Comité Technique Ministériel du 5 mai 2020
Une vision du dialogue social à repenser totalement !
Quand CTM rime avec problèmes !
La reprise d’activité dans la sphère du ministère se déroulant en ordre dispersé et dans un calendrier particulièrement resserré, l’intersyndicale a souhaité connaître la position du ministre dans le cadre formel d’un Comité Technique Ministériel. Les réunions informelles, organisées de manière régulière, pour utiles qu’elles soient, ne sauraient constituer un cadre institutionnel avec des procédures claires, respectant les prérogatives de chacun, notamment le droit de vote. Un CTM, présidé par Franck Riester, a donc été convoqué le 5 mai 2020, avec les membres du CHSCTM comme expert.es.
C’est à la manière de l’organiser que l’on peut juger de la volonté du ministre et de son administration d’assurer un dialogue social digne de ce nom. Le convoquer à 17H30 est un premier mauvais signe. Utilisation d’un système complètement inadapté telle que l’audioconférence, plutôt que la visio-conférence, documents envoyés au dernier moment, aucun des points de l’ordre du jour1 soumis à l’avis des représentant.es du personnel, en contradiction avec la réglementation, impossibilité d’organiser les débats dans des conditions satisfaisantes constituent les éléments d’un scénario insipide.
Et de fait, ce CTM, qui n’a débuté qu’à 18H30, a cumulé les dysfonctionnements : retard du ministre, problèmes techniques, rupture de connexion définitive pour quatre représentant.es du personnel. Si le ministre était en présentiel avec une partie de l’administration, les représentant.es du personnel étaient connecté.es à distance. Démonstration a ainsi été faite de l’inadaptation des méthodes de travail et des moyens techniques dont nous pouvons disposer dans le contexte de la crise sanitaire actuelle.
En préambule Franck Riester a réitéré ses propos antérieurs. Il a reconnu une nouvelle fois la mobilisation des agent.es qui a permis au ministère de continuer son activité en aidant notamment un monde de la culture pratiquement à l’arrêt. Il a appelé à une refondation des pratiques culturelles. Il a rappelé ses deux exigences : la protection sanitaire des agent.es via le recours au travail à distance, le travail en présentiel ne devant concerner que des missions clairement identifiées. La seconde exigence étant le service de nos missions. Il a réaffirmé la pleine place du ministère dans la reprise économique à venir. Enfin, il s’est félicité d’un « dialogue social très nourri » qui n’existe que dans ses rêves. Ce discours ayant été diffusé via Flash Info, nous n’y reviendrons pas dans le détail.
L’intersyndicale a ensuite fait lecture d’une déclaration préalable rappelant sa priorité absolue de la protection des agent.es et salarié.es de l’ensemble du ministère, son exigence de mettre fin aux dysfonctionnements graves et systémiques qui le caractérisent et la nécessité d’un dialogue social de très haute qualité, franc, sincère et loyal. Elle s’est également étonnée de l’impossibilité d’établir une négociation au plus haut niveau afin de rédiger un guide opposable à toutes les entités du ministère et protégeant impérativement et partout les agents et leur entourage contre le risque de contagion.
Jour après jour, l’intersyndicale ne peut que constater une gestion hasardeuse de la crise par le gouvernement et ses revirements constants. Sa gestion catastrophique des masques de protection et sa volonté de se défausser à la fois sur les collectivités locales, les citoyen.nes, les salarié.es et agent.es sont édifiantes. Il est absolument nécessaire de sortir de cette improvisation de façade afin de pouvoir offrir aux agents de notre ministère des conditions de travail et de sécurité conformes aux obligations qui sont celles de l’employeur au sens du Code du Travail.
Conditions de la reprise d’activité
Force est de constater que, sur ce point de l’ordre du jour, l’administration est complètement déconnectée de la réalité de terrain. Les principes de reprise présentés au CTM n’étaient pas finalisés à quelques jours du 11 mai. Pire, ils avaient déjà été diffusés avant cette séance, dans leur premier état, aux services et ont servi de base à leur organisation de la reprise. Ce qui explique un retour en présentiel en ordre dispersé des services à compétence nationale (SCN), des services déconcentrés et des opérateurs, faisant fi des premières lignes directrices qui leur avaient été transmises, parfois au mépris de la sécurité des agent.es.
Malgré nos demandes réitérées, nous ne pouvons toujours pas apprécier, faute de données chiffrées, le nombre de cas de COVID-19 dans chacune des structures et entités ministérielles. Il nous est donc difficile d’appréhender en toute connaissance de cause la proportionnalité, la pertinence et l’efficacité des mesures mises en place depuis le début du confinement.
Alors que certaines entreprises mènent des politiques de dépistage qui combinent secret médical, mesures de prévention contre le risque épidémique pour l’ensemble du collectif de travail et liberté d’agir des personnes, l’intersyndicale s’est étonnée du silence du ministère de la Culture dans ce domaine.
Concernant le statut administratif des agent.es, la secrétaire générale a renvoyé aux « principes de reprise » dont la philosophie est censée s’appliquer aux 30 000 agent.es du ministère.
Les ASA tiennent compte des situations individuelles (garde d’enfants de moins de 16 ans, agent.es ou conjoint.es souffrant de pathologies particulières). En sont donc exclu.es les agent.es en position de tiers-aidants.
En accord avec une doctrine gouvernementale de façade, le télétravail et le travail à distance restent la règle. Encore, faudrait-il accélérer l’équipement des agent.es concerné.es (PC mobiles, clés RSA permettant l’accès au réseau de proximité, smartphones). La secrétaire générale a de nouveau réaffirmé que des moyens très importants ont été alloués à l’informatique et que des commandes étaient en cours. Cela fait un moment que nous entendons ce discours et nous restons dubitatifs quand Franck Riester nous affirme qu’il surveille personnellement les commandes d’ordinateurs auprès de l’UGAP, regarde les délais de livraison, et qu’il veillera à ce que tous les outils de travail arrivent dans les administrations et dans les DRAC. De fait, télétravail et travail à distance reposent pour une très large part, sur la bonne volonté des agents, leur débrouillardise et l’utilisation de leurs moyens personnels. Par conséquent, nous demandons que l’administration réfléchisse à la prise en charge des frais de fournitures et de fluides engagés par les agent.es à leur domicile.
Le travail en présentiel est censé rester toujours l’exception, mais les critères ne sont toujours pas précisément définis. Si l’état d’esprit des agent.es ayant une réticence à revenir et les trajets domicile-travail peuvent constituer un critère, il concerne aussi toutes celles et ceux qui ne peuvent effectuer leurs missions à distance ou qui ont simplement souhaité revenir. Ce concept est suffisamment flou pour autoriser toutes les dérives, notamment l’incapacité persistante, plus ou moins volontaire, de doter bon nombre d’agent.es du matériel informatique nécessaire à l’exercice de leurs missions. L’encadrement intermédiaire, en première ligne dans ce travail de définition des missions essentielles, se retrouve souvent seul. Quant aux agent.es, ils/elles subissent cette absence d’organisation sans qu’on leur ait demandé leur avis.
Nous constatons que dans certains services, en particulier dans nombre d’UDAP, des encadrant.es, qui ont manifestement perdu leurs repères d’autorité et continuent à fonctionner sur de vieux schémas de management, sont complètement sorti.es des clous. Ils/elles ont fait revenir les agent.es quasiment tous en même temps non pas pour assurer des missions essentielles, mais simplement pour qu’ils/elles soient présent.es. Quitte à menacer les récalcitrant.es de les mettre d’office en congés voir de leur infliger un blâme. Il ne semble pas que ces comportements aient été dénoncés par la tutelle, celle-là même qui a pourtant formalisé de grands principes. Pour la secrétaire générale, lors des trois prochaines semaines, il s’agira de tenir compte de la situation sanitaire et de la mise en œuvre des principes dans les SCN, les DRAC et les opérateurs pour éventuellement les durcir ou les alléger.
Quant aux équipements de protection individuelle, Franck Riester considère que les masques FPP2 doivent toujours être réservés aux soignants en contact direct avec les patient.es et qu’il ne faut pas compter en avoir à l’avenir. Les agent.es devront donc se contenter de masques alternatifs « grand public » et uniquement lorsque la distanciation et les gestes barrières ne sont pas possibles. La secrétaire générale a confirmé la commande de 4 masques « grand public » lavables par agent revenant en présentiel à utiliser dans les situations décrites par le ministre. Privilégiant la reprise économique voulue par le gouvernement, le ministre et son administration prennent ainsi le risque que des agent.es reprennent le travail même si toutes les conditions (masques, gel, lingettes, etc.) ne sont pas remplies pour leur assurer une protection maximale.
Pour l’intersyndicale, les masques alternatifs sont totalement insuffisants par rapport aux normes qui ont été préconisées. L’intersyndicale continue à demander le port systématique de masques homologués car il en va de la responsabilité de l’employeur. Seuls les masques FFP2 protègent efficacement du risque épidémique. Le manque d’anticipation du gouvernement ayant organisé la pénurie, il convient d’actualiser rapidement les DUERP afin qu’ils intègrent désormais le risque épidémique. L’administration s’est engagée à transmettre aux membres du CHSCTM une méthodologie qui aura vocation à guider les travaux de mise à jour des DUERP. Pour Franck Riester, il est possible à la fois de réouvrir progressivement un certain de nombre de sites avec un peu de présentiel et, en parallèle, de travailler sur les DUERP.
Où en est-on des engagements sociaux du ministre exprimés le 9 avril ?
La situation actuelle a créé de nouvelles précarisations et des phénomènes accrus de tensions chez les plus fragiles. Il est urgent de pouvoir faire en sorte que des idées nouvelles et des mesures financières adéquates soient mises en place. Les organisations syndicales ont de sérieuses interrogations sur le fait que ces engagements aient été ou seront effectivement respectés.
La précarité est l’un des sujets qui retient particulièrement notre attention. La liste des CDD au 12 mars, indispensable pour nous assurer qu’aucun.e contractuel.le n’a été victime d’une non-reconduction de son contrat de travail, n’a toujours pas été transmise.
Les dispositifs d’action sociale pour tous les personnels ont bien fait l’objet d’une communication à destination de l’ensemble des agent.es. Ce qui a permis à nombre d’entre-eux/elles de se manifester et de se faire aider, notamment en matière d’aide alimentaire. Nous déplorons néanmoins que les commissions de secours n’aient pas été réunies.
Franck Riester s’était dit prêt à étudier l’attribution de tickets-restaurant pour l’ensemble des personnels en présentiel ou en télétravail. Mais depuis, le décret du 7 avril a rendu possible, y compris rétroactivement, la prise en charge des frais de repas à hauteur de 17€50 par agent.e.
Pour les instances médicales, les personnels ont pâti de l’absence de la procédure normale qui permet de répondre de manière satisfaisante à leur situation. L’administration a précisé que les comités médicaux seraient à nouveau réunis et donc pourraient répondre de manière satisfaisante.
Quelle organisation du travail pour demain ?
Pour le ministre, qui a tenu des propos très généraux et teintés d’empathie, la crise a révélé des lacunes qui doivent être corrigées et il se déclare le premier partisan d’une nouvelle organisation du travail. Il ne s’agit plus désormais de réduire les moyens mais de s’organiser différemment, de mettre en place des organisations ministérielles différentes (revoilà le PTM !). Il reconnaît que le télétravail n’est pas encore rentré dans la culture d’un certain nombre de dirigeant.es et d’encadrant.es du ministère. Pour lui, il ne s’agit pas de mettre tout le monde en télétravail, mais de voir de quelle manière il peut être systématisé quand c’est possible, souhaitable et partagé. Pour la secrétaire générale, le ton est quelque peu différent : dans les prochaines semaines, cette crise devra faire l’objet d’un retour d’expérience pour généraliser le télétravail dans des conditions satisfaisantes. Le groupe de travail dédié aura pour objectif de réfléchir à l’évolution des modalités de travail.
Pour l’intersyndicale, qui est attentive à ce qu’on ne perde pas de vue les leçons de cette crise, ces modalités d’organisation interrogent, de façon fondamentale, le travail et son sens, les priorités données et leur élaboration collective, le collectif de travail, le circuit d’information, les outils de travail, le partage entre vie privée et professionnelle, les procédures administratives, les modes de délégation, les modes de décision, la marge d’autonomie et la répartition du travail, le rôle de l’encadrement et la place du management. Ces discussions devront se dérouler dans des conditions réelles de dialogue, d’écoute et de compréhension de la part de l’administration.
Quel service public culturel ?
Cette question a été évoquée en fin de séance, à la veille des annonces du Président de la République pour la Culture. Si les services à compétence nationale et leurs personnels sont mieux protégés d’une catastrophe sociale, les établissements publics, dont le modèle économique repose pour une grande part sur l’autofinancement, vont entrer dans une trajectoire périlleuse. Le manque de ressources propres va les fragiliser et, par voie de conséquence, ce peut être la cause de véritables plans sociaux. Les personnels de la RMN-GP et ceux du CMN, dont les établissements ont fait des emprunts bancaires respectivement de 150 et 80 millions d’euros pour restaurer le patrimoine de l’État, sont singulièrement inquiets de la situation actuelle.
Interrogé personnellement sur le message politique qu’il comptait envoyer aux agents de ces établissements, sur l’aide qu’il comptait apporter aux établissements pour leur garantir le maintien de tous les emplois et donc leur capacité opérationnelle à assurer le service public de l’accès à la culture, le ministre n’a pas souhaité répondre. Idem pour l’ouverture d’une discussion avec son cabinet sur ces sujets. Pour l’intersyndicale, l’État doit compenser cette baisse de recettes par des subventions pour charge de service public.
Quel dialogue social ?
Communiqué après communiqué, le constat reste le même. L’administration profite de cette crise pour réduire au maximum le rôle des représentant.es du personnel. Ce CTM en a été un exemple flagrant. Outre les dysfonctionnements, trop de questions de fond sont restées sans réponse. Les engagements du ministre de la Culture de faire convoquer tous les CT et CHSCT du ministère, toutes les instances consultatives et représentatives des personnels n’ont pratiquement pas été tenus. A la lecture du document intitulé « Principes de reprise de l’activité », que nous avons reçu après le CTM, on s’aperçoit que l’administration a fait marche arrière sur un point essentiel : si un certain nombre d’amendements des organisations syndicale ont été repris, sans doute pour tenir compte de la réalité du terrain, il n’est désormais plus question de consulter les instances, mais simplement de les informer.
Quitte à prêcher dans le désert, Il est urgent, pour nous, de revenir à l’esprit et à la lettre des textes réglementaires et donc de bâtir les conditions matérielles d’un vrai dialogue social. Les plans de continuité d’activité et les plans de reprise d’activité qui seront mis en œuvre à partir du 2 juin doivent faire l’objet d’un débat suivi d’un vote respectant les prérogatives de chacun.
A 22h, la séance est close, pas notre détermination !
A toutes et tous, courage, force et espérance dans l’avenir.
Prenez soin de vous et de tous ceux et toutes celles qui vous sont chers
Paris, Mantes, Amiens, Chelles, Ajaccio, Metz, le 19 mai 2020.
1Point 1 : note d’information relative aux mesures de prévention contre le COVID 19 en phase de confinement avec ses deux annexes. Point 2 : note relative à la reprise progressive d’activité en présentiel pour le ministère de la Culture pour la période du 11 mai au 2 juin 2020, avec dix annexes. Point 3 : présentation de l’enquête action sociale en période de COVID 19 et de la fiche action sociale actualisée