L’application du droit de l’archéologie préventive n’a jamais été chose simple dans le département des Alpes-Maritimes, elle l’est encore moins depuis la tempête « Alex », qui a constitué une opportunité de contourner la loi bien au-delà des besoins imposés par la nécessaire reconstruction des infrastructures après le drame qui a frappé les habitants des vallées de la Vésubie, de la Tinée et de la Roya.
Ça se passe comme ça en PACA :
Fin décembre 2023, la DRAC PACA prescrit un diagnostic d’archéologie préventif sur la base d’une Déclaration d’Utilité Publique pour des terrassements routiers et de mise en sécurité dans la vallée de la Vésubie. Des terrasses alluviales, formées lors de la dernière glaciation appelée Würm, contenant potentiellement des occupations humaines de la préhistoire ancienne sont ciblées. La surface est de plus de 4 hectares.
Or, la Vésubie est le fief d’Eric Ciotti, aussi, quand ce dernier apprend qu’un arrêté de diagnostic a été émis, son sang ne fait qu’un tour : le 23 janvier 2024, il exige du premier ministre le retrait de l’arrêté de la DRAC sans même que ne soit analysé l’impact réel sur le calendrier des travaux.
La directrice de la DRAC relaie la demande au Conservateur Régional de l’Archéologie (CRA), qui lui fait part dans une note administrative des difficultés que cause ce retrait éventuel.
Trois jours plus tard, balayant d’un revers de main les arguments scientifiques, techniques et administratifs du CRA, le préfet signe un arrêté retirant l’arrêté de diagnostic archéologique, ce qui annule toute possibilité de détection de vestiges archéologiques. Ce patrimoine, non renouvelable, participe pourtant à l’attractivité touristique des Alpes Maritimes (cf Terra Amata et les musées archéologiques du département).
Une instrumentalisation politique
L’archéologie préventive est de plus en plus souvent l’objet d’une instrumentalisation ou de tentatives de manipulation à des fins partisanes. Les oppositions personnelles et politiques dans les Alpes Maritimes sont de notoriété publique. Le fait de céder si facilement à Eric Ciotti lui permet ainsi de « se payer » Christian Estrosi qui est son ennemi juré et qui est, dans cette affaire, le représentant de la Métropole maître d’ouvrage des travaux mais aussi en charge de l’évaluation archéologique par l’entremise du service d’archéologie de la métropole Nice Côte d’Azur.
Cela lui permet également d’exercer une pression sur la nouvelle ministre de la culture, issue des mêmes rangs politiques mais dont il ne soutient pas la nomination.
Où en sont les politiques publiques de l’archéologie ?
Sur le fond cette affaire soulève plusieurs problèmes :
-le rôle de la direction de la DRAC, qui n’arrive plus ou ne veut plus défendre l’expertise scientifique et technique de ses services. Ces derniers sont de plus en plus éloignés de la direction par des paravents hiérarchiques intermédiaires.
–le rôle des préfets (donc du ministère de l’intérieur) de plus en plus envahissant. Ils sont décisionnaires sur les missions des DRAC et n’hésitent pas à faire du patrimoine une variable d’ajustement dans les dossiers d’aménagement du territoire et plus largement avec la culture, des marchandages avec des élus locaux
–l’affaiblissement de l’État de droit lorsque des « baronnets » n’en font qu’à leur guise et que les représentants de l’État se plient à leur volonté personnelle. Dans d’autres cas, les agents de l’État sont simplement ignorés, comme en témoignent les travaux fait à Notre Dame de Paris, en catimini, pendant les congés de fin d’année, sans surveillance des archéologues.
-la prise en charge de l’archéologie dans le cadre des catastrophes naturelles se pose également. Le Conseil National de la Recherche en Archéologie et la Direction Générale du Patrimoine et de l’Architecture se sont penchés sur le problème l’an dernier et c’est un sujet d’autant plus important que la question du réchauffement climatique nous confronte de plus en plus régulièrement à cette question. L’expérience acquise lors de la tempête « Alex » montre que ce contexte a permis aux aménageurs et aux élus de s’affranchir de toutes les contraintes administratives liées à la prise en compte de l’environnement et du patrimoine mais aussi du code des marchés.
Ce que défend le SNSD CGT Culture
-une connaissance et une protection du patrimoine archéologique par les diagnostics archéologiques et éventuellement des fouilles archéologiques préventives,
-la rédaction d’une Directive Nationale d’Orientation (DNO) pour les services déconcentrés qui réaffirme les missions et politiques culturelles nationales du ministère et qui soit un point d’appui pour résister à toutes les pressions,
-le respect des expertises métier,
-une égalité de traitement par le respect de la réglementation.
Le 31 janvier 2034