Madame la Ministre,
Nous n’avons cessé d’alerter votre cabinet sur ce que nous avons appelé « la vente à la découpe » de notre département ministériel, qu’il s’agisse de l’appropriation de l’éducation artistique et culturelle par le ministère de l’éducation nationale, qu’il s’agisse de la mise sous tutelle partagée de notre enseignement supérieur avec le ministère du même nom au risque de voir disparaître ses spécificités, qu’il s’agisse des tentatives de transferts de monuments aux collectivités, etc. C’est aujourd’hui l’action internationale du ministère de la culture et de la communication (MCC), et les moyens qui y sont alloués, qui nous préoccupe.
Lors de votre prise de fonction, vous avez rencontré l’ensemble des personnels y compris les agents en charge des questions européennes et internationales. Or après 15 mois, la déception est grande dans le domaine européen et international :
diminution de 30% du budget 2013 et peut être autant en 2014
gel des recrutements de personnels qualifiés, non-remplacement des départs à la retraite et baisse des contrats de vacations
succession de deux conseillers diplomatiques en 15 mois aux méthodes de travail très différentes
inquiétude sur le fait que vous ne receviez pas certains homologues étrangers à la différence de vos prédécesseurs
Force est de constater qu’à ce rythme-là, il risque de ne plus rien rester de l’action internationale du MCC.
La diversité culturelle est un enjeu essentiel pour notre pays et doit se traduire par des objectifs embrassant l’ensemble de ses dimensions.
Cela passe notamment par la promotion des échanges culturels, la construction de partenariats et de coopérations institutionnelles avec d’autres pays et l’accueil des cultures étrangères en France. L’action internationale et européenne du ministère est l’un des fondements de la défense de cette diversité culturelle, pour l’enrichissement des cultures, la rencontre des cultures française et étrangères.
Or il faut bien relever que la politique internationale du ministère souffre d’un manque de vision, de dynamisme et surtout d’une définition de lignes directrices et d’enjeux stratégiques.
Certes vous avez défendu des positions importantes sur le plan communautaire, notamment celle de l’exception culturelle, mais le niveau communautaire ne saurait constituer le seul enjeu pour notre ministère.
Le MCC a son rôle à jouer, non seulement dans la promotion des cultures étrangères en France mais aussi dans la promotion de la culture française à l’étranger. Ce rôle ne doit pas être laissé au seul Ministère des affaires étrangères (MAE), qui n’hésite pas à s’arroger l’expertise et les actions du MCC à l’international tout en lui déniant toute intervention en ce domaine, ainsi que le démontre amplement le contenu du document intitulé « Stratégie culturelle du MAE ». Le MAE a convié les directeurs de musées à une réunion sans en informer semble-t-il la direction générale des patrimoines. Le MCC n’est plus associé à la préparation des journées du réseau et ne peut y présenter correctement ses missions… résultat : les agents en poste les ignorent en partie. De même aux ateliers de l’Institut français (IF), le MCC n’est que peu sollicité. A l’heure de la diminution des moyens budgétaires et humains du MCC, il est particulièrement inquiétant de voir que son expertise est ainsi dévalorisée et appropriée par d’autres.
La perte de notre co-tutelle sur l’établissement public de l’Institut français contribue à la mise à l’écart du MCC sur la politique culturelle internationale. Les domaines du patrimoine ont été sauvegardés au sein du MCC et ne font pas partie des compétences de l’IF, mais cela durera-t-il ? Et comment reprendre la main pour les domaines déjà inscrits dans les compétences de l’IF afin que ce ne soit pas un établissement public qui dicte sa politique à un ministre !
Pour une part, la faiblesse de l’action internationale de notre ministère résulte d’une organisation mal définie des relations entre les directions générales et le secrétariat général. Un pôle dédié à l’international a été créé dans chaque direction, à la délégation générale et au sein du SG. Mais le service des affaires internationales a perdu en influence, passant d’un service du cabinet à sa création, à une sous-direction d’un service du SG aujourd’hui…ce qui lui ôte tout poids politique.
Vous avez des équipes dynamiques, compétentes dans ces domaines et convaincues du bien fondé de l’action internationale du MCC, à même de jouer leur rôle auprès des établissements publics pour peu que les lignes directrices soient clairement dessinées, et que les délimitations des compétences entre le Secrétariat Général, chaque Direction générale et chaque établissement public, parfois peu lisibles et très souvent source de tensions, soient clairement définies.
Madame la Ministre, vos équipes sont motivées mais inquiètes, elles défendent l’expertise du MCC au plan international, et le rayonnement de la culture française à l’étranger. Elles portent des projets et des actions valorisantes pour le MCC vis-à-vis des pays étrangers et au sein des organisations européennes et internationales.
Au moment où les moyens pour l’action internationale sont largement amputés, non seulement vos agents, mais les professionnels de la culture, les artistes, français et étrangers attendent de vous, une position affirmée, illustrant le travail mené par notre ministère et ses établissements, mettant en avant notre capacité à promouvoir une conception partagée d’une « économie » de la culture, respectueuse des identités et attachée à la liberté de la création artistique. Le monde de la culture attend de vous que vous exprimiez une ambition culturelle internationale.
Ici comme ailleurs, c’est l’exception culturelle qu’il s’agit de réaffirmer. Celle portée par votre département ministériel, dans toutes ses composantes. C’est la diversité des champs embrassés qui donne au MCC sa place, enviée par nombre de pays de par le monde. Le rôle de la France à l’échelle mondiale dépend tout autant de l’activisme de son ministre chargé de la culture que de son poids militaire ou économique.
Aussi, puisqu’il serait inconcevable d’attendre la présentation du prochain PLF pour découvrir votre stratégie et votre ambition ministérielle en la matière au travers de sa lecture, nous nous rendons disponibles pour vous rencontrer.
Dans l’attente, nous vous prions d’agréer, Madame la Ministre, l’expression de notre haute considération.
Paris le 4 septembre 2013