Agréments en veux-tu, en voilà !

En 2003, la mise en concurrence des fouilles a été sévèrement combattue par la communauté archéologique qui dénonçait la marchandisation des fouilles archéologiques. Aujourd’hui, la loi de 2003, sans surprise, montre toutes ses limites et le fait est qu’elle laisse la porte ouverte à des opérateurs peu scrupuleux et très éloignés de ce que doit être leur principal objectif, la sauvegarde du patrimoine archéologique par la fouille. Aujourd’hui, les procédures mises en place pour l’attribution des agréments et leurs contrôles témoignent d’un système arrivé en bout de course !!


Depuis 2003 et la mise en concurrence des fouilles d’archéologie préventive, l’Etat délivre un agrément pour une durée de 5 ans selon des critères bien précis. Le code du patrimoine (article R.522-9) précise :

« Les agréments prévus aux articles R. 522-7 et R. 522-8 sont délivrés par arrêté conjoint du ministre chargé de la culture et du ministre chargé de la recherche aux services et personnes de droit public ou privé mentionnés auxdits articles, qui disposent de personnels permanents justifiant des qualifications requises en matière d’archéologie et de conservation du patrimoine, ainsi que de la capacité administrative, technique et financière de réaliser les opérations d’archéologie préventive susceptibles de leur être confiées, dans les conditions exigées par le présent titre. Les qualifications requises sont fixées par arrêté du ministre chargé de la culture. »

Il est précisé dans la – Fiche pratique pour la présentation d’une demande d’agrément (version de février 2011) – en ligne sur le site du ministère de la Culture que :

« 1.3.3 L’organisme doit disposer de personnels permanents qualifiés en archéologie préventive
L’examen de la demande porte en grande partie sur les compétences scientifiques réunies au sein de l’organisme candidat.
Il importe donc que les personnes qui devront assurer la direction ou la réalisation d’opérations d’archéologie préventives soient clairement identifiées et que soit précisée leur spécialisation sur le plan scientifique (période chronologique et/ou qualification technique particulière).

Les personnels doivent être permanents :

 dans le secteur public, les personnels doivent être titulaires ou, à défaut, en contrat à durée déterminé de 3 ans renouvelable et dans ce cas, présenter des perspectives de CDI ou de titularisation,

 dans le secteur privé, les personnels doivent être en CDI, »

Pour permettre l’émergence de nouveaux opérateurs il est précisé sur la même fiche :

« Cas particulier des structures nouvellement existantes :
La création de postes de fonctionnaires ou plus généralement le recrutement de salariés par une structure publique ou privée peut naturellement être conditionnée par l’employeur à l’obtention préalable de l’agrément.
Toutefois, aucun agrément ne peut être délivré sans que les qualifications scientifiques des personnels, actuels ou futurs, ne soient garanties.

Dans ce cas, le dossier de demande peut être recevable à la double condition que :

 l’employeur produise l’engagement écrit de procéder au(x) recrutement(s) : délibération créant les postes budgétaires, promesses d’embauche, etc.

 les personnes qui seront recrutées en cas d’obtention de l’agrément soient identifiables (en fonction de leurs curriculums vitae détaillés figurant au dossier) et qu’ils s’engagent par écrit à répondre favorablement à la promesse d’embauche délivrée par l’employeur. »


Le cadre réglementaire étant posé, abordons le cas d’une entreprise à statut de SASU (société par actions simplifiée unipersonnelle) dénommée « France Archéologie » qui a obtenu son agrément le 26 mai 2011. Cette société a obtenu son agrément pour réaliser des fouilles archéologiques sur la période antique, en prenant l’engagement d’embaucher sous CDI des personnels compétents clairement identifiés lors de la demande. Or cette société n’a pas recruté sous CDI les personnels qualifiés qu’elle s’était engagée à embaucher, ce qui ne l’a pas empêchée de postuler sur 2 fouilles, une dans l’ouest de la France et une autre dans le sud-est. Donc sans rien dire, alors qu’elle a « l’obligation de signaler tout changement substantiel des conditions au vu desquelles l’agrément a été accordé » et faisant fi de ses engagements, cette société a obtenu deux marchés de fouille, sur la base d’une équipe entière de précaires. Les services de l’Etat se sont cependant aperçus de l’entourloupe ! Apparemment la CIRA aurait été saisie du dossier et en aurait informé le ministère, qui chercherait à arranger la situation en faveur de l’opérateur.

Le SGPA CGT-Culture condamne la mise en place de société de « type boite d’intérim » ayant pour objectif unique la réalisation de profits dans le secteur de l’archéologie préventive, essentiellement au détriment des conditions d’emploi de ses personnels et du Patrimoine Archéologique.

Dans ce cas précis, l’administration du ministère doit faire respecter la loi :
le retrait de l’agrément s’impose car il a été donné sur la base de personnels « identifiés » mais non recrutés !

Si par ailleurs, des recrutements CDI doivent intervenir, ils doivent donner lieu à une nouvelle demande d’agrément. Il ne s’agit pas d’un « changement substantiel des conditions au vu desquelles l’agrément a été accordé » puisque les conditions initiales et indispensables n’ont jamais été remplies.

L’agrément accordé le 26 mai 2011 à « France Archéologie » tombe de fait.

Si « France Archéologie » veut obtenir un agrément sur une nouvelle base de personnels recrutés sous CDI, le CNRA doit examiner une nouvelle demande. Il n’est pas possible de tordre le cou ainsi au droit, obtenir un agrément sur des promesses d’embauche qui ne sont pas réalisées et par la suite recruter d’autres personnes pour les remplacer.

Le CNRA doit pouvoir remplir pleinement ses missions et l’administration du ministère doit en être la garante !!

Paris, le 11 décembre 2011.

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