En l’absence de concours externe et interne depuis de nombreuses années, non seulement le nombre des agents de la filière recherche du Ministère de la Culture est en chute libre, mais ceux qui restent ont vu aussi leur évolution de carrière réduite à néant depuis fort longtemps. La très grande majorité d’entre eux va partir bientôt en retraite sans avoir eu la moindre chance de passer à un corps supérieur, après 30 ans ou plus, d’une carrière au Ministère de la Culture.
Le concours annoncé d’ingénieur d’études a donc créé un certain espoir à la fois par le renforcement attendu des services, grâce à l’arrivée de jeunes collègues, mais aussi par la possibilité de promotion via le concours interne, et le concours externe pour ceux ayant le diplôme requis. Rappelons que ces dernières années la plupart des postes vacants a été pourvue par des détachements venus d’autres Ministères, de Collectivités territoriales ou encore par des mises à disposition de l’Inrap. Ces entrées ont permis de “ colmater les brèches ” et d’intégrer de nouvelles compétences mais se sont révélées catastrophiques pour l’évolution de carrière des agents déjà en place. C’est ainsi qu’une trentaine de promotions a été perdue (ces promotions étant calculées sur les recrutements “ frais ”, sans prendre en compte les détachements et mises à disposition).
Rappelons que ce concours n’a pas été voulu par le ministère, mais qu’il a été obtenu après un mouvement social organisé par l’Intersyndicale des archéologues. Selon cet engagement, vingt-cinq nouveaux postes doivent être créés dans les Services régionaux de l’archéologie.
Or après un premier cafouillage, ce concours a dû être annulé et beaucoup de temps a été perdu, rendant presque impossibles les prises de poste avant la fin de l’année 2016. Le nouveau concours, toujours discutable sur la forme, a déjà fortement démotivé de nombreux postulants puisqu’on est passé de 700 candidats à environ 500. La liste des admissibles externes a récemment été publiée et démontre encore une fois le mépris du Ministère à l’égard de ses propres agents et sa méconnaissance de l’emploi dans ses services.
Parmi les candidats au concours externe se trouvent de nombreux agents du Ministère qui assurent depuis des années des missions d’ingénieur d’études et qui, ayant le diplôme requis, ont postulé à l’externe en toute légalité. Or pour aucun d’entre eux, la commission de recrutement n’a jugé le dossier recevable. Ainsi le Ministère considère d’un côté, que ces agents peuvent pendant dix années, ou plus, faire le travail d’un ingénieur ou d’un conservateur en les rémunérant au tarif technicien de recherche ou assistant ingénieur et de l’autre, qu’ils ne sont pas suffisamment compétents pour prétendre à ces corps. Le mépris pour les agents de ce Ministère, notamment par la sous-direction de l’archéologie, ne pouvait être plus clairement exprimé. C’est proprement scandaleux et le renvoi sur l’interne strictement illégal. Pourquoi les agents en capacité de passer, aussi, le concours externe devraient-ils être au final recrutés uniquement sur le quota de l’interne, réduisant d’autant leur chance de changer de corps ? De quel droit ? Et que pourront penser ceux qui, classés loin après ces derniers, ne seront pas pris au terme du recrutement ? Notamment ceux qui, faute du diplôme requis, n’auront pas pu prétendre à l’externe et dont l’interne était la seule chance de voir reconnu leur engagement depuis de nombreuses années ? Mathématiquement cela veut tout simplement dire qu’il y aura moins d’agents déjà en place qui obtiendront un poste d’ingénieur. Et le sous-directeur qui ose encore dire qu’il est conscient des problèmes dans l’évolution des carrières des agents…
La deuxième aberration de la liste des admissibles à l’externe concerne le nombre de retenus. Avec déjà moins de 50 archéologues admissibles, le nombre de candidats classés, en listes ferme et complémentaire, sera forcément (largement) inférieur. Or il fallait, selon les promesses du Ministère, pourvoir 25 nouveaux postes puis en remplacer au minimum autant à cause des postes actuellement non pourvus et des prochains départs massifs de 2016-2018.
Parmi ces 50 archéologues “ admissibles ”, plusieurs sont déjà dans les services et si leur intégration dans le corps est indispensable, elle ne ramènera cependant pas d’agents supplémentaires dans les services. De plus, les autres candidats admissibles ont pour la plupart déjà un travail et une partie notable d’entre eux ne prendra pas le poste proposé, pour d’évidentes raisons de mobilité ou tout simplement financières.
Que la commission ait fait cette sélection aberrante par intention ou par naïveté (ou les deux à la fois) n’y change pas grand-chose au fond. De fait, on nous annonce donc que les 25 postes supplémentaires n’existent plus et que les départs nombreux de 2016-2018 ne seront que partiellement remplacés. C’est l’existence même des services qui est ainsi remise en cause, alors que paradoxalement le gouvernement prône un renforcement du contrôle de l’Etat dans le projet de loi relatif à la liberté de création, à l’architecture et au patrimoine… enfin, s’il ne continue pas de détricoter le projet de loi au profit des positions dogmatiques de la majorité sénatoriale.
Plusieurs services ne fonctionnent déjà plus que partiellement et ne pas remplacer les agents partants dans les années à venir, s’appelle fermer les services avec toutes les conséquences que cela suppose sur le devenir de l’archéologie.
La CGT demande que les droits de nos collègues assistant-ingénieurs et techniciens de recherche soient pleinement respectés et rappelle que les personnels des missions de la recherche sont déjà touchés dans leurs possibilités de carrière par l’absence ou la rareté des promotions au choix (aucune depuis 10 ans pour les techniciens, par ex.). La CGT exige un plan de rattrapage et demande également que le nombre d’agents retenus soit à la hauteur de la promesse des 25 nouveaux postes prévus et des nombreux futurs départs de 2016-2018. Pour cela, nous exigeons d’ores et déjà que le concours annoncé d’ingénieur de recherche pourvoit également des postes dans les Services Régionaux de l’Archéologie.
Paris, le 26 mai 2016.