Le premier Comité technique ministériel (CTM) de l’ère Macron était convoqué hier matin, le jeudi 6 juillet 2017. Madame la Ministre était présente à l’ouverture de cette séance. Elle a d’ailleurs pris l’engagement de présider régulièrement cette instance, dans la mesure des contraintes de son agenda ; ce dont nous ne pouvons que nous féliciter.
Bien naturellement, Françoise Nyssen a tenu à faire devant les représentants du personnel une déclaration de portée générale. Elle a ainsi exposé ses grandes priorités et sa méthode de travail. Madame la Ministre a placé son intervention sous le signe d’une formule qui donne matière à réfléchir : « Nous avons une responsabilité historique : redonner du sens à l’État et confiance à nos concitoyens ». Elle a notamment parlé de dimension humaine, de bienveillance ou encore de la passion et de l’engagement des personnels. Mais nous n’avons pas vocation à faire la communication de la Ministre ni de son cabinet. La CGT-Culture a d’ailleurs demandé que ce discours « inaugural » soit adressé aux personnels.
Pour la CGT-Culture, il ne fait pas de doute que nous vivons une période historique qui nous oblige. 29 millions d’électeurs qui ne se sont pas exprimés au second tour des législatives, soit 62% des inscrits. 10 millions d’électeurs qui ont porté leurs voix sur la candidate de l’extrême droite au second tour de la présidentielle, soit le double de 2002. Ces chiffres suffisent à eux seuls à qualifier l’ampleur de la crise politique, démocratique et sociale que connaît notre pays.
Ce qui s’impose également à celles et ceux qui viennent d’être élus est tout aussi préoccupant ; notre société souffre en effet de multiples fractures sociales et culturelles et ne parvient pas à corriger les inégalités qui la minent. Les politiques fascistes de haine qui prospèrent sur la déshérence sociale et le sentiment profond d’abandon doivent être combattues jusqu’au bout. Cela exige aussi des politiques en rupture avec celles menées au nom de l’austérité ! Cela exige aussi, nous y insistons, de prendre toute la mesure des fractures et des divisions qui traversent notre société !
La politique antisociale du gouvernement Philippe II
Or le nouveau gouvernement semble incapable de ce sursaut pourtant indispensable. Pour le Premier ministre, qui a fixé le cap et le cadre de l’action gouvernementale devant l’Assemblée nationale le 4 juillet dernier, c’est un peu encore et toujours la même petite musique austéritaire et culpabilisante. Mais cette fois, les mesures antisociales s’accentuent et s’accélèrent. On a bien compris que le code du travail et la protection sociale allaient être mis à mal. Il se confirme aussi que la Fonction publique et les fonctionnaires vont être dès maintenant parmi les cibles privilégiées de la République en marche : nouvelles coupes budgétaires, nouvelles suppressions d’emplois, gel du point d’indice, augmentation de la CSG à hauteur de 1,7 % du point d’indice – ce qui correspond à une baisse nette de la rémunération -, rétablissement du jour de carence… N’en jetez plus !
Dix questions de la CGT-Culture pour lancer une alerte sociale
Nous ne sommes pas des pyromanes mais notre responsabilité syndicale est de mettre en évidence, aux yeux de la Ministre, les conséquences sociales pour nos collègues du ministère des politiques conduites depuis une bonne dizaine d’années. Notre responsabilité, c’est aussi de dire haut et fort que ces politiques ne peuvent pas continuer.
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Sur le gel du point d’indice, l’augmentation de la CSG et les pertes de pouvoir d’achat, il a été demandé à la Ministre comment elle comptait concrètement améliorer la situation salariale des personnels dont elle a maintenant la responsabilité.
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Sur la question des régimes indemnitaires et des inégalités de traitement, il lui a été demandé si la politique qu’elle allait mener aurait pour objectif de réduire ces inégalités inacceptables et comment elle comptait procéder.
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Sur la valorisation des carrières et les taux de promotion 2018, 2019 et 2020, il lui a été demandé d’ouvrir une négociation immédiatement.
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Sur les 50 000 suppressions d’emplois annoncées dans la Fonction publique de l’État, il lui a été demandé si le ministère serait de nouveau touché après avoir subi un peu plus de 2700 suppressions d’emplois en dix ans.
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Sur la vitalité des missions et des métiers, nous avons demandé à la Ministre si elle allait poursuivre les ouvertures aux concours dans tous les corps de manière soutenue, et si elle comptait renforcer le service d’administration centrale en charge de cette politique pour l’ensemble du ministère.
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Sur l’accès à l’emploi titulaire « Sauvadet », il a été demandé à la Ministre si elle allait prendre les mesures nécessaires pour maintenir à 100% la rémunération des contractuels qui se verraient titulariser et ceci quelle que soit leur affectation.
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Sur les politiques d’égalité professionnelle femmes-hommes et face aux inégalités criantes dûment constatées, nous avons demandé à la Ministre comment elle comptait corriger ces écarts, sans bien sûr procéder à un nivellement par le bas, ce qui nécessite de facto une enveloppe budgétaire spécifique.
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Sur l’action sociale et notamment sur les prestations sociales qui sont soumises à cotisation et dès lors à déclaration sur le revenu, il a été demandé à la Ministre si elle donnerait instruction à l’administration centrale du ministère d’attribuer ces prestations aux agents du Louvre et, par conséquent, de prendre les dispositions réglementaires adéquates ; ces dispositions permettant de protéger les personnels du Louvre et leurs familles de graves difficultés sociales.
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Sur le retour à la règle et la levée attendue de la dérogation à l’emploi de titulaire, il a été demandé à la Ministre si elle comptait faire droit à la levée de dérogation à l’INRAP et au CNC.
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Sur le dumping social, qui touche tout particulièrement les librairies et le secteur des conférences de la RMN-GP et le secteur de l’archéologie préventive (et nous sommes revenus sur l’introduction de clauses sociales dans les marchés publics prévue dans la Charte sociale signée en décembre 2015), nous avons demandé à Françoise Nyssen si elle était prête à lutter efficacement contre ce fléau qui constitue la part d’ombre des politiques de dérégulation du ministère.
Après le départ de la Ministre, des réponses sociales loin d’être satisfaisantes et convaincantes
Avec toujours les espoirs d’une première rencontre, et un brin de naïveté, nous aurions pu escompter avoir des réponses sociales vraiment à la hauteur des attentes de nos collègues. Mais il faut bien dire que, toute plaisanterie mise à part, le Directeur de cabinet, qui présidait le CTM après le départ de la Ministre, a globalement renvoyé ces questions quelque peu embarrassantes à la mise en place d’un « baromètre social » à la rentrée. Faut-il mettre cela sous le coup des conditions climatiques ? En tous cas, Monsieur le Directeur va devoir très vite se rendre à un certain nombre d’évidences sociales.
Nous ne manquerons tout de même pas de noter que Madame la Ministre semble résolue à apporter des réponses plus précises à la rentrée, au prochain CTM.
La CGT-Culture a fait un choix : celui de donner la priorité aux questions sociales alors même qu’à l’aune des discussions budgétaires l’horizon politique s’obscurcit déjà et que les Français commencent à s’interroger à en croire les derniers sondages.
Comme vous le pouvez le constater, il n’y a ni état de grâce ni round d’observation. Nous sommes donc entrés directement dans le vif du sujet. Comme vous vous en doutez certainement, la CGT-Culture n’a pas manqué d’aborder non plus les enjeux fondamentaux des politiques culturelles, de l’organisation du ministère et notamment de la réforme territoriale et du rôle des DRAC, mais aussi celui de l’administration centrale et des établissements publics. Ce volet sur lequel nous avons aussi beaucoup travaillé ces dernières années fait l’objet de toute notre vigilance au CTM et donnera lieu, cela va sans dire, à des communications ultérieures. Du reste, pour tous les grands réseaux de service public du ministère, nous avons demandé des rendez-vous thématiques avec Madame la Ministre.
La légitimité de ces revendications qui sont les vôtres n’a pas été contestée un seul instant. Néanmoins, nous aurons besoin de tout le monde pour les porter et les gagner. C’est pourquoi nous vous donnons rendez-vous à la rentrée dans l’unité la plus large.
Paris, le 7 juillet 2017