Aujourd’hui avait lieu un comité technique avec un seul point : la « création de l’EPIC du Mont Saint Michel ». Une convocation à l’arrache qui valait bien une déclaration liminaire de la part de la CGT :
« Monsieur le Président,
Nous avions demandé en intersyndical que ce comité technique portant sur la création d’un EPIC (établissement public à caractère industriel et commercial) soit reporté.
En effet, aucune réunion d’information n’a été organisée préalablement que ce soit au CMN ou au ministère.
Or, ce projet soulève de fortes et légitimes inquiétudes tant pour les personnels de l’abbaye du Mont Saint-Michel que pour le devenir même de l’établissement.
Vous le souleviez vous-même aux ministères de tutelle lors du dernier conseil d’administration que l’établissement était mis à mal suite à l’incendie de Notre-Dame de Paris qui a eu pour conséquence la fermeture d’un site qui jouait un rôle prépondérant dans la péréquation du CMN et que si l’on perdait tout ou partie des recettes de l’abbaye du Mont Saint-Michel, cela serait un coup dur pour le service public culturel des monuments nationaux.
Nous avions provoqué avant l’été avec vous et le directeur général des patrimoines une rencontre au ministère pour évoquer cela. Nous avions demandé que dès septembre des réunions soient mises en place.
Mais non, l’administration, à tous les étages, à préférer faire silence radio. Pis, elle s’est assise sur les alertes des représentants du personnel qui ont eu lieu dans différentes instances que ce soit en CHSCT, en CT ou en CCP. Vous avez ainsi joué aux pompiers pyromanes. Cela est fort regrettable et dommageable.
La semaine prochaine devait avoir lieu le CT ministériel concernant l’EPIC du Mont Saint-Michel. À la demande de Sud Solidaires, rejoint par l’ensemble des organisations syndicales, l’administration a bien voulu le transformer en réunion d’information. La première. Nous demandions donc que l’avis du CT soit demandé après cette réunion d’information pour nous donner les moyens de donner un avis circonstancié en CT. Vous avez encore la possibilité de mettre ce point pour information et non pour avis.
En effet, nous n’avons aucune visibilité sur la convention qui lierait le CMN et l’EPIC. Ce n’est en effet pas sans risque puisque cela concerne une contribution financière du CMN pour l’EPIC, l’articulation concernant la mise en œuvre de la stratégie de l’abbaye du Mont en matière de programmation culturelle, de promotion touristique et commerciale et les tarifs ainsi que l’articulation avec le programme des travaux d’entretien et de restauration.
C’est pourquoi il nous semble plus opportun que ce CT se tienne pour information et non pour avis. »
À notre demande de report, le président nous a répondu que le calendrier prévu de publication du décret au conseil d’État (18 novembre) ne le permettait pas. Bref, si le CMN et le ministère n’ont pas pris le temps de nous consulter depuis des mois… on nous répond aujourd’hui qu’il est trop tard !
Un EPIC atypique
Cet EPIC dont la naissance est prévue au 1er janvier, sera une construction administrative pour le moins originale ; 27 ! membres au conseil d’administration (9 représentants de l’État, 9 pour les collectivités, 3 pour les établissements publics, 2 du secteur privé économique et touristique, 2 personnalités qualifiés, et 2 représentants des personnels…). Ça fait du monde, mais l’enjeu est que chaque contributeur appelé à financer l’EPIC soit représenté au conseil d’administration, le CMN ayant réussi grâce au ministère de la Culture à négocier un strapontin à la dernière minute, alors qu’il en sera un des principaux pourvoyeurs de fonds … Et beaucoup de choses semblent s’être jouées à la dernière minute !
Par ailleurs, cet EPIC aura des pouvoirs étendus et importants tant en termes de patrimoine, de politique culturelle, de tourisme, d’environnement, de police, de sûreté, de transport, de stratégie publique en matière de développement économique. Une bagatelle en somme…
Il devra également passer une convention avec le CMN, qui lui permettra de concevoir et de mettre en œuvre la stratégie de l’abbaye en matière de programmation culturelle, de promotion touristique et commerciale et de tarifs. Il devra également veiller à l’articulation des programmes de travaux, d’entretien et de restauration de l’abbaye. Si les agents de l’abbaye gardent leur statut d’agent CMN et que le pouvoir de recrutement des agents de l’abbaye reste aux mains du CMN, celui-ci perd donc la main sur un grand nombre de ses prérogatives y compris celle de nommer l’administrateur, puisque le directeur général de l’EPIC (qui pourra être nommé pour 11 ans) sera en même temps administrateur du monument. Le risque d’un conflit entre le CMN et un administrateur hors de tout contrôle de l’établissement, existe réellement d’autant que les intérêts de l’EPIC ne seront pas forcément convergents avec ceux du CMN.(et pas qu’un peu)… Les agents de l’abbaye et le CMN risquent donc de se retrouver pris au piège dans une organisation administrative schizophrène… Nous avons d’ailleurs demandé qu’un CHSCT extraordinaire se tienne pour évaluer l’impact de la nouvelle organisation du travail sur les agents de l’abbaye.
L’établissement échappe au pire, pour l’instant…
Lors des échanges nous avons fortement insisté sur le maintien de l’abbaye du Mont Saint Michel au CMN. Sur ce point, le décret de création de l’EPIC semble sauver la mise au CMN en gardant l’abbaye dans son giron. Cependant, les informations qu’on a bien voulu nous donner sur les scénarios de financement de l’EPIC ne sont pas pour autant rassurantes.
En effet, le rapport de force est de mise pour savoir qui va cracher au bassinet de l’EPIC (État, collectivités, acteurs privés, CMN…) et dans ce contexte l’abbaye est vue par les collectivités comme la poule aux œufs d’or qui pourrait financer presque à elle seule le futur EPIC.
Pour preuve : à l’heure actuelle nous n’avons aucune information sur l’arbitrage qui sera fait sur le montant des contributions financières des différents acteurs de l’EPIC… Pas non plus de nouvelle sur la convention en cours de négociation que le CMN devra passer avec l’EPIC. Toutes deux devront être bouclées avant le 3 décembre, date à laquelle le conseil d’administration du CMN devra approuver la convention et le plan de financement.
Le président ne peut qu’acquiescer à nos inquiétudes sur la pérennité du montage du futur EPIC, ce qui est inquiétant, car la seule garantie de garder l’abbaye du Mont Saint Michel au CMN est que l’EPIC, tel qu’il est prévu dans le cadre de ce décret, soit opérationnel afin de prémunir le CMN des velléités des collectivités qui voudraient totalement accaparer l’abbaye et surtout son chiffre d’affaires.
En clair le CMN doit faire la preuve de la viabilité de ce fonctionnement sinon on risquerait de s’acheminer à grande vitesse vers un scénario à la Chambord avec le passage de l’abbaye sous le contrôle total de l’EPIC. Ce qui risquerait immanquablement de menacer l’intégrité du réseau CMN en mettant à mal la péréquation financière du CMN.
Au cas où l’abbaye basculerait dans l’EPIC, cela impacterait également les personnels de l’abbaye qui seraient mis à disposition de l’EPIC, voir selon les termes de la loi du 7 août 2019 de transformation de la fonction publique en son article 76 : détachés d’office sur contrat de droit privé…
Sans surprise, l’ensemble des représentants du personnel au comité technique ont votés contre ce projet de décret. Un nouveau CT sera donc reconvoqué sous peu.
L’année 2020 sera cruciale pour l’avenir de l’abbaye du Mont Saint Michel au sein du CMN
Nous restons vigilants et mobilisés pour la défense du service public culturel !
L’abbaye du Mont Saint Michel doit rester un monument national !
Paris, le 25 octobre 2019
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