COMMUNIQUÉ DE L’UFSE – UNION FÉDÉRALE DES SYNDICATS DE L’ÉTAT-CGT
A l’occasion de la campagne électorale, plusieurs candidats et de nombreux médias font assaut de préconisations – toutes plus régressives les unes que les autres – en matière de Fonction publique. Très souvent présentées comme irréfutables, celles-ci s’appuient sur des données qui en réalité ne résistent pas un examen un tant soit peu sérieux.
REGARDONS CE QU’IL EN EST VRAIMENT
>> LE NOMBRE D’AGENTS ET SON ÉVOLUTION
Un jour, on nous parle de 5,6 millions de fonctionnaires, le lendemain de 5,8. Le même jour de 6 millions.
Tous ces chiffres sont fantaisistes.
Il y a 5,45 millions d’agents dans les trois versants de la Fonction publique (État, Territoriale et Hospitalière).
Dans cet ensemble, les fonctionnaires civils sont 3,85 millions, les militaires 0,3 million et les contractuels, ouvriers d’État, médecins hospitaliers, etc. (qui ne sont pas des fonctionnaires) 1,3 million.
Les mêmes nous affirment que l’emploi dans la Fonction publique a explosé ces dernières années, se bornant à mettre en avant, brut de décoffrage, les évolutions d’effectifs comme si le nombre d’emplois dans la Fonction publique ne devait pas être corrélé à celui de la population totale et à celui de la population active. Or, dans le premier cas, sur les vingt dernières années, on est passé de 82 agents pour 1 000 habitants à 86 pour mille aujourd’hui et, dans le second (la population active), de 18,8 % des emplois à… 18,9 % !
Alors : explosion incontrôlée des effectifs, vraiment !?
>> LA SURENCHÈRE DANS LES SUPPRESSIONS D’EMPLOIS
120 000, 300 000, 500 000 : c’est la valse des chiffres et le concours au plus grand éradicateur d’emplois dans la Fonction publique.
Pour ces massacreurs à la tronçonneuse, l’agent public ne constitue plus qu’une variable d’ajustement économique.
La prise en compte des missions publiques, la qualité du service public rendu, les conditions de travail des personnels : circulez, il n’y a rien à voir !
La CGT, quant à elle, estime qu’une telle façon de poser les questions est inepte et dangereuse. Le nombre de fonctionnaires n’a de sens que si on le relie aux besoins de la population et à l’intérêt général.
Et, de ce point de vue — le seul qui vaille —, bon nombre de secteurs nécessitent davantage de créations nettes que de nouvelles suppressions.
Par ailleurs, certains, par omission ou incompétence (ou sans doute les deux) mentent lorsqu’ils affirment qu’on peut ôter 500 000 emplois dans les trois versants de la Fonction publique en ne remplaçant qu’un départ sur deux à la retraite. En effet, le rythme des départs liés au papy boum est aujourd’hui largement dépassé. Dans la FPE, par exemple, on est passé de 81 000 départs à la retraite en 2007 puis en 2008, à 51 000 actifs en 2015. Au total, entre 500 000 et 550 000 actifs devaient faire valoir leur droit dans les 5 années qui viennent sur les 3 versants. En supprimer 500 000, ce n’est donc effectuer aucun remplacement ! Et comme, si on a bien compris les arguments nébuleux avancés, certains secteurs – l’hôpital public, les militaires, les policiers, etc. – seraient exonérés de ces amputations, la totalité des départs à la retraite dans toutes les autres administrations ne permettront pas cette purge ! Enfin, si un nouveau recul – tout à fait inacceptable ! – de l’âge légal du départ à la retraite de 62 à 65 ans devait avoir lieu, sa conséquence automatique serait une diminution supplémentaire des ouvertures du droit à pensions pour les années à venir…
Bref, c’est un vrai plan social massif qui nous est promis par des licenciements secs, seule façon d’atteindre ces coupes d’ampleur délirante !
>> LE GRAND N’IMPORTE QUOI SUR LES RETRAITES
Sous couvert d’équité, un certain nombre de ténors ne cessent de nous fredonner la chanson de la fin des régimes spéciaux, ceux-ci constituant, à les entendre, des privilèges insupportables.
Mais, une fois de plus, la réalité est bien différente de ces péremptoires affirmations émanant de celles et ceux qui, le plus souvent, sont les véritables privilégiés du système.
Les fonctionnaires partaient à la retraite, en moyenne, à 57 ans et 5 mois en 1990. En 2015, c’est à 60 ans et 10 mois. L’écart avec les salariés du privé s’est réduit de trois ans et n’est plus que d’un an et demi aujourd’hui, cet écart se justifiant par la plus forte proportion de métiers reconnus pénibles dans la Fonction publique.
Le taux de cotisations salariales est passé de 7,85 % en 2010 à 10,29 % en 2017 et atteindra 11,10 % en 2020, identique aux salariés du secteur privé.
Pour la Fonction publique de l’État, en euro constants, la retraite moyenne mensuelle est passée de 2 208 euros en 2000 à 2 126 euros en 2015. Autrement dit, en travaillant plus longtemps, en cotisant beaucoup plus, les retraites ont baissé de près de 4 % en quinze ans !
Pour tout à fait en finir avec les supposés avantages des fonctionnaires, rappelons que le COR en 2013 estimait les taux de remplacement médians à 74,5 % pour les salariés du privé et à 75,2 % pour ceux de la Fonction publique. Et d’ailleurs une très récente étude de l’INSEE montre que l’application des règles du privé aux fonctionnaires conduirait dans 53 % des cas à une retraite plus favorable pour les fonctionnaires.
Cette même étude précise : « il y aurait, dans tous les cas, peu de sens à réduire la question à celle de l’identité ou de l’uniformité des règles, puisque des règles identiques appliquées à des publics différents ne sont pas toujours une garantie d’équité, tandis que, à l’inverse, une diversité des règles n’implique pas nécessairement des inégalités de retraite ».
C’est bien ce que pense la CGT qui est favorable à une élévation des droits pour tous avec le maintien des régimes spéciaux.
>> TEMPS DE TRAVAIL : RÉTABLIR LES FAITS
Autre passion de nos libéraux : faire passer l’agent public pour un fainéant travaillant au plus quelques maigres heures dans la semaine, et encore, quand il en a envie.
Pour les plus acharnés d’entre eux, le retour aux 39 heures – évidemment, pas payées 39 – constituerait un vrai progrès social.
Alors, payés à rien faire les fonctionnaires ?
Le dernier travail à peu près sérieux, même s’il est loin d’être exhaustif, a été conduit par MonsieurPhilippe Laurent et a donné lieu à un rapport remis au gouvernement en mai 2016.
Il estime le temps annuel moyen de travail dans toute la Fonction publique à 1 584 heures pour une base réglementaire de 1 607 heures, soit 1,4 % inférieur. Mais, dans le même temps, il observe, comme toute personne de bonne foi peut le faire, que 37 % des fonctionnaires travaillent la nuit (contre 26 % des salariés du privé), que 18 % travaillent le dimanche (pour 15 % dans le privé) et que, globalement, les astreintes sont 2 fois plus importantes pour les agents publics.
Il cite d’ailleurs l’exemple du temps de travail théorique des infirmières et infirmiers qui, compte tenu de leurs importantes sujétions, s’établit à 32 h 30 hebdomadaires.
Autrement dit, les fonctionnaires travaillent sur des horaires normaux.
Enfin, « normaux », c’est à voir car, dans la réalité, les mêmes personnels de santé accumulent des dizaines de milliers de jours RTT qu’ils ne peuvent pas prendre, les policiers des heures supplémentaires qui ne leur sont pas payées… !!!
>>LE COÛT DE LA FONCTION PUBLIQUE
Alors là, c’est le bouquet !
Trop d’agents publics, trop de masse salariale, trop de dépenses publiques : voilà le mal qui ronge perfidement la société française !
D’abord, rappelons que les administrations publiques ne sont pas qu’un coût. Outre qu’elles participent activement du progrès social, et de l’égalité de traitement du citoyen, elles ont aussi un rôle économique majeur. Elles sont une aide précieuse pour les entreprises, elles ont participé à la création de richesses à hauteur de 20 % du Produit intérieur brut en 2015 et à 17 % de l’investissement global la même année.
Ensuite, il faut cesser de nous rebattre les oreilles avec de pseudos vérités : le niveau des dépenses publiques n’est nullement un frein économique !
Quelques exemples suffisent à le démontrer :
• En 2012, le Danemark affichait des dépenses publiques à 59,4 % de son PIB davantage donc que la France, le chômage y était de 7 %, contre une moyenne de 10,6 % dans l’Union Européenne, et la croissance y était 4 fois supérieure à celle de l’UE.
• La même année, le Portugal avait des dépenses publiques à hauteur de 47,4 % du PIB mais le chômage y était de 15,3 % et la croissance de -1,4 %, c’est-à-dire en récession.
• Pour lutter contre la crise, les États-Unis ont fait monter leur déficit public à 13 % du PIB en 2009, 2010 et 2011 (plus du double de la France sur la même période) et leur taux de chômage a baissé de 2 points.
Enfin, s’agissant du nombre d’agents dans la Fonction publique, rappelons que la France se situe au 9e rang européen pour 100 habitants, au 13e rang pour la population active et au 10e rang pour 1 000 kilomètres carrés.
Quant à l’ensemble des salaires, privés et pensions, versés à tous les ayants droit, il a reculé de 0,5 % dans le PIB ces 20 dernières années.
La vérité, c’est que la Fonction publique et ses agents sont une richesse irremplaçable. On n’en dira pas autant des bénéfices stratosphériques des grandes entreprises et des profits juteux des gros actionnaires.
18 avril 2017
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