Texte d’orientation du XIIIe congrès de la CGT-Culture – novembre 2023
Les DRAC appliquent la politique du ministère en régions sous la double tutelle : administration centrale et préfecture de régions. Ils concentrent donc toutes les compétences et toutes les filières métiers du ministère de la Culture. La charte de déconcentration définit le rôle respectif de chaque tutelle avec, depuis 2015, un fort accroissement du pouvoir des préfectures au point d’éclipser celui du ministère. La perte d’autonomie en communication et disparition du logo culture, la répartition des budgets de subvention, ceux de fonctionnement (y compris ceux de déplacement ce qui n’est pas sans poser de problème pour l’exercice des missions), les travaux dans les locaux qui se font plus lentement au détriment de l’hygiène et des conditions de travail, la répartition des effectifs, la mutualisation des moyens et organisation des services, les projets de service, sont désormais sous la responsabilité des préfectures de régions.
Une vision interministérielle et territorialisée de la culture sous la tutelle du ministère de l’Intérieur prend donc le pas sur une politique nationale menée par le ministère, accentuée par l’absence de directive nationale d’orientation depuis 2015, qui permettait de déployer et d’adapter les politiques ministérielles en région.
Les SG des DAC de l’outre‐mer et la logistique de la DRAC IdF ont été fondus dans des SG communs avec les préfectures, bureaucratisant toutes les démarches professionnelles des agent.e.s. Ce processus a même abouti à l’absorption de la DAC Guyane dans une direction des populations où le ministère n’exerce plus sa tutelle. C’est la fin des politiques culturelles sur ce territoire.
La gestion des locaux par la Direction immobilière de l’État (DIE) a radicalement changé l’approche des lieux de travail. On est passé d’une conception de bureaux comme moyen d’exercer des missions à un coût du fonctionnaire qui intègre le nombre de mètres carrés qu’il occupe. Cela a entraîné de nombreux regroupements d’UDAP et depuis peu de DRAC dans des cités administratives ou préfectures, l’intégration de services de l’État dans les locaux des DRAC, ainsi que des concentrations de personnel dans les espaces de travail avec des bureaux de moins de 12 m2. Les nouveaux locaux s’accompagnent souvent d’une perte d’image et d’une diminution de service public, notamment par une baisse des rendez‐vous des pétitionnaires. De plus, les relocalisations dans les bâtiments de préfecture posent de nombreux problèmes d’accès au public ce qui entraîne des tensions avec les personnels. L’arrivée du « flex office » va encore aggraver cette situation.
Avec la fusion des régions, l’organisation des DRAC a été modifiée en profondeur : rajouts d’échelons intermédiaires entraînant un allongement des chaînes hiérarchiques ; une organisation multisites qui ne facilite pas le travail et augmente le nombre de déplacements.
Certaines collectivités territoriales souhaitent prendre directement en charge certaines missions des DRAC, à l’instar de la Bretagne ou encore la région PACA. Cela touche pour l’instant les industries culturelles (cinéma et livre et lecture) en Bretagne ; les tentatives en PACA de récupérer l’ensemble des missions du ministère de la Culture ont échoué.
En matière de politiques publiques, l’inégalité d’accès des citoyen.ne.s à la culture perdure et s’aggrave du fait de la métropolisation.
Les DRAC répondent de plus en plus de manière bureaucratique aux différents partenaires. La préoccupation de démocratisation de la culture est le plus souvent absente de la réflexion en DRAC et n’oriente pas les choix organisationnels et la répartition budgétaire.
Au lieu d’une élaboration des politiques publiques entre administration centrale et services déconcentrés, que nous appelons de nos vœux, une déconcentration des labels et autres dispositifs nationaux affaiblit considérablement l’administration centrale et une expertise nationale. En DRAC, le travail s’accroît sans effectifs supplémentaires et la seule boussole devient la préfecture.
Les mutations numériques ne simplifient pas forcément le travail des agent.e.s et apportent le plus souvent de la lourdeur, cela est particulièrement vrai pour Chorus, Chorus DT, ARP, Patromum et les démarches de simplifications administratives. L’omniprésence de l’outil informatique provoque un repli sur soi des agent.e.s, un manque d’échanges entre collègues et abîme les collectifs de travail. La charge mentale induite par leur utilisation massive augmente considérablement.
Sous ces effets conjugués, les conditions de travail se dégradent avec perte de sens, isolement accru, sentiment d’insécurité et de dépossession multipliant les cas de souffrance ou de surmenage.
Les instances représentatives des personnels jouent souvent le rôle de chambre d’enregistrement et découragent l’implication militante. Dans certains cas, une discrimination syndicale s’exerce à l’encontre des militant.e.s de la CGT. Depuis les élections professionnelles de 2018, la CGT est le seul syndicat avec un réseau national dans les services déconcentrés. En 2022, le référendum a conforté la première place de la CGT dans les services déconcentrés et montre l’attachement des agent.e.s au dialogue social avec un taux de participation de 73 % en moyenne, ce qui est un encouragement à la syndicalisation CGT.
La CGT‐Culture imagine les DRAC comme porteuses de mixité sociale, du vivre ensemble, du développement de l’éducation culturelle pour tous, tout au long de la vie. La culture permet de créer du désir et de l’envie chez les populations délaissées sur tous les territoires, elle décloisonne et devient un vecteur d’émancipation personnelle et sociale. La culture c’est aussi penser le patrimoine comme un tout.
Les orientations, priorités et revendications de la CGT-Culture :
- Maintenir les DRAC et DAC avec toutes leurs prérogatives dans chaque région et préserver des sites distants généralistes qui reprennent la totalité des fonctions des DRAC sans spécialisation afin de maintenir un service public de qualité et de proximité
- Conserver une UDAP par département et refuser tout déménagement en cours et à venir qui ne soit pas dans un site patrimonial et ne répondant pas aux missions
- Définir une nouvelle directive nationale d’orientation (DNO)Redonner toute sa place au ministère au détriment du pouvoir exorbitant des préfets et face au désengagement du champ culturel par de nombreuses collectivités territoriales ; refuser toute délégation ou tout transfert de compétence afin de préserver l’égal accès à la culture
- Renforcer les budgets sur la base d’une péréquation nationale par rapport au nombre des habitants et redéployer les subventions vers les zones rurales et périurbaines les plus délaissées
- Augmenter les effectifs nécessaires avec des emplois pérennes dans tous les secteurs afin de répondre aux missions et à leurs évolutions réglementaires, législatives et numériques, former à la prise de poste et tuiler les départs en retraite
- Organiser des concours réguliers dans tous les corps présents dans les services déconcentrés afin d’avoir des cadres d’emplois pérennes et statutaires
- Donner des moyens matériels décents (fournitures, informatiques, propreté des locaux…) pour l’accomplissement des missions de service public et la qualité de l’accueil
- Revaloriser la carrière des agent.e.s par un alignement du régime indemnitaire sur celui d’autres administrations régionales (intérieur et finances doivent être les références)Augmenter les promotions des agent.e.s et prioriser la formation professionnelle, favoriser les détachements au sein du ministère de la Culture entre opérateurs, administration centrale et DRAC
- Renforcer les compétences métier et les coordinations en refusant les polyvalences interdisciplinaires et les grands services uniques qui amenuisent l’expertise, point fort des DRAC
- Rétablir et étendre la maîtrise d’ouvrage État dans le domaine patrimonial, y compris en modifiant la loi
- Redonner un vrai rôle de dialogue social aux instances représentatives du personnel et protéger élu.e.s et militant.e.s, alerter et enquêter sur la situation des agent.e.s en privilégiant les procédures de danger grave et imminent