L’annonce a été faite très solennellement lors du dernier CT Ministériel du 4 décembre dernier : la
ministre de la Culture entend s’attaquer à l’organisation du ministère dans sa globalité « pour
être à la hauteur de sa propre ambition » . Cette Ambition… Quelle est elle ? Sous couvert de
« garantir des droits culturels réels à chacun de nos citoyens », il s’agit,, selon ses propos, de
« transformer » en « décloisonnant, responsabilisant et innovant » afin d’ « améliorer le service
public, améliorer les conditions de travail des équipes, contribuer à la maîtrise des dépenses
publiques ». Nous connaissons bien cette pratique de la langue de bois !
Prise de court suite à la diffusion dans les médias d’un document de travail interne, Françoise
Nyssen a dû s’en expliquer auprès des représentants des personnels. Loin de démentir les
informations qui y figurent, la ministre a bel et bien confirmé son plan de démantèlement du
Ministère de la Culture.
Pour ce qui est des Musées, la ministre s’inscrit dans la volonté gouvernementale de déconcentrer,
décentraliser et externaliser les services publics encore sous tutelle de l’administration centrale. Il
ne faut pas revenir à beaucoup d’années en arrière pour retrouver le copié-collé de ce projet qui est
en partie une adaptation aux Musées du défunt projet de la MHF (Maison de l’Histoire de France).
Plaidant comme tous ses prédécesseurs la « démocratisation culturelle », ce que va mettre en oeuvre
la ministre va avoir exactement l’effet inverse : les « non-publics » ou « exclus de la culture »
vont se voir un peu plus éloignés des musées par les augmentations tarifaires contenues dans les
différents scenarii proposés dans le document de travail du ministère.
Quels sont-ces scenarii ?
En premier lieu, et ce qui tient particulièrement à coeur de la ministre : se débarrasser de la
gestion des Musées sous statut de Service à Compétence Nationale.
Ces projets visant les musées sous statut de Service à Compétence Nationale sont de 3 sortes :
– Transférer certains musées SCN à d’autres ministères ou collectivités territoriales :
– Le Musée des Plans et reliefs qui serait transféré au Musée de l’Armée (Défense)
– Le Musée Magnin serait transféré à la ville de Dijon
– Transférer certains musées à d’autres Établissements Publics existant :
– Le Musée Port Royal des Champs au Musée et Domaine de Versailles
– Le Musée Clémenceau au Centre des Monuments Nationaux
Enfin au choix :
– soit reverser la gestion de tous les musées SCN restants (Les Eyzies, Cluny, Chagall- Fernand
Léger – Picasso, Pau, Compiègne- Blérancourt, Ecouen, Malmaison- Ile d’Aix et Musée Bonaparte,
Saint Germain en Laye) à la RMN-GP ce qui impliquerait un transfert de tous les personnels de
droit public en droit privé !
– soit créer un Établissement Public Administratif qui regrouperait les Musées SCN restants
ce qui impliquerait des coûts beaucoup plus importants que la simple gestion des SCN par
l’administration centrale (comme l’ont démontré les créations d’EPA déjà opérées).
La Ministre semble pencher clairement pour un reversement de la gestion des SCN à la RMN-GP.
Or il faut savoir qu’à l’heure actuelle, la RMN-GP est dans une situation difficile. D’abord
financièrement, ayant perdu beaucoup de parts de marché face à ses concurrents, le ministère a dû
abonder son budget de plusieurs millions d’euros pour qu’elle évite la faillite à la fin 2016.
Ensuite, le projet « Ambition 2020 » voté en CA et CE en novembre 2016 prévoit l’élimination de
40 ETPT, les ruptures de contrats (conventionnelles ou transactionnelles) et les démissions
s’accentuant. Enfin, la RMN-GP s’est endettée à hauteur de 150 millions d’euros auprès d’une
banque privée pour accomplir les travaux de rénovation indispensables à la sécurité du bâtiment du
Grand Palais et à l’accueil des publics.
En seconde priorité, la ministre souhaite décharger l’administration centrale de la gestion des
personnels en mettant en place l’autonomie de gestion de tous les EPA, et donc entre autres de
la gestion des personnels au niveau local. Sont concernés :
– Musée et domaine de Versailles
– Musée d’Orsay et de l’Orangerie
– Musée Guimet
– Musée Picasso
– Palais de la Porte Dorée
– Musée Henner-Moreau
– Musée Du Quai Branly
– Cité de la Céramique de Sèvres- Adrien Dubouché
– MuCEM
– Musée et Domaine de Fontainebleau
– Musée d’art moderne Pompidou
Rappelons les conséquences désastreuses qu’implique l’autonomie de gestion dans les
établissements publics :
– externalisations à outrance des missions de service public
– privatisations de l’espace public sous couvert de mécénat
– augmentation exponentielle des tarifs de droit d’entrée
– carrières, formations, mutations, rémunérations faisant fi de l’équité de traitement et parfois
même discriminantes
– sous-effectif chronique maintenu dans les services
– non respect fréquent de la réglementation en matière de conditions de travail
– tentatives permanentes de dérogations à l’emploi statutaire allant à l’encontre des avis des CAP
– régimes indemnitaires opaques
– mise en concurrence accrue de la RMN-GP sur les boutiques et librairies
– gestion des ressources humaines non centralisée débouchant sur le non suivi des carrières
– gestion « maison » des réglementations administratives
Disons-le clairement, le but du ministère est de se soustraire à sa responsabilité de tout ce qui
peut se passer dans un établissement public quel qu’il soit en laissant libre cours aux décisions
des Présidents des EP et leurs Conseils d’Administration.
La troisième priorité, pas des moindres, est de recentrer les missions de l’administration
centrale sur ses principales tâches : « le rôle de conception et d’élaboration des politiques
publiques, de pilotage et d’évaluation ». En d’autres termes le ministère s’apprête à
« dégraisser » à nouveau les services d’administration centrale. Ce qui nous amènerait au
basculement de certaines missions sur d’autres administrations externes au ministère comme cela a
été le cas pour l’élaboration des fiches de paye que l’on reçoit maintenant avec un mois de retard, et
comme cela s’est produit pour l’organisation des concours qui est maintenant dévolue à la Maison
des examens à Arcueil. Les conditions de travail des agents administratifs sont déjà
déplorables, cela va accentuer la pression et les tensions au sein des services et bien évidemment
allonger les délais d’exécution des tâches…
Tout est fait pour démotiver les agents !
Madame Nyssen l’écrit noir sur blanc : cela va s’accompagner « d’une diminution du nombre de
postes ». Rappelons que la mise en oeuvre de la RGPP et de la MAP avait très fortement saigné
notre ministère en terme d’emplois, a fortiori dans les musées. Des agents se retrouvent ainsi à
devoir assumer 3 boulots au lieu de 1 depuis 10 ans, et ça va s’amplifier ! Comment alors prétendre,
au vu des nombreuses fermetures de salles dans tous les musées, de pouvoir « favoriser l’accès au
plus grand nombre aux richesses de nos musées » ?!
Quatrième priorité : la ministre vise particulièrement la filière accueil et surveillance du
ministère. Elle souhaite profiter des nombreux départs en retraite programmés dans les très
prochaines années dans le corps des adjoints pour externaliser en masse cette mission essentielle et
indispensable propre au ministère de la culture. Le but est de ne pas remplacer et de supprimer
27 % des agents de catégorie C de cette filière, ce qui conduira inévitablement à une
externalisation massive de ces missions de service public.
Le choix de notre ministre n’est pas dicté en priorité par une volonté de démocratisation culturelle,
ni même d’économies budgétaires. Ce choix traduit la volonté de casser le service public afin
d’ouvrir un maximum d’opportunités à l’avidité des marchés au détriment de notre richesse à
toutes et tous : le service public. C’est un double choix : politique et idéologique. C’est
l’extension du libéralisme dans la culture, dans les musées, sur notre patrimoine collectif au profit
de quelques lobbies et particuliers. Ce sont les directives de la libre concurrence et du marché
imposées par l’Europe qu’est chargé d’appliquer ce gouvernement ultra libéral.
Nous sommes déterminés à nous opposer par tous les moyens à
ce projet néfaste !
Tout est prêt, il ne reste plus que le feu vert de la Ministre pour mettre en œuvre le plan d’action :
en mars 2018 la « réforme »-éclair conçue par le gouvernement va se déployer.
Sur la page d’accueil du Ministère, les agents, ainsi que les usagers, sont invités à s’exprimer par le
biais d’un questionnaire appelé de façon insidieuse « forum », dont on ne sait qui reçoit et gère les
réponses et comment elles seront traitées. Peu importe, on fait semblant de demander l’avis de
tout le monde pour mieux prétendre à un dialogue… Ici pas de dialogue : juste un gadget,
mais qui permet aux décideurs de se prévaloir d’un blanc-seing des citoyens !
Les 18, 19 et 20 décembre derniers se sont tenues les « Assises des métiers des musées » où étaient
conviés à débattre nombre de chef(fe)s d’établissements, secrétaires généraux, et autres chef(fe)s de
services sur le devenir des métiers des personnels des musées. Entre autres étaient abordés des
questions telles que « enjeux, contraintes, atouts des métiers dans les musées de droit privé »,
« Organisation des services et mutualisation. Quels effets sur les métiers et leur évolution ? »,
« Modèles organisationnels et économiques. Quels recours à l’externalisation ? », « Perspectives de
carrières hors des Musées Publics ». Voilà donc affiché et assumé le plan d’attaque de la
Ministre concernant les Musées, tout un programme !
Il y a urgence !!!
Nous n’avons pas d’autre choix que de nous mobiliser tous ensemble et très
rapidement. Nous appelons d’ores et déjà tous les personnels des musées à
participer aux HMI qui sont et seront organisées sur tous les musées qu’ils soient
EPA, EPIC, SCN, Associations, Fondations… La répartie doit être à la mesure
de la violence de l’attaque perpétrée contre les personnels et contre notre service
public culturel : forte, implacable et déterminée !
Rien ne pourra se conquérir sans l’implication des personnels !
Tout comme l’affirme notre ministre, « notre méthodeSNMD tract CAP 2022
est celle du dialogue, de la concertation, de la confiance »
à bon entendeur…