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Madame la Ministre,
Atteinte aux libertés syndicales
En préambule, nous débuterons notre propos par une alerte grave relative à la procédure de licenciement, ouverte par la direction de l’Inrap, à l’encontre d’une jeune femme représentante du personnel et travailleuse handicapée. Cette décision est une pure folie mais aussi une pure brutalité. Aujourd’hui, notre camarade est en arrêt de travail consécutif à un accident de travail déclaré suite à l’annonce brutale de l’ouverture de cette procédure de licenciement.
Pour elle, pour ses collègues et pour nous tous, cette situation est insupportable. Nous vous demandons de faire cesser ces brutalités et de donner instruction pour que cette procédure de licenciement soit abandonnée et que notre camarade puisse retravailler à un projet de reclassement qui lui permette de poursuivre sa carrière à l’Inrap.
Venons à la situation générale du Ministère.
19 septembre 2018 : un jour noir pour la protection du patrimoine
Revenir sur l’avis conforme des Architectes des Bâtiments de France, dans certaines situations, comme le prévoit la loi Elan votée le 19 septembre dernier, est un recul historique. Le plus douloureux sans doute est que jamais vous n’avez défendu avec force la place et le rôle de l’Etat dans la protection du patrimoine. Pis encore, vous avez mis les agents du ministère en charge du patrimoine en grande difficulté du fait des informations révélées dans la presse et auxquelles vous n’avez jamais opposé une parole officielle. Il est de la responsabilité du ministre de la culture de concilier protection du patrimoine et aménagement urbain au sens large.
S’ouvre aujourd’hui devant nous une période qui verra sans aucun doute destructions du patrimoine, scandales à répétition et affaiblissement de l’Etat. Il est peu probable que l’image du ministère et de l’Etat en sorte grandie. Il est certain que les principes de protection du patrimoine s’éloignent de l’intérêt général pour le plus grand profit des promoteurs immobiliers qui se frottent déjà les mains. Ce message là est clair mais il n’arrêtera pas les forces citoyennes. Des associations de protection du patrimoine ne lâcheront pas l’affaire ; nous non plus du reste. Les autres secteurs du patrimoine ont compris la situation et sont terriblement inquiets pour la suite.
La mission Bélaval
Dans ce contexte de détérioration des politiques publiques, quid de la mission Bélaval et de ses principales préconisations dans le contexte du chantier « administration centrale stratège » et des chantiers interministériels, notamment celui de l’organisation territoriale des services publics, et plus largement d’Action publique 2022, sans oublier la confusion ajoutée par les circulaires du Premier ministre du 24 juillet dernier. Tous les secteurs du patrimoine sont une cible : l’architecture, les archives, l’archéologie, les monuments historiques, les musées, l’inventaire.
Le projet ministériel et la démocratie sociale
Il serait utile et précieux de nous dire maintenant quels sont vos projets réels, comment aller vous les discuter avec les personnels et leurs représentants, dans quelles temporalités.
Les personnels ont besoin d’une trajectoire claire et d’une administration favorisant les coopérations. Les conciliabules et les décisions prises en chambre par une poignée d’individus sont à proscrire. Le débat qui doit s’engager maintenant en comité technique ministériel doit vous permettre de répondre à ces légitimes interrogations et inquiétudes.
En ne partageant pas les informations, vous empêchez la démocratie de faire son oeuvre. Et vous ne construirez rien de nouveau sans un débat avec les personnels, leurs représentants et leurs indispensables expertises.
Le maintien de l’expertise des personnels
Cette expertise est indispensable à l’exercice des missions du ministère que ce soit en administration centrale et services à compétence nationale, en DRAC et en établissements. Cette expertise est tout aussi précieuse que fragile. Le rapport de l’Inspection Générale des Affaires Culturelles sur la délégation de compétence Bretagne est particulièrement instructif sur la rapidité avec laquelle les expertises peuvent se détériorer et disparaître.
Le Centre National du Livre en danger
La suppression de la taxe affectée au Centre National du Livre, sous couvert de sécurisation budgétaire et sa compensation par crédits, offre un risque considérable à la déconcentration des crédits en services déconcentrés ; tout le monde aura compris que, en cas de décision de nouvelles délégations de compétence dans le domaine de l’économie du livre, le risque de voir le Centre National du Livre dépossédé de ses missions et de son fragile mais ô combien indispensable réseau est bien réel.
Or ce n’est pas tout à fait notre lecture du rapport sur la délégation de compétence que l’Inspection Générale des Affaires Culturelles nous a présenté la semaine dernière. Les personnels du Centre National du Livre attendent un soutien politique sincère de la part de leur ministre pour éviter que les missions du Centre National du Livre ne soient vendues à la découpe.
Les missions temporaires découpent le ministère
En matière de découpe, les multiples missions temporaires commandées de toute part – président de la République, Premier ministre, ministre de la culture et secrétaire général du ministère de la culture – n’améliorent en rien la lisibilité et la visibilité des politiques ministérielles et leur cohérence. Cette nouvelle gouvernance des politiques publiques est imposée aux personnels et n’a jamais été discutée avec leurs représentants.
Mettre fin à la vacance des postes de direction
Mais en plus, quand ces missions sont assorties de vacances de postes de directeurs généraux et de directeurs qui s’éternisent alors que ces fonctions stratégiques sont essentielles au débat actuel ; que cherchez-vous ? La déstabilisation des équipes est maximale et cela ne peut plus durer. A qui donc profite cette situation totalement inédite ?
Nous exigeons que vous fassiez le maximum pour que ces postes soient pourvus très rapidement, au risque de voir les scenarii des chantiers « administration centrale stratège », ébauchés en catimini par le secrétariat général, s’imposer par défaut, faute d’interlocuteur dans les directions métiers.
Déshabiller Drac pour habiller UDAP
Toujours en matière de découpe et bien que le Premier ministre demande un renforcement dans le domaine du patrimoine et notamment des Unités Départementales d’Architecture et du Patrimoine, il est absolument indispensable de maintenir les UDAP comme service territorial des DRAC à l’échelon départemental et de les renforcer par une allocation supplémentaire de moyens qui ne soit pas prise sur les autres services patrimoniaux des DRAC, ni sur aucun autre service.
Les inégalités de traitement comme instrument de découpe du ministère
Toujours en matière de découpe, le projet dit de « responsabilisation des établissements publics » est à l’opposé des revendications des personnels en matière de revalorisation du pouvoir d’achat, de mobilité, d’amélioration des carrières et des parcours professionnels ; de leur exigence d’égalité de traitement aussi. Oui, le ministère est actuellement déchiré par des inégalités de tout ordre amplifiées par des politiques de recentrage de l’administration centrale et d’autonomie des établissements publics.
Alors que nous avons signé un protocole d’accord sur la sécurisation des parcours professionnels des agents non titulaires en 2015, les politiques de ressources humaines actuelles développent des nouvelles formes de précarité au mépris des engagements politiques de 2015. Dans ce registre, l’Inrap est connu pour mener une politique inhumaine et brutale de licenciement en cohérence avec l’absence de volonté politique ministérielle d’amélioration des parcours professionnels.
Idem pour les agents titulaires dont les interrogations sur les mobilités sont sans réponse ainsi que celles sur les revalorisations des socles indemnitaires, dans l’espoir lointain et insensé de rejoindre, un jour, les autres ministères…
L’ordre du jour de cette séance comporte des points suffisamment importants pour que vous ne vous contentiez pas de faire un discours suivi de quelques échanges. C’est pourquoi nous souhaitons que vous montriez votre intérêt en étant présente a minima pour les points 2 à 5.
Concernant les suites de la mission Zivie (point 8), nous demandons son report au comité technique ministériel du 13 novembre.
Merci de votre attention
Paris, le 25 Septembre 2018