CONSEIL SUPÉRIEUR DES ARCHIVES,
LA MINISTRE ANNONCE L’AMPUTATION DU SITE DE PARIS
ET LA FERMETURE DU SITE DE FONTAINEBLEAU !
Ce mardi 3 mai 2016, le Conseil Supérieur des Archives (CSA) s’est réuni après plus de trois ans d’inactivité complète (séance du 14 décembre 2012). Présente, la ministre de la Culture, Audrey Azoulay, a exposé sa politique pour les archives et a fait deux annonces majeures. Autant immédiatement dire que Audrey Azoulay s’inscrit dans la continuité de la politique banqueroutière et mortifère de ses prédécesseures, Aurélie Filippetti et Fleur Pellerin.
1/ Audrey Azoulay a annoncé, « conformément aux recommandations du Conseil de l’Immobilier de l’Etat » (CIE), sa décision de procéder à l’amputation d’environ 8 000 mètres carrés de magasins, de bureaux et d’ateliers, du site des Archives nationales de Paris. Il s’agirait, à la place des magasins et des documents, d’y installer 300 à 400 collègues des services de centrale du ministère « jetés à la rue » après l’opération de spéculation immobilière lancée par le gouvernement et la rue de Valois.
2/ Audrey Azoulay a, implicitement, annoncé la fermeture définitive du site des Archives nationales de Fontainebleau, site interdit au public depuis le 28 mars 2014 en raison de pseudo désordres architecturaux.
Ces deux annonces, par leurs natures et conséquences, leur brutalité, signent la mort de l’institution. Elles sont donc une déclaration de guerre lancée contre les Archives nationales, leurs missions et les personnels qui les servent.
Unis et solidaires, les agents des Archives nationales avaient mis en échec le projet la Maison de l’Histoire de France de Nicolas Sarkozy et de Frédéric Mitterrand. Nous ferons tout, absolument tout ce qui sera nécessaire pour que le projet de Audrey Azoulay et de François Hollande subisse le même sort. Après tout, les mêmes maux entraînent les mêmes remèdes !
Bas les pattes, pas touche aux Archives !
Tous ensemble, nous arrêterons le bras des casseurs !
Paris, le 3 mai 2016
Pour cette séance depuis longtemps attendue, Audrey Azoulay souhaitait qu’un nouveau président soit nommé, Jean-Louis Debré : « sous sa conduite, le Conseil supérieur des archives sera le lieu de débats, d’échanges et de réflexions autour d’enjeux cruciaux que constituent pour notre société la conservation de sa mémoire à l’ère du numérique, l’accès aux sources de l’histoire pour tous les publics, ou encore la transmission d’un patrimoine commun ». Diantre, tout un programme. Mais avant de détailler les principales annonces et nos réponses, qu’il nous soit permis d’indiquer trois remarques préalables :
1/ Le CSA, une instance « consanguine »
Pour que le CSA soit ce « lieu de débats, d’échanges et de réflexions autour d’enjeux cruciaux » tant vanté par Audrey Azoulay, les membres extérieurs à l’administration des archives ou à des institutions connexes doivent être les plus nombreux, sinon l’administration se parle à elle-même. Ainsi, l’arrêté du 27 avril 2016 modifiant la composition du conseil est loin d’aller dans le bon sens. En effet, plusieurs membres de droit, universitaires et chercheurs, ont été remplacés par des représentants d’institutions du ministère ou de l’administration. Nous voyons disparaître comme membre de droit le directeur du Centre National de la Recherche Scientifique (CNRS), le premier vice-président de la Conférence des présidents d’université et le président de la Fondation des Sciences Politiques. Même si d’autres universitaires et chercheurs continuent d’être présents en tant que personnalités qualifiées, nous estimons qu’il est regrettable que ces trois institutions, dont les représentants étaient assidus – contrairement à ce qu’a sous-entendu le directeur du SIAF -, disparaissent de la liste des membres de droit. Force est de constater que le ministère privilégie l’entre soi (les réunions avec les nouveaux membres de droit comme la BNF, l’lNA et le Haut-Comité aux commémorations nationales n’ont pas besoin du CSA pour se tenir) plutôt que de recourir aux avis et compétences d’institutions et de personnalités extérieures, libres et indépendantes. Ce calcul affaiblit évidemment le CSA, son rôle, ses compétences et son travail.
2/ Audrey Azoulay, une ministre lâche et dédaigneuse
Pour que le CSA soit ce « lieu de débats, d’échanges et de réflexions autour d’enjeux cruciaux », lorsque Audrey Azoulay exprime « sa vision des archives et leur rôle dans la cité », faut-il encore qu’elle soit présente pour écouter les critiques, conseils et avis des différents membres, historiens, chercheurs, généalogistes, associations et syndicalistes qui le composent. Il ne peut suffire de rester le temps des deux allocutions du président Debré et de l’ancienne présidente Elgey. Il ne faut pas fuir accompagnée de son cabinet, en toute hâte et toute lâcheté, pour ne pas entendre ce que les différents membres ont le droit de dire, surtout après trois ans et demi d’absence de ce conseil ! Cette courdise et ce dédain qui ont été malheureusement la marque de fabrique des ministres de la culture du quinquennat Hollande – contrairement à l’assiduité de Frédéric Mitterrand ! ! ! – ne renforcent pas le CSA.
3/ Jean-Louis Debré, un président aux méthodes de flic ?
Pour que le CSA soit ce « lieu de débats, d’échanges et de réflexions autour d’enjeux cruciaux », encore faut qu’il y ait un cadre qui le garantisse. Pour cette séance, Audrey Azoulay souhaitait qu’un nouveau président soit nommé : ce sera Jean-Louis Debré. Mais c’est bien connu : chassez le naturel et il revient au galop. Et c’est l’ancien ministre de l’Intérieur qui a surgi. La représentante de la CGT-Archives n’a pas pu intervenir sans être coupée, empêchée de parler, interrompue. Jean-Louis Debré a notamment jugé que ces propos n’avaient pas à être tenus dans cette enceinte et qu’« il y avait des instances paritaires pour cela »… Sauf que la représentante CGT évoquait alors la loi Création Patrimoine et Architecture, le fait que cette loi n’ait pas été porteuse d’ouverture, d’abaissement des délais de communication, que des archives continuent à ce jour d’être interdites, sujet qui comme les lois sur la gratuité et la réutilisation des informations publiques ou la loi sur la République numérique, auraient dû pouvoir être examinés et discutés au CSA. Visiblement, Jean-Louis Debré avait mal « anticipé » et ses fiches pour parer les questions des représentants syndicaux sur les Archives nationales étaient loin d’être à jour. Pour Jean-Louis Debré, c’est soit les « instances paritaires ou l’Assemblée » ! Rien ne l’en a fait démordre. Pas même Antoine Prost, professeur émérite des universités, qui est intervenu pour indiquer que la loi sur les archives entrait bien dans le champ des débats du CSA. Antoine Prost a eu droit à la même réponse : « instances paritaires ou Assemblée ». Circulez, y’a rien à voir ! Et dire que cet homme, éminent juriste, a été président du Conseil constitutionnel pendant neuf ans ! Une vraie rupture de style avec les présidences des historiens René Rémond et Georgette Elgey.
C’est dans ces conditions que la ministre, tout comme les autres avant elle, a dit tout le bien qu’elle pensait des archives. Elle a diffusé ses sinistres annonces sur un plateau avec une couche de sucreries (au sens propre) avant et après.
La vision des archives de Audrey Azoulay, c’est :
« une politique de numérisation au service de la conservation de la mémoire » : tout y est passé des images mises en ligne aux plate-formes numériques. Il a été question de « paix » des mémoires, pour faire ressurgir tous les oubliés, les exclus, les anciennes colonies. L’opération de grande collecte pour les documents de la première guerre mondiale a été saluée, la ministre indiquant vouloir développer des chantiers du côté de l’histoire des femmes ou de l’enregistrement des procès judiciaires ;
« une perspective immobilière et territoriale » : sur la question de l’immobilier, il est indiqué que « cela sera vu dans une autre instance ». Laquelle, nous n’en savons rien.
Pour Paris, Audrey Azoulay annonce que le projet porté par le ministère (l’amputation du site pour y reloger l’administration centrale au mépris des missions des Archives nationales) a reçu un avis favorable du Conseil immobilier de l’État. Elle assure que les besoins scientifiques de l’institution seront préservés (elle n’explique pas comment elle conserve 77 kml d’archives dans 60 kml de magasins) et annonce que la cession par appartements est désormais écartée !
Audrey Azoulay indique ne pas ignorer ce qui est arrivé en mars 2014 à Fontainebleau et le fait que 41 agents soient logés dans des locaux provisoires. « Cela ne doit pas durer ». Il est question donc de « rencontrer le personnel pour arrêter une décision dans les prochaines semaines ». Quel courage !
Pour le site de Pierrefitte, qui s’est construit grâce au « savoir-faire » du personnel de Fontainebleau, auquel la ministre veut rendre hommage, il est question d’accessibilité renforcée grâce au Grand Paris et à Plaine Commune. Et la ministre finit par le couplet habituel sur la France d’hier (la basilique) et celle d’aujourd’hui (« le territoire le plus jeune de France »).
Elle finit ce chapitre douloureux en évoquant le réseau des services départements qui devra surmonter deux défis (la saturation des magasins et la réforme territoriale) sans en dire plus.
« des perspectives scientifiques fortes » : Audrey Azoulay évoque… les partenariats avec le CNRS (dont la représentation au CSA a été supprimée!), l’ANR… Elle termine par plusieurs formules aussi séduisantes à l’extérieur que creuses et soporifiques au fond : « la mémoire de la France appartient à tous ». Il faut « mettre les archives au cœur de la société »…
La ministre ayant lâchement disparu des débats, c’est, interrompue de manière grossière et inappropriée par Jean-Louis Debré, que la représentante de la CGT a pu faire la déclaration suivante :
« Madame l’ancienne Présidente du Conseil Supérieur des Archives
Monsieur le Président du Conseil Supérieur des Archives
Mesdames et Messieurs les membres du Conseil,
Le Conseil Supérieur des Archives ne s’est plus réuni depuis plus de trois ans.
C’est là un singulier déni démocratique, trop long pour être anodin.
Plus de trois ans durant lesquels les membres du Conseil Supérieur des Archives n’ont pas été concertés sur le volet législatif des archives alors même qu’a vu le jour une loi intitulée Création Architecture et Patrimoine, où il n’y a rien sur les archives, loi dont le travail parlementaire est d’ailleurs en voie d’achèvement.
Revenir, abaisser les délais de communication, faire une vraie loi d’ouverture répondant aux besoins des chercheurs et de la population, tel était l’engagement pris devant nous en juillet 2012 par Aurélie Filippetti, première ministre de la Culture du quinquennat du Président François Hollande…
S’il était pourtant un domaine où le droit devait s’imposer, c’était bien celui des archives afin de revenir sur le sort des archives dites « interdites », à jamais incommunicables.
Ces documents qui, au prétexte qu’ils touchent aux armes de destruction massive, sont désormais à jamais interdits de communication. Cet état de fait est terriblement préjudiciable à la population, par exemple à toutes les personnes ayant fait l’objet d’irradiations, qui ne peuvent ainsi plus avoir accès aux dossiers concernant les essais nucléaires français au Sahara et en Polynésie et de ce fait être un jour être indemnisées. C’est un exemple parmi d’autres.
Comment a-t-on pu ne pas réunir le Conseil Supérieur des Archives quand deux lois récentes, [interruption de Jean-Louis Debré] une relative à la gratuité et aux modalités de la réutilisation des informations, l’autre à la République numérique, impactent l’accès aux archives et leur réutilisation, sujets qui ont pourtant déjà été évoquées en cette instance et sur lesquels l’ancienne Présidente avait soumis un vœu ?
Comment ne pas mettre aujourd’hui à l’ordre du jour un débat sur le statut des archives des hommes politiques, [interruption de Jean-Louis Debré] archives qui dérogent au droit commun comme nous avons pu encore une fois le vérifier avec les archives présidentielles concernant le Rwanda ?
Plus de trois ans durant lesquels le tout nouveau comité interministériel aux Archives de France créé en avril 2012 n’a pas présenté ses travaux aux membres du Conseil : trois importants documents ont en effet été élaborés sans qu’ils aient fait l’objet d’aucune présentation. Je pense en particulier au dernier travail publié fin 2015 et intitulé « Cadre stratégique commun de modernisation des archives et de gestion de la performance » qui développe des axes stratégiques et des objectifs pour les années 2015 à 2019 ou bien à la circulaire signée par Mme Fleur PELLERIN, parue le 5 août 2015, et relative à la prévention de l’exposition au risque amiante dans les services publics d’archives. [interruption de Jean-Louis Debré] Mon syndicat le revendiquait depuis longtemps, nous nous en réjouissons. Pour autant, il nous faut constater que son application complète se heurte à un manque de moyens humains et financiers, mais également à des faiblesses politiques et administratives fortes. Si la parution de la circulaire « Amiante Archives » a été saluée par tous comme importante, il est plus que jamais nécessaire que le ministère de la Culture continue de s’engager à la soutenir.
Enfin, plus de trois ans pendant lesquels la refondation des Archives nationales décidée en 2004 par le Président Jacques Chirac à travers le maintien et le développement de trois sites de plein exercice (Paris, Fontainebleau et Pierrefitte-sur-Seine) a été dynamitée. La catastrophe avait certes démarré il y a plus de trois ans, très exactement en septembre 2010 lorsque le Président Nicolas Sarkozy avait souhaité installer une Maison de l’Histoire de France [interruption de Jean-Louis Debré] sur le site parisien des Archives nationales, créant ainsi l’illusion de l’existence de mètres carrés disponibles. [interruption de Jean-Louis Debré]
Depuis, si le site pierrefittois a été inauguré le 11 février 2013 par le Président François Hollande, l’institution n’a cessé d’être en danger : le site bellifontain, inaccessible au public depuis le 28 mars 2014 suite à des présomptions de « désordre structurel », est menacé de fermeture définitive [interruption de Jean-Louis Debré] (ce que la ministre n’a aujourd’hui pas écarté et qu’elle renvoie à une autre instance); la ministre vient d’annoncer que le site parisien des Archives nationales sera réquisitionné, amputé, pour reloger des services de l’administration du ministère à des fins de cession immobilière alors qu’il n’a pas la place de conserver ses fonds anciens et ses minutes de notaire ; c’est donc en conséquence, le site pierrefittois qui sera lui menacé de voir ses magasins saturés et sa réserve foncière préemptée.
Avec cette annonce, c’est l’ensemble du dispositif Archives nationales à trente ans, validé en 2004 qui va d’exploser. C’est une catastrophe pour les personnels, les Archives nationales, la démocratie. [interruption de Jean-Louis Debré]
Fin de la prise de parole, de la camarade de la CGT-Archives, définitivement empêchée par le président Jean-Louis Debré…
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