Déclaration et motion de la CGT-Culture
au CTP de la DMF du 1er juillet 2008
Monsieur le Président du Comité Technique Paritaire,
Dans un propos introductif aux pages internet ministérielles consacrées au mécénat, Christine
Albanel écrit : « La loi du 1er août 2003 relative au mécénat et aux fondations nous a fait
véritablement changer d’époque… » La formule employée par Madame la Ministre est frappée au
coin du bon sens tant il est vrai que les réformes conduites par Jean-Jacques Aillagon depuis la rue
de Valois entre 2002 et 2004 ont profondément bouleversé le paysage muséal français et largement
contribué au déclin des politiques publiques en matière de culture.
La loi de 2003 sur le mécénat, puis la réforme des musées nationaux effective en 2004 sont sans
nul doute à l’origine d’un processus de démantèlement du réseau des musées nationaux et de ses
institutions fondatrices parachevé par les mesures du Conseil de Modernisation des Politiques
Publiques (CMPP) du 4 avril 2008.
Dès l’annonce de ces réformes, la CGT-Culture engagea une lutte très largement soutenue par les
personnels. N’ayant de cesse de demander un débat public, nous avions alors en effet
immédiatement dénoncé la nocivité d’orientations politiques faisant voler en éclats les valeurs de
mutualisation, de démocratisation et de citoyenneté inscrites au coeur des missions de la Direction
des Musées de France (DMF).
Pour notre organisation syndicale, comme pour l’écrasante majorité des agents, il était bien clair
que la transformation du musée d’Orsay et du musée Guimet en Etablissements Publics à caractère
Administratifs (EPA), dans le but évident de distendre leurs liens avec la DMF, ainsi que la décision
d’accroître encore l’autonomie du Louvre et de Versailles étaient au vrai motivées par un seul et
même dogme libéral : réduire encore et toujours la responsabilité et l’engagement de l’Etat pour
livrer le service public au marché.
Sans, bien sûr, que nous puissions nous en réjouir, force est de constater que les alertes que nous
avons lancées voilà cinq ans étaient toutes parfaitement justifiées et que le scénario que nous
décrivions s’est en tous points réalisé.
En 2008, le Louvre, Versailles, Orsay et dans une moindre mesure Guimet sont bel et bien devenus
des musées-entreprises engagés dans une course effrénée à la diversification mercantile de leurs
activités et à la conquête de ressources propres se substituant progressivement au financement
public. Jean-François Hébert, le Directeur de cabinet de Christine Albanel, présentant le 16 juin
les mesures du 3ème CMPP aux organisations syndicales, n’a-t-il pas d’ailleurs affirmé sans ambages :
« Les établissements publics doivent se développer avec moins de subventions car il n’est pas
question d’alourdir le carnet de chèques du contribuable… » ?!
En 2008, les autres musées nationaux, ceux qui n’ont pas la même force de frappe économique ni
la même surface médiatique, sont le plus souvent en déshérence, victimes d’une compétition sans
merci, victimes d’un système qui foule aux pieds l’intérêt général, celui des populations et des
publics, et fait la part belle aux investisseurs et « partenaires » privés.
Ainsi donc la redoutable mécanique élaborée par Jean-Jacques Aillagon donne aujourd’hui sa pleine
mesure. Et l’on peut vérifier combien la loi du 1er août 2003 relative au mécénat et les axes de la
réforme des musées nationaux de 2004 s’articulent et se conjuguent pour mieux briser les reins du
service public muséal.
Les mesures du 2ème CMPP réunis le 4 avril dernier à l’Elysée sous la Présidence de Nicolas Sarkozy
viennent apporter la touche finale à un projet politique scélérat prônant et préparant de longue
date la disparition de la DMF et de la Réunion des Musées Nationaux (RMN). Ne s’embarrassant plus
des moindres précautions stratégiques ni oratoires, le Président de la République et le
gouvernement ont décidé d’un coup d’un seul de gommer du paysage muséal ces deux institutions
consubstantielles qui ont fait des musées nationaux l’une des pièces maîtresses de l’exception
culturelle française.
Nous n’acceptons pas que la DMF soit dissoute dans une grande direction du patrimoine dont
l’incohérence structurelle et fonctionnelle n’a d’égal que le dogmatisme et l’incompétence de ceux
qui nous gouvernent dans le domaine muséal et plus largement patrimonial.
Nous n’acceptons pas non plus que la RMN fasse l’objet d’un plan de filialisation – c’est-à-dire de
privatisation – de ces activités éditoriales et commerciales alors que celles-ci sont le centre
névralgique d’un instrument culturel aussi singulier qu’indispensable.
Il faut absolument que l’ensemble homogène constitué par la DMF, la RMN et les musées nationaux
non seulement demeure mais, de surcroît, qu’il soit doté des moyens publics de son renforcement
et de son renouveau. De la survie de cet alliage puissant, plein de ressources et de promesses
dépend la survie du service public muséal.
Depuis le 7 mai, date à laquelle furent nommés les préfigurateurs des trois directions générales
estampillées « Révision Générale des Politiques Publiques », date qui fut également celle du
départ en catimini de Madame Francine Mariani-Ducray, Directrice des Musées de France depuis
2001, les personnels et leurs représentants, partagés entre inquiétude, consternation et colère
attendent la nomination d’un directeur à la tête de cette vénérable institution.
Cette situation fait sens politiquement. Elle en dit long en effet sur le mépris du ministère de
Christine Albanel pour la DMF et pour ses agents. Or ce mépris là fait d’autant plus honte à nos
gouvernants qu’il touche une direction qui se bat de façon exemplaire, une direction qui se bat
pour sa survie avec une dignité insigne depuis maintenant plus de sept mois.
Paris, le 1er juillet 2008
Motion de la délégation CGT au CTP de la DMF du 1er juillet 2008
Pour toutes ces raisons, la délégation CGT soumet au vote du Comité Technique Paritaire de
la Direction des Musées de France la motion suivante :
Les membres du Comité Technique Paritaire de la Direction des Musées de France (DMF), réunis le
1er juillet 2008, entendent réaffirmer leur opposition aux mesures du Comité de Modernisation des
Politiques Publiques du 12 décembre 2007 qui entérinent la dislocation totale du réseau des
musées nationaux, et constituent rien de moins qu’un arrêt de mort immédiat contre la DMF.
Convaincus que la DMF est plus que jamais indispensable au développement d’une politique de
service public muséal cohérente, ambitieuse et réellement motivée par le souci constant de
contribuer à la construction d’une véritable démocratie culturelle,
convaincus qu’elle constituera demain comme aujourd’hui un rempart irremplaçable contre les
multiples tentatives de marchandisation des musées nationaux et de renoncement aux exigences
scientifiques et culturelles qui assoient pourtant leur pérennité et garantissent leur renouveau et
leur essor,
convaincus que la DMF doit être dotée à l’avenir des moyens humains et financiers nécessaires à sa
double vocation de mutualisation des politiques et des projets muséaux, et d’irrigation culturelle
des territoires pour l’accès du plus grand nombre au patrimoine et trésors nationaux,
exigeant que tous les savoir-faire, tous les services et tous les emplois de la DMF soient préservés,
les membres de ce CTP se prononcent ce jour pour le maintien de la DMF dont, rappelons-le,
l’aventure formidable et bicentenaire plonge ses racines dans la révolution française.
Au moment de voter en toute solennité pour ou contre cette motion, songeons que l’histoire nous
regarde.
Paris, le 1er juillet 2008
Résultat du vote du CTP :
Parité syndicale : 8 voix pour
Parité administrative : Ne prend pas part au vote
La motion présentée par la CGT-Culture pour le maintien de la DMF a donc
été adoptée par le CTP ce jeudi 1 e r juillet 2008