APPEL POUR LA DEFENSE DU MUSEE NATIONAL PICASSO

C’est à partir des collections royales et de la confiscation des biens du clergé que la Révolution française constitue les premières collections publiques. L’inventaire des tableaux, dessins, statues dressé par la République naissante permet de répertorier les œuvres et de constituer le fonds du « Muséum Central des Arts » crée en 1793 au Louvre, mais aussi ceux du musée des sciences et techniques et du muséum d’histoire naturelle. Sous le Consulat, l’arrêté consulaire du 14 fructidor an IX (1er septembre 1801) répartit les premiers dépôts de l’Etat, amorçant ainsi une politique qui viendra enrichir les collections publiques tout au long du 19eme siècle.


Fruit d’une histoire de deux siècles, l’actuel réseau muséographique du ministère de la Culture est actuellement constitué de 34 musées nationaux (Louvre, Versailles, Orsay, etc.). Ces musées nationaux ont pour mission de conserver, d’étudier, de restaurer et d’enrichir leurs collections. Ils ont également pour mission de présenter le plus largement ces collections au public.

La tutelle de ces musées nationaux est assurée par la direction des Musées de France (DMF) qui propose et met en œuvre la politique de l’Etat en matière de patrimoine muséographique. Les missions de cette direction centrale sont notamment : l’achat d’œuvres d’art ; la conservation, la protection, la restauration et l’étude des collections ; la diffusion et la présentation des collections au public ; l’autorité de tutelle sur les musées nationaux ; enfin, le contrôle scientifique et technique de la gestion des collections de plus de 1 200 musées labellisés « Musées de France ».

Le Musée National Picasso installé dans l’hôtel Salé, demeure achevée en 1659 et classée monument historique en 1964, abrite l’une des plus grandes collection d’oeuvres de l’artiste dans le monde. C’est en 1973 à la mort de Pablo Picasso que l’Etat grâce à la dation (loi qui permet aux héritiers de payer leurs droits de succession en cédant des œuvres) choisit les œuvres qui lui reviendront. Ouvert au public en 1985, le Musée Picasso constitue le principal centre d’étude sur la vie et l’œuvre de l’artiste, fréquenté par plus de 500 000 visiteurs par an, ce qui le place au 4ème rang des musées parisiens en terme de fréquentation.

Le Musée National Picasso est aujourd’hui gravement menacé dans son existence !

A l’issue du conseil de modernisation des politiques publiques du 4 avril 2008, le gouvernement a annoncé la fusion de la DMF avec la direction des Archives de France (DAF) et la direction de l’Architecture et du Patrimoine (DAPA) afin de créer la Direction Générale des Patrimoines de France, ainsi que la transformation du statut juridique du musée national Picasso (actuellement Service à Compétence Nationale SCN) en Etablissement Public à caractère Administratif (EPA), statut particulier qui confère notamment une large autonomie administrative et financière.

Le changement du statut juridique en EPA permettrait notamment l’embauche légale d’un volant important de personnels précaires (vacataires, contractuels, C.D.D.). A ce titre, les exemples des EPA du Musée du Louvre et de la Bibliothèque Nationale de France sont éloquents. En 2007, le Louvre employait 677 précaires sur les 2095 agents présents, soit 32 % de l’effectif total. En 2006, la B.N.F. employait quant à elle 913 précaires sur les 2 651 agents présents, soit 36 % de l’effectif total ! Pour mémoire, nous rappellerons qu’en 1996, la B.N.F. disposait de 2 804 agents qui se répartissaient entre 1 929 fonctionnaires et 875 précaires !

Le statut juridique d’EPA accentue le phénomène de « marchandisation » des collections publiques et développe la notion d’accueil de « clients », au détriment des usagers du service public culturel, qui vont devoir payer de plus en plus cher pour avoir accès à des musées vidés de leurs œuvres. Ce qui est en jeu aujourd’hui, c’est la fin des musées nationaux tels qu’ils ont été pensés lors de la Révolution Française.

L’actualité du Musée National Picasso, c’est aussi le lancement de lourds et longs travaux de rénovation et de réaménagement de Hôtel de Salé. Le décor est planté : un musée fermé pour travaux à partir de juin 2009, vidé de ses collections, vidé de son personnel, vivotant dans l’attente d’une réouverture avec un statut tout neuf d’EPA.

Les travaux sont également une opportunité rêvée de rentabiliser un patrimoine national pourtant irrémédiablement opposé aux lois de l’économie de marché. Pour preuve, l’organisation du « Picasso World Tour 2008 » (cf Le Monde daté du 28 mai 08) qui devrait rapporter, après des étapes programmées en Espagne, aux Emirats Arabes Unis, en Australie, au Canada, près de 15 millions d’euros, soit les trois quarts de la somme nécessaire pour les travaux (prévus pour un total de 20 millions d’euros). La boucle est bouclée…

Nous, personnels du Musée National Picasso, de toutes les filières et de toutes catégories, administrative, scientifique, de documentation, d’accueil de surveillance et de magasinage, ouvrière et technique ne l’acceptons pas.

Citoyens, salariés, étudiants, élus, intellectuels, usagers de la Culture, nous vous appelons à signer notre pétition qui sera remise dans les prochaines semaines à Mme Christine Albanel, ministre de la Culture.

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