Les travailleurs de la Culture connaissent des situations très difficiles depuis plus d’un an maintenant en raison d’une gestion de la crise sanitaire laissant à désirer et réduisant à la portion congrue le dialogue social avec les organisations syndicales et les représentants des personnels.
La gestion de la crise sanitaire ne se caractérise pas seulement par de multiples dysfonctionnements, un manque d’anticipation et des choix stratégiques hasardeux, comme la Cour des Comptes a pu le souligner dernièrement.
Elle s’accompagne d’un affaissement de la démocratie et des libertés publiques qui ruisselle jusque dans chaque établissement et service. Ainsi, les autorités ont pris la décision de confisquer le dialogue, se contentant le plus souvent de « cocher les cases ».
Tout démontre pourtant, et hélas la troisième vague de Covid 19 frappant aujourd’hui notre pays en fait foi – près de 100 000 morts sont à dénombrer, que votre refus catégorique d’un dialogue social loyal et nourri est une impasse qui ajoute au désarroi et à la souffrance des agents.
Certains sont sommés de travailler en présentiel dans des lieux de culture comme aux Archives Nationales, dans les bibliothèques du ministère de la Culture ou encore sur les chantiers de fouilles archéologiques et dans les ateliers du Mobilier National alors que tous les indicateurs de propagation de l’épidémie sont très mauvais et que la multiplication des cas Covid contractés au travail s’accentue.
Dans ces conditions, la pression psychologique sur les collègues est intense, d’autant que toute possibilité de discussion pour réduire la voilure par une organisation du travail adaptée, la fourniture de protections de haut niveau de type FFP2 ou encore un réexamen des plans de continuité de l’activité est systématiquement rejetée par les dirigeants.
Certains sont sommés de télétravailler avec les moyens du bord, la fourniture des équipements informatiques indispensables, même si des avancées ont été obtenues, se faisant attendre. Une forme de confusion durable dans la définition des priorités contribue en outre à des surcharges de travail au-delà de l’acceptable.
Le délitement et l’épuisement des collectifs de travail nécessitent une attention soutenue de l’encadrement supérieur, une vigilance de votre part de tous les instants. Il est urgent de mieux accompagner l’encadrement intermédiaire et les équipes du ministère et de fixer les priorités et les trajectoires nécessaires à une revitalisation culturelle que nos concitoyens attendent.
Certains sont obligés par ailleurs de travailler dans des conditions ubuesques depuis que leurs collègues ont rejoint les Secrétariats Généraux Communs des préfectures de l’Outre-mer. Après quelques mois seulement, cet abandon de nos collègues des DAC fait déjà des ravages organisationnels et humains considérables.
D’autres sont empêchés de travailler en raison des décisions de fermeture de lieux de culture depuis un an et plus particulièrement depuis le 30 octobre dernier, sans aucune perspective d’un dialogue concret avec les autorités ministérielles sur les conditions de reprise de l’activité professionnelle, notion à distinguer de la réouverture des lieux de culture stricto sensu. Faute de dialogue avec la Ministre et son cabinet et de mesures tangibles pour le devenir de leurs métiers et leurs droits sociaux, ils ont décidé de redynamiser plus de 80 théâtres aujourd’hui. C’est le choix fait pour être entendus dans la convergence des luttes. Mais ce matin nos pensées vont particulièrement à François Grenier, musicien, qui a mis fin à ses jours parce qu’il ne supportait plus l’annulation de concerts.
Et pendant ce temps-là, en même temps, les suppressions d’emplois et les réorganisations de services inhérentes à cet exercice sont maintenues par le gouvernement en dépit du bon sens. Ce dogmatisme persistant met clairement en péril le service public culturel tout entier. Il témoigne d’un mépris inconcevable des questions sociales et de santé, tandis que le sentiment d’abandon des agents et de l’encadrement intermédiaire va grandissant.
Jamais un tel décalage entre ce qu’endurent les travailleurs de la Culture et les politiques menées par ce gouvernement et l’autorité politique de ce ministère n’a été aussi extraordinairement grand.
Les travailleurs de la Culture, s’efforçant dans cette crise terrible de faire unité, sont durement éprouvés. Or personne ne sait vraiment aujourd’hui comment ils s’en remettront. Le ministère de la Culture que vous représentez dans les plus hautes instances gouvernementales a besoin d’une trajectoire politique lisible, partagée et citoyenne au service de tous, de la culture et des professionnels.
Cette trajectoire doit être mise en débat avec les travailleurs de la Culture et les organisations syndicales qui les représentent. Rien ne se fera sans eux, ni contre eux. Plus que jamais, votre responsabilité est d’engager ce débat, ces discussions et négociations. Nous y sommes prêts.
Sachez d’abord, que la CGT-Culture apporte son soutien à la manifestation de ce jour et à la lutte des travailleurs et travailleuses du spectacle et précaires qui occupent le théâtre de l’Odéon, et 80 autres théâtres en France, comme aux étudiants des écoles d’art qui occupent le théâtre de la Colline à Paris et le théâtre national de Strasbourg, ainsi qu’à celles et ceux qui occuperont d’autres lieux.
Avec eux, nous revendiquons pour les droits des travailleurs de la Culture :
- Une prolongation de l’année blanche, son élargissement à toutes les travailleuses, travailleurs et précaires qui subissent les effets, à la fois de la crise sanitaire et des politiques patronales ;
- Le retrait du projet de réforme d’assurance chômage et l’ouverture de la protection sociale à toutes et tous ;
- Des mesures en toute urgence pour garantir l’accès à toutes les travailleuses et travailleurs à l’emploi discontinu et plus particulièrement pour les autrices et auteurs le droit aux congés de maternité et de maladie indemnisés ;
- La mise en place d’une politique de soutien exceptionnel à la création artistique, notamment sous forme de commande publique ;
- Des mesures d’urgence face à la précarité financière et psychologique des étudiant.e.s
Avec eux, nous revendiquons aussi pour les personnels du ministère de la Culture :
- Des mesures de « réduction de la voilure » pour protéger les personnels en présentiel en adaptant l’organisation du travail et en fournissant des protections de haut niveau, une stratégie vaccinale ministérielle et coordonnée, l’allégement de la charge de travail pour l’ensemble des personnels et des conditions de travail qui permettent de concilier vie professionnelle et vie privée ;
- Une politique ministérielle de l’emploi qui développe l’expertise, l’ouverture au concours de postes en fonction des besoins nécessaires à la bonne marche du service public de la culture, un plan massif de résorption de la précarité et l’arrêt des suppressions d’emploi ;
- Une revalorisation des grilles salariales des titulaires et des archéologues en lutte, le dégel du point d’indice, la revalorisation du cadre de gestion Albanel et son extension à tous les contractuels du ministère sur la base du principe « à travail égal, salaire égal », un salaire indicié pour les agents du ministère n’en bénéficiant pas, une politique de rattrapage indemnitaire sur la base de l’égalité de traitement ;
- Une politique ministérielle d’action sociale ambitieuse et assumée financièrement par les employeurs publics et qui réponde aux besoins de tous les agents du ministère et de leur famille ainsi qu’une protection sociale complémentaire digne de ce nom avec l’égalité de traitement comme fondement ;
- Une extrême vigilance sur le projet de loi 4D et ses conséquences sur les missions et les personnels, notamment dans des UDAP ;
- Enfin, une politique culturelle où la citoyenneté a toute sa place et construite avec les Collectivités, des modèles économiques qui favorisent l’accès des services publics culturels à tous et qui cessent de favoriser le dumping social, une tutelle ministérielle qui permette de faire ministère avec les établissements pour un service public de la culture au service de tous, des professionnels et des acteurs de la culture.
Pour qu’un autre monde soit possible, où la culture, ce bien commun essentiel, occupe toute sa place, au bénéfice de toutes et tous et du renouveau démocratique de notre pays, notre organisation appelle au soutien le plus large de toutes les actions en cours et à venir.
Vive la Culture et que vive le Ministère de la Culture !
Paris, le 26 mars 2021