Vétusté du musée du Louvre ou quand l’absence de politique muséale nationale perdure…

Ce que revendique la Cgt-Culture pour sortir de l’impasse

L’actualité qui met en lumière l’état de délabrement du musée du Louvre est malheureusement à l’image de l’absence la politique ministérielle pour l’ensemble des 35 musées nationaux.

La « note confidentielle » de la présidente du musée du Louvre Laurence Des-cars adressée à la ministre de la Culture Rachida Dati, alertant notamment sur la dégradation des espaces et l’obsolescence des équipements techniques, impactant la conservation des œuvres, rappelle ce que les personnels des musées et la Cgt dénoncent depuis plusieurs dizaines d’années : le désengagement de l’État à l’égard de ses opérateurs, les conduisant à rechercher sans cesse des ressources propres au détriment des œuvres, de l’entretien du patrimoine, des conditions de travail, d’une véritable politique scientifique et culturelle et d’une accessibilité pour l’ensemble des publics.

Et ce ne sont pas les chantiers du plan présidentiel pour une « Nouvelle Renaissance du Louvre« , annoncé par Emmanuel Macron en lieu et place de la ministre de la Culture, ni la suite des annonces par la directrice du musée ce week-end sur le financement grâce « à la billetterie, au mécénat et au Louvre Abu Dhabi » mais aussi via une tarification supplémentaire pour voir la Joconde, qui vont changer quoi que ce soit aux problèmes de fond.

Ce plan présidentiel, estimé entre 700 et 800 millions d’euros, alors qu’il est en réalité plus proche du milliard, inclut la création d’une nouvelle grande entrée, le déplacement de la Joconde dans un espace particulier et une augmentation tarifaire discriminante pour les étranger.e.s hors UE, alors que le billet d’entrée vient déjà d’être augmenté à 22€ !

Ces annonces ne répondent pas à l’enjeu posé par la dégradation du musée du Louvre et les mesures sont très certainement sous-évaluées au regard des travaux à conduire !

Alors que le ministère ne connaît pas encore son budget 2025 et risque d’être amputé d’au moins 50 millions d’euros par rapport au budget Barnier, on se demande bien où le ministère va trouver les 10 millions d’euros annoncés par le président pour les études préalables aux travaux… Nous rappelons que le budget 2024 avait déjà été amputé de 100 millions d’euros sur la mission patrimoine !

Quant aux besoins en termes de personnels, le Louvre, déjà en sous-effectif et possiblement réduit de -12 emplois si le budget Bayrou devait être adopté en l’état, ne sera pas en mesure de gérer la nouvelle entrée et la création d’un nouveau circuit de visite spécial Joconde ! Sans compter la sur-fréquentation attendue de ce nouveau circuit et le contrôle d’identité des visiteur.euse.s pour vérifier leur nationalité qui vont fortement impacter les conditions de travail des agent.e.s et les conditions de visite des usage.r.es…

Ce qu’il y a à craindre

Ces annonces vont accentuer les dérives mercantiles à travers :

  • des tarifs d’entrée exorbitants ET un paiement supplémentaire pour voir la Joconde alors qu’aujourd’hui sa visite est incluse dans le billet d’entrée, au détriment de tous les publics
  • l’instauration d’une discrimination à l’égard des visiteur.ice.s hors Union européenne (un projet similaire a été retoqué en Italie en 2003 par la Cour de justice des communautés européennes)
  • la recherche de mécènes au détriment de l’éthique professionnelle
  • la privatisation d’espaces au détriment des espaces d’exposition au public
  • l’exportation des compétences et savoir-faire au détriment de la coopération culturelle et scientifique
  • l’exploitation du nom des musées comme une marque commerciale, qui n’est pas la vocation d’un musée national
  • la location d’œuvres au détriment de leur conservation et de la réduction de l’emprunte carbone
  • l’ouverture de succursales à l’étranger au détriment de leurs intérêts matériels et moraux
  • l’externalisation au détriment des emplois publics

Et ce à l’exact opposé des missions du plus grand musée du Monde (et national !) : conservation, protection, restauration et présentation des œuvres au public, promotion de la connaissance des collections et de l’étude scientifique des collections, participation à l’éducation, la formation et la recherche…

Mais que doit faire la tutelle ?

Pour une meilleure gestion des musées nationaux et de leurs collections

La Cgt-Culture réaffirme la nécessité de :

  • Recréer une Direction des Musées de France pour renforcer le pilotage, la conduite et l’évaluation des politiques muséales et garantir leur cohérence sur l’ensemble du territoire
  • Mettre en place une politique au niveau central des prêts et dépôts, du label « exposition d’intérêt national » et de l’appellation des Musées de France
  • Pour le volet budgétaire, octroyer des moyens humains et financier largement augmentés à l’ensemble des musées nationaux et au développement des musées de France

Pour un changement de modèle économique et la réaffirmation d’un secteur non-marchand

La Cgt-Culture revendique :

  • La primauté des subventions d’État pour le fonctionnement des musées nationaux, la course aux ressources propres étant une impasse et favorisant la concurrence entre les musées nationaux
  • Une enquête de l’IGAC sur la structuration des financements des musées nationaux
  • La suppression des niches fiscales liées au mécénat et la réaffectation des recettes fiscales générées (900 millions € / an) en subventions publiques au réseau des musées nationaux

Pour des musées véritablement ouverts à toustes

  • La gratuité d’accès pour l’ensemble des populations, la culture étant un bien commun transmissible à toustes, quelles que soient son origine sociale, géographique et/ou ses ressources
  • La Cgt-Culture revendique la consolidation et la valorisation des services éducatifs et de médiation culturelle des musées

Pour une meilleure protection des œuvres et du patrimoine

  • La Cgt-Culture revendique la priorité dans les plans décennaux d’investissement, pour chaque musée national, de l’entretien du clos et couvert, la lutte contre les infiltrations, les fissures et la corrosion, la réfection des locaux techniques et de travail

Pour le maintien des emplois et des métiers

Parce que la protection, la conservation et la valorisation des œuvres et du patrimoine doivent être portées par des personnels publics formés pour ces missions, la Cgt-Culture revendique :

  • Un plan massif de création d’emploi public dans l’ensemble de ces secteurs
  • La réinternatisation des missions externalisées via la sous-traitance et l’auto-entreprenariat

Cgt-Culture, Snmd-Cgt, Cgt Louvre,

Paris, le 3 février 2025