Alors que près de neuf millions de français vivent en dessous du seuil de pauvreté, alors que cinq millions de demandeurs d’emploi sont dénombrés à la fin de l’année 2013, alors que le pays connaît un taux de chômage des moins de 25 ans de 24,5%, que les inégalités territoriales vont aller croissantes avec la raréfaction des crédits publics et la compétition entre les territoires, le rôle et la place de l’Etat dans le domaine de la culture doivent être clairement affirmées.
L’objectif est bien que chacun de nos concitoyens participe à la vie culturelle et de la vie culturelle et que cela lui soit garantie en tout point du territoire par la puissance publique ; en cela la Culture est un droit fondamental.
Le plein exercice de la citoyenneté est à ce prix et cela n’a pas de prix !
Mais tout cela ne va pas de soi, des engagements politiques très forts sont nécessaires.
Encore faudrait-il que le Président de la République enrichisse son discours, extrêmement pauvre dans le domaine des politiques publiques culturelles. En matière d’ambition culturelle, nous restons
sur notre faim ; le discours présidentiel est en totalement dépourvu.
Il n’enrichit pas notre démocratie culturelle pourtant si mal en point et donc appauvrit notre démocratie tout court.
Plus trivialement, alors que le Président de la République s’était engagé en janvier 2012 à Nantes à sanctuariser les crédits culture, il n’en est rien en réalité.
Avec une baisse de 4,5 % de crédits sur la sphère culture inscrite dans le dernier budget de l’Etat, toujours et encore des suppressions d’emploi, notre ministère est exsangue, « saigné à blanc » pour
reprendre votre expression, et ne saurait résister à de nouvelles coupes budgétaires au risque de mettre en péril son existence propre.
De partout, le ministère et ses établissements taxent de plus en plus les publics ; augmentations croissantes des droits d’entrée dans les établissements patrimoniaux, des droits d’inscription dans les écoles, suppression de la gratuité le premier dimanche de chaque mois au Louvre, avec votre assentiment et vos encouragements.
De plus en plus, le ministère et ses établissements en tous genres sollicitent des mécènes et partenaires commerciaux, toujours plus prompts fiscalement à toute optimisation et à se refaire une virginité citoyenne sur le dos de la Culture qu’à oeuvrer pour une meilleure et efficace répartition des richesses.
Et ce n’est pas le choix politique de cinquante milliards de crédits en moins dans la sphère publique, et combien à la Culture, qui ouvre des perspectives réjouissantes pour notre Ministère.
Quant au renouvellement des politiques de médiation culturelle pour diversifier les publics, elles se font durablement attendre faute d’audace et de moyens ; de nombreuses études indiquent que ce sont
toujours les mêmes qui déambulent dans les salles de musées, de musique et de classe.
Dans ce contexte extrêment tendu, les personnels des services déconcentrés du ministère de la culture ont un rôle primordial à jouer, ce sont eux qui impulsent, conseillent, accompagnent, conduisent et mettent en œuvre les politiques dans les territoires aux côtés des collectivités territoriales. En cela ils sont appuyés par leurs collègues de l’administration centrale.
Or, vos politiques publiques manquent de lisibilité pour nos collègues qui les portent, tant en administration centrale qu’en DRAC, et de visibilité pour nos concitoyens qui les vivent.
En septembre 2012, lors de votre discours aux personnels de la Drac d’Ile de France, vous précisiez votre volonté de renforcer les prérogatives de l’Etat. Après la perte de 336 emplois en DRAC entre
2007 et 2012, vous avez arrêté l’hémorragie, rien de plus. Et pourtant, il est bien difficile de parler de politiques culturelles si les emplois nécessaires à leur mise en oeuvre ne sont pas au rendez-vous.
En revanche, le Parlement, lui, a répondu par la loi de Modernisation de l’Action Publique Territoriale et d’Affirmation des Métropoles en votant la délégation de compétences à la carte et là encore sans que le gouvernement ait mené le dialogue nécessaire avec les organisations syndicales en amont. La démocratie sociale que le Président de la République appelle de ses voeux est une supercherie.
On s’inquiète en particulier des pouvoirs culturels quasi illimités qui pourraient être abandonnés aux métropoles, ces nouvelles collectivités tentaculaires en chantier.
Pour toute réponse au risque de dépeçage des directions régionales des affaires culturelles, le Président de la République, dans une réponse adressée aux organisations syndicales le 13 janvier 2014, évoque une énième réforme de l’Etat pour supprimer des soi-disant doublons dans les administrations culturelles de l’Etat et des Collectivités. Chacun d’entre nous sait que la réalité professionnelle de ces emplois est tout autre ; c’est bien de moins de service public culturel dont il est question.
De son côté, si les arbitrages du Premier ministre dans le futur projet de loi de décentralisation oriente la Culture vers une compétence partagée entre l’Etat et les collectivités, encore faudrait-il que le Parlement fasse sienne cette proposition. Pourquoi autant de difficultés et d’atermoiements du gouvernement alors que la mise en place d’un dispositif pour co-construire les politiques publiques
culturelles est la suite logique du principe de compétence partagée ?
Mais pire que tout, alors que les personnels des Drac sont extrêmement attachés à leurs missions et leur rôle dans les territoires, que leur répondez vous en matière de contenu culturel ?
Que dites-vous pour lutter efficacement contre les inégalités culturelles comme le demandent tous les personnels ?
Que dit votre Cabinet à votre administration à part des injonctions en matière de suppression de crédits et d’emplois ?
Que dit votre cabinet à part vouloir être le premier de la classe, comme disaient vos prédécesseurs en matière de RGPP, quitte à mettre en péril le ministère, ses missions et ses personnels ?
Que de difficultés pour construire un dialogue avec l’autorité politique de ce ministère et pour redonner du sens aux missions des personnels ?
Votre rôle aujourd’hui est justement de donner du sens ; c’est ce que les personnels et leurs représentants attendent de vous si vous ne voulez pas passer à côté de vos responsabilités politiques, madame la Ministre.