Texte d’orientation du XIIIe congrès de la CGT-Culture – novembre 2023
« Le handicap n’existe pas dans l’absolu : il est en référence à des situations précises de la vie de tous les jours » Pierre MINAIRE (Médecin, Professeur de rééducation fonctionnelle).
Le handicap en données
Avant tout, il convient de fournir quelques chiffres afin de permettre une meilleure perception de ce que représente le handicap et ce que sous‐tendent ces données :
- Le handicap concerne 20 % de la population en France soit 12 millions d’individus.
- Parmi les 27,3 millions de personnes de 15 à 64 ans en emploi, 2,9 millions sont reconnues en situation de handicap et bénéficient de la loi sur l’obligation d’emploi de travailleurs handicapés (OETH).
- Forte de ses 5,7 millions d’agents publics, la Fonction publique comptait 260 095 personnes handicapées bénéficiaires de l’obligation d’emploi en 2022. La Fonction publique d’État emploie un peu plus de 90 000 travailleur.euse.s reconnu.e.s administrativement (RQTH). Cela ne masque pas la difficulté, néanmoins, qu’il y a d’obtenir finement le nombre d’emplois RQTH par ministère et en cela, le ministère de la Culture n’est toujours pas à la pointe ! Selon le dernier bilan des données sociales du ministère, l’emploi RQTH représente 357 personnes sans qu’il puisse être permis d’en connaitre le périmètre exact.
Perception du handicap et biais cognitifs ?
Autrement dit préjugés, car si l’on a tendance à cantonner le handicap à ce que l’on peut voir, il s’avère que 80 % de ces situations spécifiques sont invisibles et regroupent, à ce titre, des réalités diverses.
Or, être dit handicapé.e, c’est être empêché.e par la société, en ce sens où elle place l’individu dans une situation particulière, avec un rapport de discrimination et d’oppression, comme souvent le travail peut l’être quand il se dégrade au détriment de l’humain mais au profit du capital.
Il conviendrait alors que notre communauté culturelle change aussi ses lunettes sur ce culte implicite porté au « validisme » qui n’est, in fine, que le handicap de nos sociétés néolibérales en ce qu’elles promeuvent la performance… physique ou mentale et aliènent implacablement l’individu.
Trop souvent encore nos collègues dits « handi » sont perçus comme des variables d’ajustement ou un quota à remplir ou pis comme non compétents, là où leur handicap requiert parfois,
au‐delà des aides physiques, des aménagements de leur temps. Le handicap n’est pas vu comme une spécificité de la personne mais comme le grain de sable dans le rouage de la « machine performative capitaliste ». Alors la personne avec des besoins spécifiques devra s’adapter. D’autant plus avec des collectifs de travail compressés par les réductions d’effectif de moins en moins capables d’intégrer ces collègues.
Mise en œuvre du droit à l’autonomie et à l’inclusion
En ratifiant la CIDPH (Convention internationale sur les droits des personnes handicapées), la France s’est engagée à prendre toutes les mesures appropriées en vue d’assurer le caractère effectif de ces droits, et notamment le droit à l’inclusion pleine et effective sur la base de l’égalité avec les autres. Si des progrès ont été réalisés notamment par le cadre législatif (Loi de février 2005), notre ministère n’échappe pas à la règle de budgets largement insuffisants pour joindre l’action à l’intention. L’externalisation de la médecine du travail, la rationalisation des espaces de travail, le disséminement des programmes budgétaires consacrés au handicap freine de facto cette mise en œuvre.
Handicap et formation
L’État s’est engagé dans la loi de Transformation de l’action publique d’août 2019 en son article 59, à renforcer la formation des agent.e.s en situation de handicap ou exposé.e.s aux risques d’usure professionnelle, nous attendons du ministère et de ses établissements sous tutelle, la mise en œuvre de ce principe légal et non le saupoudrage de verbiage habituel. Il convient que la loi sur la liberté de choisir son avenir professionnel ainsi que l’article L.352‐1 Code de la Fonction publique9 ne restent pas une incantation au ministère.
Trop de collègues embauché.e.s en catégorie C voient leur carrière stagner par ces « fameux » biais cognitifs générant un effet de plafond de verre. Il nous faut introduire l’idée d’un dispositif de postes réservés à la promotion des bénéficiaires OETH dans les corps de catégories supérieures.
Nous demandons qu’un véritable outil statistique de la formation et de la carrière des TH soit mis en place, que les difficultés d’accessibilité des lieux ou des outils de formation (logiciels adaptés) soient remontées dans les instances.
Retraites et handicap
En matière d’accès à la retraite et de pension, les agent.e.s « handi » sont particulièrement touché.e.s par les différentes réformes bouleversant le système de retraite (allongement du nombre de trimestres nécessaires, report de l’âge légal de départ ou système de décote introduit). Les travailleur∙euse.s handicapé∙e.s, dans leur ensemble, sont bien souvent les victimes oubliées de la casse de nos « conquis ».
Leurs caractéristiques socio‐économiques les rendent particulièrement vulnérables à toute réforme inique de notre système de retraite. C’est pourquoi nous demandons que l’administration élargisse son champ d’action lors des négociations sur le chantier de la prévoyance.
Le handicap est un combat politique, c’est pourquoi la CGT-Culture revendique :
- La mise en œuvre d’une réelle politique du handicap, visant à l’autonomie et l’inclusion des BOETH et passant par un pilotage concret et efficient et non par l’éclatement des budgets du Handicap dans différentes entités ministérielles (Bureau de l’action sociale, service de formation, CNAS, etc.).
- Une politique volontariste pour l’emploi des personnes handicapées (avec un objectif de 10 % des effectifs).
- La nécessité de développer des politiques de prévention en santé au travail et de reconnaissance de la pénibilité afin que le travail ne devienne pas une source de handicap.
- Que le travail s’adapte concrètement à l’humain et non l’inverse et pour ce faire, la CGT‐Culture exige un renforcement des actions sur les aménagements des postes, une politique d’accessibilité volontaire de tout le bâti ministériel.
- L’application effective de l’article L.352‐1 du code de la Fonction publique.L’interdiction de licenciement et de mise à la retraite d’office pour inaptitude sans que toutes les possibilités d’aménagement de poste ou de mesure de reclassement concrets aient été recherchées.Que la médecine de prévention (ou du travail) puisse remplir justement ses fonctions et que pour ce faire, elle soit réinternalisée.Le droit à la retraite anticipée à taux plein.
- Que le passage en pension d’invalidité des fonctionnaires donne droit à un trimestre de retraite par trimestre d’invalidité.
9 « Aucun candidat ne peut être écarté, en raison de son handicap, d’un concours ou d’un emploi de la fonction publique, sauf si son handicap a été déclaré incompatible avec les conditions de santé particulières exigées pour l’exercice de certaines fonctions à la suite de l’examen médical destiné à évaluer son aptitude à exercer cette fonction, réalisé en application des dispositions du 5° de l’article L. 321‐1 ou du 4° de l’article L. 321‐3. »