DÉLÉGATION DE COMPÉTENCES EN BRETAGNE :
L’EFFACEMENT DE L’ÉTAT
La loi du 27 janvier 2014 dite MAPTAM permet à l’État de déléguer par convention à des collectivités territoriales qui en font la demande, l’exercice de certaines de ses compétences. La région Bretagne s’en est saisie dès 2015 dans trois secteurs :
– le livre : soutien à l’édition, à la librairie et aux manifestations littéraires,
– le cinéma : soutien aux manifestations cinématographiques, aux réseaux de diffusion et aux réseaux de cinéma,
– le patrimoine culturel immatériel : patrimoine oral de Bretagne.
Le ministère a cédé à cette demande et une convention pour six ans a été signée prenant effet au 1er janvier 2016. Au moment où AP 2022 frappe et ou de nouvelles réformes territoriales (circulaire du 24 juillet 2018 du premier ministre) sont en réflexion, une évaluation de cette délégation de compétence était nécessaire. Son résultat a été présenté aux organisations syndicales le 19 septembre et sera un point de l’ordre du jour du CT ministériel du 25 septembre.
Si le conseil régional a rempli ses obligations de façon conforme à la convention, côté État, le compte n’y est pas :
– perte d’expertise surtout pour le secteur du cinéma où la conseillère est partie et ne sera pas remplacée – il faut bien prendre quelque part les deux postes perdus de la charte d’effectif de la DRAC Bretagne en 2018 !
– perte de visibilité des financements État,.qui sont globalisés dans la subvention octroyée par le conseil régional sans faire apparaître logo et mention de la part de ce financement,
– confusion entretenue entre délégation de compétence et transfert de compétence avec une consultation beaucoup moins régulière de la DRAC,
– la DRAC s’éloigne des conventions signées directement entre la Région et le CNC et le CNL,
– la perte d’analyse, de vues d’ensemble et d’expertise est un réel danger dans ces domaines,
– la suppression des taxes qui financent le CNL ne va sûrement pas clarifier cette situation.
Des craintes du côté du service public
Si le guichet unique facilite les démarches, la mise en place d’un dossier unique avec le maintien d’une pluralité de financeurs aurait tout autant facilité les démarches en respectant tous les partenaires. Le rapport recommande une consultation de la DRAC en amont des décisions prises par la Région mais aussi par le CNL et surtout le CNC.
Des craintes s’expriment chez de nombreux professionnels de voir disparaître la compétence la disponibilité et l’écoute des conseillers de la DRAC qu’ils ne retrouvent que partiellement auprès de la Région. Enfin ils craignent de se trouver dans un tête-à-tête unique avec la Région et non plus dans une co-constrution. Dans l’avenir, une baisse unilatérale du montant des crédits peut arriver et n’offre pas la garantie de la permanence d’action assurée par l’État.
Alors quel avenir ? Comme le bilan est mitigé il faut « approfondir » bien sûr !
La région avance largement masquée en ne demandant pas une « extension du périmètre actuel de la délégation de compétence et non plus d’une délégation dans un nouveau domaine d’activité, mais éventuellement un approfondissement »
Quels pourraient être cet approfondissement ?
Le rapport évoque des actions EAC d’éducation à l’image mais remarque que la Région n’a pas de compétences décentralisées sur les écoles et les collèges.
Le directeur de la DRAC Bretagne est prêt à céder sur ce point pour donner des gages au Préfet de région extrêmement favorable aux transferts de compétences. La CGT appelle donc le ministère à la vigilance sur ce point dans sa relecture de la contribution du directeur régional au préfet.
En dépit des dénégations inscrites dans le rapport, les réseaux politiques de la Région Bretagne s’activent au niveau du gouvernement et pourraient profiter d’un élargissement à l’ensemble du spectacle vivant en s’appuyant sur la circulaire du premier ministre du 24 juillet dernier qui la suggère. Il pourrait ainsi instaurer de fait une tutelle sur les autres collectivités territoriales et les professionnels. Ce serait alors la fin de la co-construction de la politique culturelle avec l’État en arbitre et une atteinte grave à l’enjeu démocratique de notre société. Et nous ne parlons pas du devenir des personnels de la DRAC Bretagne qui ont particulièrement raison de s’inquiéter.
La CGT demande donc une intervention forte et au plus haut niveau pour qu’aucune délégation ou transfert de compétences élargies au spectacle vivant et à l’EAC ne soit accepté.
Madame Nyssen, vous proclamez votre attachement aux DRAC ?
Et bien, il est temps de le prouver !
Que vive le ministère de la culture en régions
et le travail remarquable de ses agents
Vous trouverez le rapport sur ce lien :
Paris le 19 septembre 2018