Déclaration de la CGT-Culture à l’occasion de la signature de la Charte sociale ministérielle, le jeudi 17 décembre 2015
Madame la Ministre, Mesdames et Messieurs, Chers Camarades,
Au début des années 90, le ministère de la culture a changé de physionomie. Nous sommes ainsi entrés peu à peu dans l’ère des établissements publics. Aujourd’hui, notre département ministériel ne compte pas moins de quatre-vingt-deux opérateurs.
Ce mouvement de fond s’est accompagné progressivement du recours toujours plus important à des entreprises extérieures.
Notre organisation syndicale n’a eu de cesse de dénoncer cette double évolution. Nous ne pouvons en effet nous résoudre à accepter la déconstruction et le remplacement d’un service public culturel, toujours fragile mais ô combien précieux, par un modèle libéral dont nous connaissons parfaitement les objectifs et la nocivité. Au moment même où nous nous apprêtons à signer cette charte, la question de la réinternalisation de certaines missions continue de se poser pleinement.
Cela étant, la CGT-Culture a fait le choix de prendre la réalité à bras-le-corps. Or dans le domaine qui nous occupe, celui des entreprises extérieures et des entreprises sous-traitantes, la réalité du travail est très souvent extrêmement rude et parfois violente.
Ici plus qu’ailleurs encore, nous sommes confrontés à des situations qui interrogent la place et les droits des femmes au travail et dans la société. De manière plus générale, les salariés doivent faire face à des pratiques patronales et hiérarchiques archaïques où se mêlent les discriminations, les injustices de toutes sortes et ce hélas jusqu’à l’expression décomplexée et abjecte du racisme.
En portant depuis près de vingt ans maintenant la revendication d’une charte sociale ministérielle, nous avons voulu incarner pleinement nos valeurs de solidarité et les faire vivre de la façon la plus concrète. Pour nous, il était impérieux de lever des barrières honteuses et inadmissibles. Nous avons toujours voulu faire triompher l’idée que les travailleurs de toutes ces entreprises étaient avant tout nos collègues et nos camarades et ce nonobstant toutes les arguties juridiques et une forme d’hypocrisie trop bien répandue.
Instaurer cette charte, c’est affirmer que les salariés qui travaillent pour ces sociétés ne sont pas des travailleurs extérieurs à nous mais bien des femmes et des hommes dont chaque voix compte pour une dans notre fraternité de travail.
Ce projet est aussi l’affirmation d’un modèle syndical : celui-là même qui agit pour rassembler et fédérer toutes les énergies positives et transformatrices dans un monde en crise où nous guette à tout instant la tentation des divisions, des exclusions et de la déshumanisation.
Voir aboutir ce travail, en ce 17 décembre 2015, après de si longues années et tant de persévérance, est une immense satisfaction.
Pour faire admettre, enfin, qu’il était nécessaire et indispensable de définir un cadre de droits protégeant et améliorant les conditions de travail de nos collègues des entreprises extérieures, il nous aura fallu beaucoup de ténacité. Ce dispositif innovant et qui fait honneur à notre ministère est aussi annonciateur à terme de droits nouveaux dans la sphère publique.
Avec cette charte, nous surmontons de nombreux obstacles et nous franchissons une étape très importante. Avec cette charte, nous avons eu l’audace et l’impertinence de bousculer les mentalités et ceci n’a pas de prix.
Madame la Ministre, nous allons signer un document qui fera date dans l’histoire de ce ministère.
C’est un acte fort ; un acte de progrès, une avancée essentielle, de celles qui sont susceptibles de caractériser une vraie politique de gauche. Que l’occasion nous soit donnée de rappeler que nous militons sans relâche pour qu’une telle politique l’emporte sur les considérations technocratiques et une forme d’inféodation à la pensée unique : cette politique est la seule à nos yeux capable de fonder un espoir et de repartir à la conquête de nouveaux territoires sociaux.
Ainsi, avons-nous la faiblesse de penser que ce que nous avons su bâtir ensemble dans ce domaine précis des entreprises extérieures devrait pouvoir s’appliquer à tous les dossiers figurant à l’agenda social : il n’est pas trop tard, jamais, et nous avons le devoir de nous atteler à d’autres changements très attendus, dès maintenant.
Nous sommes heureux et fiers de signer cette charte sociale mais la route que nous avons tracée ensemble dans le dialogue ne saurait s’arrêter ici. Il nous revient maintenant de veiller à ce que ce document s’applique au mieux et partout où le ministère de la culture est présent, en administration centrale, dans tous les services et établissements à Paris comme en régions, partout où le travail de nos collègues doit être respecté et reconnu, partout où nous devons faire œuvre d’égalité et de fraternité au quotidien.
Prenons également l’engagement partagé de faire connaître cette démarche nouvelle bien au-delà des frontières du seul ministère de la culture. Nous sommes certains que vous en prendrez l’engagement politique comme nous en prenons l’engagement syndical.
Et n’oublions pas non plus de nous saisir de la proposition de loi relative au devoir de vigilance des sociétés mères et des entreprises donneuses d’ordre à l’égard de leurs filiales, sous-traitants et fournisseurs dont les principes éthiques et sociaux devraient pouvoir, là aussi, s’appliquer au ministère et à ses établissements.
Pour conclure ce propos, permettez-nous, Madame la Ministre de vous remercier ainsi que votre cabinet.
Nous tenions également à remercier les équipes du secrétariat général et du dialogue social pour le travail accompli tout au long du processus de concertation et nous voulions remercier personnellement Lucie Muniesa pour s’être investie comme elle l’a fait dans le succès de cette belle aventure.
Merci aussi à tous les camarades qui ont réussi cela avec nous. Nous les saluons fraternellement.
Paris, le 17 décembre 2015