Philippe Bélaval endette l’établissement pour 80 millions d’euros tandis que la chute de la fréquentation entraîne une réduction des dépenses de 5,7 millions d’euros en fonctionnement et de 18 millions en investissement
Le Conseil d’Administration du 10 octobre a confirmé la chute brutale de la fréquentation et donc des recettes de l’établissement. La faute aux attentats ? Oui, bien sûr, mais pas que…
Fréquentation en berne, recettes en baisse
Au 31 août 2016, la fréquentation totale du CMN était en diminution de 10 % par rapport à la même période sur 2015. Ce sont les monuments parisiens – les plus fréquentés – qui sont le plus touchés. Ainsi l’Arc de Triomphe connaît une baisse de 31 %, -21 % pour les Tours de Notre-Dame, -17 % pour la Conciergerie, et -10 % pour le Panthéon. La fréquentation des monuments en région se maintient pourtant (voir augmente) sauf au Mont-Saint-Michel qui enregistre -9 % de visiteurs.
Le droit d’entrée constituant l’essentiel des ressources propres du CMN, une baisse brutale de la fréquentation entraîne mathématiquement une forte diminution des recettes. Ainsi, les recettes sont en diminution de 9,5 millions d’euros par rapport aux prévisions. Heureusement, certaines recettes domaniales perçues par anticipation permettent de ramener le manque à gagner à 8 millions d’euros.
Vous avez dit problèmes techniques ?
Cette situation inédite n’est cependant pas entièrement à mettre sur le compte de la crainte des attentats. En effet, les dysfonctionnements du nouveau logiciel de gestion des stocks déployé dans les boutiques (et dont la direction vantait tant les mérites…) a provoqué de graves difficultés d’approvisionnement et des ruptures de stock majeures, entraînant une importante baisse du chiffre d’affaires. De même, une panne des billetteries informatiques touchant tout le réseau a entraîné la gratuité totale d’accès à de nombreux monuments pendant deux jours au mois d’août ! Quel a été l’impact financier de ces problèmes techniques sur la diminution des recettes ? Silence du côté de la direction…
En fonctionnement, le CMN au pain sec et à l’eau
Après mobilisation des réserves et autres provisions, la direction doit encore réduire les dépenses de 5,7 millions d’euros en fonctionnement d’ici la fin de l’année ! À titre d’exemple, le budget « fonctionnement des services » est réduit de 1,2 millions. Le budget « politique des publics » est réduit de 2,5 millions (dont 1 million en faveur de l’accueil des publics). Le budget « connaissance du patrimoine et diffusion culturelle » est réduit de 1,2 million (dont 1 million manquant en faveur des manifestations culturelles).
En investissement, le CMN prend un retard d’avenir
En investissement, 18 millions d’euros vont devoir être économisés. De nombreuses opérations de travaux vont ainsi prendre du retard ou être décalées dans le temps au détriment de la bonne conservation de monuments et des conditions de travail des personnels. Les dépenses informatiques vont aussi être revues à la baisse. Il s’agit pourtant d’un chantier stratégique pour l’établissement, surtout à l’heure où la direction mise sur le développement du numérique !
Quelles conséquences ?
Cette politique d’austérité va grandement réduire les capacités opérationnelles du CMN alors qu’il s’agit du cœur même des missions de l’établissement. De plus, les économies réalisées sur les fonctions support risquent d’entraîner une paralysie des services d’ici la fin de l’année. On peut aussi s’attendre à une importante dégradation des conditions de travail de tous les agents du CMN.
Hôtel de la Marine : touché coulé !
Petit rappel : le CMN, qui a récupéré la gestion de ce bâtiment prestigieux sis place de la Concorde, prévoit de l’ouvrir à la visite à horizon 2019. 600 000 visiteurs sont attendus dès la première année ; projection pour le moins optimiste dans un contexte post-attentat ! Mais l’essentiel des recettes prévues proviendrait de locations de bureaux et de locations domaniales. C’est dans ce contexte que le Conseil d’Administration a eu à se prononcer sur un emprunt de 80 millions d’euros afin de financer les travaux nécessaires.
Le CMN sombrera-t-il ?
Le prêt sera contracté auprès du Crédit Agricole qui, paraît-il, offre de meilleures conditions et le taux d’intérêt le plus bas. Dès 2022, le CMN devra ainsi rembourser plus de 4 millions d’euros par an (intérêt et capital) sur 30 ans ! Le coût total de l’emprunt s’élèvera à plus de 21 millions d’euros d’intérêt. C’est ainsi qu’un établissement public va contribuer à l’enrichissement d’une banque privée !
En outre, que se passera-t-il si le CMN n’est pas en capacité de rembourser ? Les projections de recettes sont pour le moins très optimistes et rien ne garantit qu’il puisse faire face. D’autant que, d’ici là, l’établissement n’aura plus aucune marge de manœuvre puisque son fond de roulement sera presque entièrement consommé. Quant à la garantie d’État, celle-ci n’est toujours pas acquise. Il est à peu près certain qu’en cas de difficultés c’est la masse salariale qui servira de variable d’ajustement.
Pas de service public sans péréquation
Le CMN fonctionne sur le principe de la péréquation. Ce modèle unique permet l’ouverture des monuments de taille modeste ou peu connus du grand public grâce à l’excédent de recettes généré par les monuments les plus fréquentés. Mais il permet aussi de soutenir l’établissement en répartissant les charges et donc les risques sur l’ensemble du réseau. Ainsi, la fréquentation des monuments en Région a permis de limiter l’impact de la chute de fréquentation qu’ont connu les monuments parisiens.
Notre modèle économique en question
Ce modèle semble aujourd’hui remis en question. En effet, depuis des années, la direction du CMN a concentré les moyens (budgétaires et humains) et les investissements sur les monuments les plus fréquentés, essentiellement parisiens d’ailleurs, dans le but de développer les ressources propres. Avec une telle politique, la direction a perdu de vue que ces ressources propres doivent être un outil au service de la politique culturelle sur tout le territoire et non une fin en soi. Par ailleurs, cela a généré une problématique d’hyper-fréquentation au détriment de la bonne conservation des monuments, de l’accueil du public et des conditions de travail des personnels. Tandis qu’en région, de nombreux monument n’ouvrent pas faute de moyens et d’effectifs. De par un développement trop déséquilibré, la direction actuelle a ainsi grandement contribué à fragiliser le modèle économique du CMN.
Il est grand temps de revenir à une politique d’investissement plus équilibrée, qui profite à tous et sur tout le territoire. Pour le service public et l’emploi public, la CGT revendique des financements publics !
Vote sur le Budget Rectificatif n°2 :
Pour : Administration
Abstention : CFDT
Contre : CGT
Vote sur l’autorisation d’emprunt :
Pour : Administration
Abstention : CFDT
Contre : CGT
Paris, le 21 octobre 2016
Fichier(s) joint(s)
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