (primes) de tous les fonctionnaires de l’État. Pour le ministère de la Culture, 11.000 agents sont concernés. Il est à noter que toute les organisations syndicales de la Fonction Publique ont voter contre ce dispositif.
Une réunion peu propice au dialogue
Ce 17 février se tenait la 3ème réunion relative au RIFSEEP. Comme d’habitude les conditions du dialogue social n’était pas réunis puisque après le report de cette réunion initialement prévue le 17 décembre, l’administration n’a pas été en mesure de nous envoyer la documentation avant la veille au soir à 16h59 ! Et encore, nous avons eu droit à 2 tableaux sans note de présentation qui concernaient uniquement 2 corps (secrétaires administratifs et attachés d’administration). Pourtant, toute la filière administrative passera en premier au RIFSEEP dès juillet 2015 soit environ 4.000 agents.
La CGT et la CFDT ont dénoncé une fois de plus l’impossibilité de travailler dans de telles conditions ce qui a fortement agacée la DRH du ministère. Celle-ci n’a d’ailleurs pas hésité à nous inviter à quitter la réunion ! Finalement, c’est elle qui claquera la porte au bout d’à peine une heure de débats.
Si l’administration a du mal à supporter d’entendre certaines vérités et préfère claquer la porte, il est des situations salariales et indemnitaires plus difficilement supportables pour les agents qu’on ne saurait tolérer !
Le RIFSEEP : quézako ?
Le principe est de fondre en une seule indemnité l’ensemble – ou presque – des primes actuelles :
- l’IFTS (indemnité forfaitaire pour travaux supplémentaires)
- la prime de rendement
- l’indemnité de fonctions et de résultats
- la prime de fonction informatique
- l’IAT (indemnité d’administration et de technicité)
- l’indemnité d’exercice de mission des préfectures
- l’indemnité de polyvalence, l’allocation complémentaire de fonction
- la prime d’activité
- la prime de sujétion.
En revanche, sont exclus du RIFSEEP les primes dites de service fait (dominicales, jours fériés…), frais de déplacement, intéressement collectif, GIPA (garantie indemnitaire du pouvoir d’achat), heures supplémentaires… qui continueront à être payés normalement.
Le RIFSEEP se décompose en 2 parties :
L’Indemnité de Fonction, de Sujétion et d’Expertise (IFSE) est une part fixe fondée sur la nature des fonctions. Il est prévu de déterminer pour chaque catégorie statutaire du corps auquel appartient l’agent des groupes de fonctions :
- Deux groupes pour la catégorie C
- Trois groupes pour la catégorie B
- Quatre groupes pour la catégorie A
Le groupe dans lequel se trouve l’agent déterminera le plancher et le plafond de sa prime. Le ministère a pour sa part obtenu que les catégories B soit classées dans deux groupes au lieu de trois comme initialement prévu dans la circulaire. Pour les secrétaires administratifs, le critère de classement dans le groupe sera l’encadrement.
En outre, l’IFSE devra tenir compte de l’expérience « professionnelle active » mais la circulaire précise que cette expérience ne s’appréciera pas à l’ancienneté !
Le Complément Indemnitaire Annuel (CIA). Il s’agit d’une part variable et facultative sensée tenir compte de l’engagement professionnel et de la manière de servir (sens du service public, capacité à travailler en équipe, connaissance du domaine d’intervention, capacité à s’adapter aux exigences du poste…). L’appréciation du CIA est fondée sur l’entretien professionnel. Il s’applique à toutes les catégories d’agents. Ce n’est ni plus ni moins que de la prime au mérite à discrétion du chef de service c’est-à-dire à la tête du client !
Des inégalités en pagaille…
S’il ne fait aucun doute que le RIFSEEP est une véritable usine à gaz et à opacité, néanmoins, au regard de la situation du ministère, cette « réforme » aurait pu être l’occasion d’améliorer le régime indemnitaire des agents notamment en terme d’égalité de traitement et de revalorisation. Au contraire, l’administration se contente « de reproduire le même schéma » (sic) et renvoie à plus tard (c’est-à-dire à jamais) la question de la politique indemnitaire du ministère malgré les engagements de la ministre il y a un an.
Ainsi nous avons une fois de plus fait le constat des disparités inacceptables entre les agents qui confinent à l’inégalité de traitement, à l’injustice voire à la discrimination.
Inégalités entre agents de même catégorie mais de corps différent en administration centrale : la différence entre la valeur médiane* de la prime d’un secrétaire administratif et d’un secrétaire de documentation classe normale est de 1400 euros par an soit 120 euros par mois.
Inégalités entre agents d’administration centrale et de services déconcentrés : la valeur médiane* de la prime d’un secrétaire administratif classe normale en administration centrale est de 4867 euros annuels contre 4110 euros en Ile-de-France et 3760 euros en régions.
Inégalités hommes/femmes : dans 19 corps sur 28, toutes catégories confondues, le régime indemnitaire des femmes est inférieur à celui des hommes sans que l’administration n’y trouve rien à redire (source bilan social 2013) !
Inégalités entre agents de même catégorie, de même corps au sein d’un même service : de part et d’autre de la médiane*, un seuil de plus ou moins 20% a été défini et constitue ce qu’on appelle le « tunnel ». A titre d’exemple, dans le corps des secrétaires administratifs en administration centrale, nous avons constaté qu’un quart des agents se trouvent en deçà du « tunnel ». Pour tous les corps, la CGT a toujours revendiqué que les agents sous le « tunnel » soient « remontés » dedans par revalorisation de leur régime indemnitaire. L’administration dit avoir donné instruction en ce sens.
Cerise sur le gâteau, inégalités entre corps de même catégorie suivant l’affectation : la valeur médiane* de la prime des techniciens de recherche en services déconcentrés est inférieure de 2.600 euros d’un secrétaire administratif en administration centrale. Sans commentaires…
Si les personnels peuvent entendre des variations dans le montant des primes réellement versées, rien ne justifie le maintien de tels écarts.
…et un système totalement opaque !
Concernant les attachés (catégorie A), l’administration se contentera de calquer le RIFSEEP sur l’actuelle PFR (prime de fonctions de résultats) reproduisant tous les travers de celle-ci. Il est ainsi de notoriété publique que la PFR dans son ensemble, est nettement supérieure au secrétariat général qui se taille la part du lion au détriment des autres directions générales et plus encore des services déconcentrés. L’administration s’en défend et s’est engagée ce jour à nous fournir les documents afférents… cela fait seulement 8 mois que la CGT les réclame !
Bonjour le RIFSEEP adieu les carrières
L’administration l’a clairement affirmé ce jour : la mise en place du RIFSEEP ne se traduira par AUCUNE revalorisation du régime indemnitaire des agents ; du moins pour le moment. Il est à craindre que petit à petit l’administration s’empare du RIFSEEP au détriment de la promotion de grade faute de crédits budgétaires suffisants. A moyen terme c’est donc le principe de la promotion de grade et la carrière des personnels qui risquent d’être remis en cause !
On sait d’expérience que la PFR a gêné la mobilité des personnels précisément en raison des inégalités de traitement d’un service à l’autre. Le RIFSEEP ne fera pas mieux alors que paradoxalement la circulaire encourage la mobilité présentée comme un facteur « d’expérience professionnelle active ».
Pour la CGT, il s’agit d’une attaque en règle contre le système de déroulement de carrière des agents. En effet, rappelons que la séparation du grade et de l’emploi fonde la logique de carrière et l’indépendance du fonctionnaire car elle garantit la rémunération du niveau de qualification quelque soit l’emploi exercé. Avec le RIFSEEP, c’est la statut général qui est en danger ainsi que les valeurs d’indépendance, de neutralité et d’égalité de traitement de la Fonction publique.
La CGT revendique :
- le dégel du point d’indice
- le rattrapage des pertes du pouvoir d’achat
- l’intégration des primes dans le traitement brut et dans le calcul de l’assiette des cotisations retraite
- une plus grande transparence et une plus grande équité dans l’attribution des primes quelque soit l’affectation
- l’alignement du régime indemnitaire des agents de régions sur celui de l’Ile-de-France
- la mise en place d’un corps à 2 grades pour la catégorie C
- l’amélioration du taux de promotion
- des parcours professionnels valorisant pour tous les personnels
*valeur qui partage la distribution du régime indemnitaire en 2 parties égales)
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