Les Architectes des Bâtiments de France (ABF) menacés par un nouveau texte !
L’administration projette une révision importante des modalités de recrutement des ABF visant à dérèglementer et libéraliser la profession. Elle prétexte l’élargissement du vivier de recrutement à des contractuels même non formés.
Cette fois-ci c’est un corps de l’encadrement supérieur de l’État (les AUE) que l’on cherche à détruire au ministère de la culture, après les ICCEAAC, les AUE-ABF ; et après, quel corps sera concerné ?
Ce projet qui apporte des modifications substantielles sur le rôle et le recrutement de ces architectes aurait dû faire l’objet d’une étude d’impact, du concours de l’inspection métier, d’une concertation avec la profession et d’un dialogue approfondi avec les organisations syndicales. En méthode, il n’est pas acceptable que les principaux acteurs d’une politique publique patrimoniale soient consultés en bout de chaine !
Pour ces raisons, l’ensemble des organisations syndicales ont quitté le groupe de travail du 16 septembre et demandé l’abandon définitif de ce texte régressif et sans ambitions pour les enjeux patrimoniaux et du cadre de vie. Si des discussions devaient être engagées sur les conditions d’exercice du métier d’ABF, elles devraient prendre en compte les résultats de la « mission UDAP » en cours au ministère ainsi que ceux de la mission d’information sénatoriale initiée en février 2024.
Faisant suite à notre action, le ministère a accepté de retirer de l’ordre du jour du CSA-M du 8 octobre ce projet de texte.
Trois évolutions inacceptables sont envisagées
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La fin du concours pour être ABF
Jusqu’à ce jour, la condition pour obtenir le titre d’ABF est d’être lauréat du concours d’architecte urbaniste de l’Etat (AUE) et affecté au sein d’une Unité Départementale de l’architecture et du patrimoine (UDAP). Le concours garantit la transparence et l’égalité de traitement dans l’attribution du titre d’architecte des bâtiments de France.
Avec ce texte, des architectes contractuels pourront être recrutés sans concours et sans diplôme de spécialité. Dévalorisant la profession, cette réforme régressive présente le risque d’inféoder les ABF aux promoteurs immobiliers et aux décideurs politiques au mépris de la protection du Patrimoine.
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La fin de la compétence territoriale
Le projet de décret supprime le lien de proximité départemental attaché à la fonction d’ABF en ouvrant la possibilité de rendre des avis déterritorialisés. C’est une perte de savoir-faire dans les UDAP, en termes connaissance du patrimoine et de travaux sur les Monuments Historiques.
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Une scission pernicieuse des champs de compétences des ABF
La compétence départementale constitue toute la légitimité du ministère de la Culture sur un territoire. Les AUE-ABF connaissent bien leur territoire et sont identifiés par l’ensemble des administrations départementales et des collectivités territoriales dans le champ de l’aménagement et des politiques d’architecture, d’urbanisme, de Patrimoine et de gestion des espaces protégés et des sites. Il est fondamental de conserver cette expertise fondant l’intérêt du métier.
Le projet de décret permettrait de créer, sous une même étiquette, trois types d’ABF :
- certains seront exclusivement conservateurs de monuments historiques hors UDAP
- d’autres seront des ABF uniquement instructeurs d’autorisation de travaux dans les UDAP
- d’autres encore, affectés en dehors d’une UDAP, seront chargés de traiter de sujets variés…
En plus de créer de la confusion et rendre illisible sur le terrain la fonction d’ABF, cette scission dépouillera à terme les UDAP de leur rôle de conservation des cathédrales et monuments historiques de l’Etat (domaines nationaux en général). Autrement dit, ce processus signe la disparition en ouvrant la voie à l’agenciarisation et la privatisation des missions de l’Etat.
En résumé, la révision envisagée du code du patrimoine ne permettra pas de :
- régler les problèmes d’effectifs dans les Unités Départementales de l’Architecture et du Patrimoine (UDAP)
- résoudre la problématique de la délégation de signature des adjoints en l’absence de l’ABF
Mais au contraire, cette régression aura pour effet de :
- saper les fondements d’une mission régalienne de l’Etat exercée par le ministère de la Culture
- fragiliser l’indépendance et la neutralité des ABF
- réduire le périmètre d’intervention en limitant leur champ de compétences
- supprimer l’attractivité du métier et du concours d’architecte et urbaniste de l’Etat (AUE)
- détruire à terme l’échelon de proximité départemental du ministère exercé dans les UDAP
C’est pourquoi, l’intersyndicale CULTURE CGT-CFDT-SUD-FSU-UNSA-CFTC demande :
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l’abandon de ce texte régressif pour la préservation du patrimoine et du cadre de vie
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l’ouverture d’une concertation sur la profession d’AUE-ABF et les missions des UDAP
La réflexion utile et efficace sur l’évolution du métier d’ABF ne pourra se construire qu’à partir d’une concertation avec la profession, du concours des inspections, d’une étude d’impact et d’un dialogue approfondi avec les organisations syndicales.
Œuvrons ensemble à l’établissement de mesures qui confortent et garantissent la place de l’architecture et du patrimoine au plus près de nos concitoyens.
Mobilisons-nous pour la défense du métier d’ABF et des missions du ministère de la Culture !
Paris, le 25 septembre 2024
Communiqué intersyndical Culture_évolution du statut des ABF_25 septembre 2024