Monsieur le Président,
Votre arrivée à la tête du Centre des Monuments Nationaux, voici un an et demi, a donné un immense espoir aux personnels. Après quatre années marquées par la gouvernance d’Isabelle Lemesle, faite de dysfonctionnements à tous les niveaux et d’un management des plus violents, les agents avaient toute la légitimité à attendre un réel changement.
Cette gouvernance fût également marquée, par l’absence d’un dialogue social « normal » ou en tout cas serein. Le passage en force systématique et le peu de considération que portait Mme Lemesle aux représentants du personnel, nous ont conduits, vous vous en souvenez, au boycott total des instances représentatives et à la rupture de toute forme de dialogue, pendant un an.
La situation catastrophique de l’établissement a conduit le Ministère de la Culture à diligenter une enquête de l’IGAC qui n’a fait que confirmer ce que les organisations syndicales dénonçaient depuis des mois. Mais il aura fallu un changement politique et surtout le rapport de force des personnels pour qu’enfin le Ministère prennent ses responsabilités et l’unique décision qui s’imposait.
Si vous êtes ici aujourd’hui, Monsieur le Président, en somme, c’est donc un peu grâce à nous ! Mais trêve de plaisanterie car le sujet est grave. La déception, est à la hauteur des attentes que votre venue a suscitée. Et les attentes étaient nombreuses. C’est dire si la déception est de taille !
Parmi les constats de dysfonctionnements, l’IGAC pointait, notamment, les défaillances liées à l’organisation des services du siège et préconisait une révision des processus de travail afin de trouver un fonctionnement moins centralisé et encourager la transversalité entre les directions et les services. Y avait t-il motif à revoir toute l’organisation structurelle de l’établissement comme vous l’envisagez aujourd’hui ?
L’organisation mise en place en 2009, imposée de manière brutale et sans dialogue, a laissé des traces. Quatre plus tard, les agents s’en remettent à peine et voici qu’une nouvelle réorganisation est à l’ordre du jour !
Les groupes de travail participatifs qui se sont réunis au printemps et dans lesquels 40% des agents du siège se sont inscris ont, dans leur majorité, admis la nécessité de revoir les processus de travail. Certains groupes ont même été jusqu’à produire des notes détaillées et argumentées. Les agents ont été forces de propositions pour vous démontrer ce qu’il était possible de faire pour améliorer la situation afin que les services puissent travailler ensemble et en bonne intelligence. Différents outils auraient pu ainsi être mis en place sans nécessairement toucher aux structures.
Quelle valeur accordez-vous à la parole des personnels Monsieur le Président ?
Au Comité Technique du 25 juin, vous avez affirmez, avoir bien pris en compte l’avis des agents et que les modifications de structures seraient limitées au profit d’améliorations fonctionnelles. Rien n’est moins vrai. Votre projet de réorganisation dont les documents nous ont été transmis tardivement, le 13 septembre au soir, est d’une ampleur sans précédent pour notre établissement. Il ne s’agit pas, comme vous voulez le faire croire, d’une reforme limitée. Cette reforme que vous portez touche l’établissement dans son ensemble. Aucune direction n’est épargnée. Et les monuments en feront également les frais.
Ainsi, deux directions sont purement et simplement supprimée :
La Direction Scientifique sera éclatée, le département de la conservation des collections devrait rejoindre une grande direction de la conservation tandis que le département des ressources scientifiques rejoindrait la direction des publics nouvelle version. Une véritable hérésie dans le contexte actuel. Alors que le CMN était parvenu à obtenir une reconnaissance certaine en tant que partenaire sérieux des services de l’État comme des autres grandes institutions culturelles, alors que les compétences scientifiques de l’établissement étaient enfin reconnues, vous rayez d’un trait de plume la direction du même nom. En agissant de la sorte, ce sont les compétences, l’expertise et un savoir précieux que vous niez. Et c’est le travail de nos collègues que vous méprisez !
La Direction de la Communication deviendrait une simple mission rattachée à la direction générale. Deux de ses départements (relations avec les élus, relations institutionnelles et internationales) seront supprimés. Quant au devenir du mécénat, il est incertain. Que vont devenir les agents dont les structures disparaissent ? Rappelons qu’une direction de la communication préexistait à la réorganisation de 2009.
Si la DDCP (direction du développement culturelle et des publics) semble s’en sortir renforcée par le rattachement des ressources scientifiques et de l’observatoire des publics, son organisation interne sera totalement modifiée (fusions de bureau et de services). Par ailleurs, la réorganisation consacre a suppression du service des visites-conférences d’Île-de-France. Que deviennent les conférenciers ? Et les administratifs qui s’occupaient des réservations ? Alors que dans sa lettre de mission, la Ministre vous demande que « le CMN devienne un acteur en tous points exemplaire de la politique culturelle », vous ne trouvez rien de mieux que de supprimer l’un des services qui participait activement à la politique culturelle de l’établissement en Île-de-France. Un comble !
La direction du Développement Économique est maintenue dans son intégrité, en revanche elle risque de connaître des bouleversements internes non négligeables. Le domanial serait partiellement rapproché d’une hypothétique structure orientée sur le développement touristique. Le DDV (département des ventes) serait supprimé pour devenir une structure centrée sur l’animation du réseau des comptoirs de vente. Quant à la mission « études et marketing » quelle sera son rôle, comment s’articulera t-elle avec les autres départements ? Qu’elle sera le fonctionnement de cette nouvelle structure ? Et pour quelle politique ? Les ressources propres, Monsieur le Président, sont et doivent rester un moyen au service des missions de l’établissement et non une fin en soit. Cela constituerait un non-sens ou bien une étape vers une évolution de notre établissement, vers autre chose ? Un EPIC par exemple ? C’est en tout cas l’orientation que semblez avoir prise.
À la DAJF (direction administrative juridique et financière) l’organigramme doit être simplifié. Les missions achats et archives devraient être rattachées au département juridique contre l’avis des agents concernés. Les différents bureaux du DBF (département budgétaire et financier) devraient fusionner pour aboutir à deux nouvelles structures. Quelles seront les conséquences pour les personnels en terme de métiers et de missions ?
À la DRH, une importante réorganisation interne est prévue avec la création d’une mission dialogue social et le recrutement, nous annonce t-on, d’un « chargé de mission du dialogue social ». Monsieur le Président, vous avez tout faux. Car le dialogue social tient avant tout à qualité, je dirais même à l’intelligence des interlocuteurs, et non d’une quelconque structure ad-hoc ! Les deux autres départements (administration du personnel et développement RH) ne devraient pas être touchés, nous dit-on, mais des évolutions de missions sont à prévoir. Dans quelles mesures ?
La DMO, deviendrait une grande direction de la conservation par absorption d’une partie de la direction scientifique. Alors que de nombreuses difficultés persistent comme en témoigne par exemple le turn-over dans cette direction plus important qu’ailleurs. Rien n’est fait pour améliorer la situation. Au contraire, la fusion avec d’autres services issus de l’actuelle Direction Scientifique risque d’alourdir le fonctionnement et non de créer les synergies et la transversalité attendue.
A l’agence comptable pas de changements notables. Cependant, il est prévu d’alléger le double contrôle des procédures de mandatement (dépenses) qui se fera uniquement à l’agence comptable et non plus au DBF. Est-ce bien prudent ? Avez-vous mesuré toutes les conséquences pour l’établissement et pour le fonctionnement des services ? Des évolutions de missions sont sans doute à prévoir ? Et bien sûr des redéploiements de personnels. Dans quelles mesures ?
Les éditons, n’y échappent pas notamment en ce qui concerne l’économie du livre. Vos propositions quant aux éditions vont totalement à rebours des dernières orientations en la matière. Monsieur le Président, quelle est votre vision de l’édition ? Si tant est que vous en ayez une !
Comme vous pouvez le constater, à aucun moment nous n’avons eu la possibilité de débattre sur ces questions de fond. Vos arbitrages ayant été rendus, il convient désormais d’entamer la négociation. Or, face à l’ampleur des changements proposés, cela prend du temps, le temps du débat, de la discussion et de l’échange. Le temps également primordial pour que nous portions jusqu’à vos oreilles, la parole des personnels que vous n’avez pas voulu entendre. C’est pourquoi une détente du calendrier est indispensable.
La CGT s’est adressée à vous à plusieurs reprises afin de vous demander de reporter de trois mois la mise en œuvre de votre projet. Trois mois, une proposition on ne peut plus raisonnable, au regard des enjeux extrêmement lourds de conséquences pour l’établissement et ses personnels. Vous ne nous ferez pas croire, Monsieur le Président, que vous êtes à trois mois près ! D’autant que la précipitation dans laquelle vous nous engagez tous, se fait au détriment d’un calendrier social déjà très chargé et dont dépendent d’autres négociations (en particulier le cadre de gestion, la précarité…). Doit-on aujourd’hui, toutes affaires cessantes, entériner, dans la précipitation une réorganisation qui n’est peut être pas nécessaire ? Quelle urgence y a t-il ?
Nos dernières demandes accompagnées d’une proposition de calendrier et de réunions thématiques n’ont pas trouvé de réponse. Le maintien de la réunion d’aujourd’hui signifie donc une fin de non-recevoir. Est-ce là votre conception du « dialogue social exemplaire » cher à la Ministre ?
Pour notre part, Monsieur le Président, nous refusons de discuter, avec vous, dans ces conditions.
Paris, hôtel de Sully,
Le 1er octobre 2013