Jeudi 30 octobre 2014, la présidence de la République dévoilait 50 nouvelles mesures de simplification. On connaissait l’allégeance de ce gouvernement aux grands patrons et aux grandes entreprises. Avec ces nouvelles propositions nous en avons la traduction en termes d’archéologie préventive…
Dans ces 50 mesures , deux touchent directement l’archéologie préventive (propositions 14 et 15) et deux autres plus indirectement (propositions 10 et 31). Sans compter naturellement toutes celles que nous n’aborderons pas ici (par exemple « simplifier » la visite médicale ou « clarifier » les notions d’aptitude et d’inaptitude professionnelles) qui sont susceptibles d’avoir de graves incidences sur le monde du travail…
La remise en cause de méthodes de diagnostic éprouvées depuis des décennies.
Mesure 14 : « Lorsque la nature connue du terrain est peu encline à l’existence de vestiges, les techniques alternatives de sondage, en particulier par auscultation non-destructrice, seront développées afin de rendre les diagnostics plus rapides. »
Le lobby des boites de géophysique, qui a trouvé le soutien de grands aménageurs, espère ainsi développer un marché de plus en archéologie préventive. Les grands aménageurs, quant à eux, espèrent en diminuer les inconvénients et imposer, alors qu’ils n’ont aucune compétence scientifique, la méthode à utiliser. Sauf que la géophysique est loin de répondre aux exigences d’un diagnostic archéologique telles que définies dans l’avis du CNRA du 4 décembre 2009 : L’acte de diagnostic vise « à mettre en évidence et à caractériser les éléments du patrimoine archéologique éventuellement présents sur une emprise de projet d’aménagement (…) , à en déterminer la nature, la géométrie (étendue et profondeur d’enfouissement), la taphonomie, le milieu sédimentaire, le potentiel environnemental (…) d’en reconnaître l’éventuelle stratification, la datation et l’état de conservation ».
Une étude géophysique seule ne permet pas d’obtenir ces informations nécessaires à la prescription éventuelle d’une fouille par les Services régionaux de l’archéologie.
Par ailleurs, tous les archéologues savent que la prospection géophysique ne permet de détecter qu’un nombre très réduits de sites (essentiellement les sites fossoyés ou avec des fondations en dur). Une expérimentation à grande échelle faite sur 56 ha du tracé du canal Seine-Nord-Europe le montre très clairement : alors que la prospection géophysique (utilisation de deux méthodes, magnétique et électrique chacune sur l’ensemble des 56 ha) a permis de révéler deux indices de sites, le diagnostic archéologique par la réalisation de tranchées à la pelle mécanique sur la même emprise (ouverture à 10%) en identifiait 12…
A ce tarif, on va bientôt nous ressortir les avions renifleurs… Pour les aménageurs (et pour le gouvernement ?), l’objectif est donc très clair : réduire le nombre de sites identifiés et donc le nombre de sites fouillés. C’est une attaque en règle contre le diagnostic, un acte fondamental et scientifique de l’archéologie préventive !
Diminuer le coût de la redevance archéologique en mer, mais peut-être pas seulement…
Mesure 15 : « s’agissant des projets en mer (…) l’assiette de la redevance d’archéologie préventive sera réformée afin de la rendre plus équitable et proportionnée. »
Comme à chaque fois, on prétexte d’une aberration marginale (la redevance archéologique des projets en mer pose effectivement problème) pour diminuer les ressources de l’archéologie préventive. Mais rien sur les cas (bien plus nombreux) où cette même redevance ne couvre pas les coûts réels des diagnostics. Et rien sur le fait que, aujourd’hui, la redevance archéologique ne rentre tout simplement pas, mettant en grande difficulté nombre de services archéologiques de collectivités territoriales et sous tension permanente la trésorerie de l’Inrap.
Nous sommes par ailleurs habitués aux coups tordus et il est fort probable qu’une fois ce chantier de la redevance ouvert, la réforme ne touche pas que la redevance d’archéologie en mer.
Simplifier le régime des espaces protégés au titre du droit du patrimoine
Toute la réglementation en matière d’urbanisme et de protection du patrimoine et de l’environnement va être refondue dans de nouveaux textes dont on ne connait pas encore les contours exacts (mesure n°10). Pour les services instructeurs en général, cela se traduira sans doute une fois de plus par une complexification des procédures (comme lors de la première vague de « simplification »), par des délais d’instruction plus courts et par une généralisation encore plus large du principe « silence vaut acceptation ».
L’impact sur le nombre de dossiers traités en archéologie n’est pas encore connu, mais il sera forcément négatif.
Clarifier l’assiette du crédit d’impôt recherche (CIR).
Cette mesure (n°31) touche aussi l’archéologie préventive puisque bon nombre d’entreprises privées d’archéologie émargent au CIR. Tous les ans, des centaines de milliers d’euros leur sont ainsi versés. Quand les organisations syndicales demandent un état des lieux de ces cadeaux fiscaux aux adeptes de la « concurrence libre et non faussée » en archéologie, Bercy répond : secret fiscal !
Aujourd’hui, par ces mesures de « simplification », l’objectif du gouvernement n’est pas le coût exorbitant du CIR pour le contribuable mais de sécuriser les bénéficiaires (privés) de ces fonds (publics) en réduisant les risques de contentieux.
Les mesures de ce « choc de simplification » sont les premières annonces de réforme de l’archéologie préventive faites depuis l’arrivée de Fleur Pellerin à la tête du Ministère de la Culture et de la Communication. Elles appellent une réaction de l’ensemble de la communauté archéologique.
Paris, le 4 novembre 2014.