Du confinement au déconfinement
Une crise inédite, une menace précise,
des réponses incertaines, des solutions imprécises…
Loin d’être un virus de plus et sans grand danger, comme voulaient le faire croire encore plusieurs membres du gouvernement en février et début mars, le Coronavirus est à l’origine de l’une des plus terribles crises sanitaires, sociales et économiques de notre histoire contemporaine.
Non seulement la France n’échappe pas à cette tragédie mondiale mais elle fait même partie, au même titre hélas que nos voisins et amis italiens et espagnols, des pays les plus durement éprouvés. Pour nos concitoyens, le bilan provisoire de cette épidémie est des plus cruels. Plusieurs dizaines de milliers de vies ont été perdues dans des conditions qui alourdissent encore le poids de la douleur et du deuil.
Le confinement instauré le 17 mars dernier, voilà plus de 6 semaines maintenant, a sans nul doute permis de ralentir la propagation de la maladie. Reste que celle-ci tue encore chaque jour plusieurs centaines d’entre nous et que nous restons sous la menace d’une seconde vague. De plus, ce confinement, synonyme de mise en sommeil de l’activité, a aussi des conséquences sociales et économiques tout à fait préoccupantes et délétères, et qui seront extrêmement difficiles à panser.
Face à cette situation inédite, les organisations syndicales représentatives du ministère de la culture ont fait le choix résolu de l’unité. Elles sont ainsi toutes réunies depuis le début de cette crise pour participer activement à l’effort de protection de tous les agents et salariés, de droit public et privé. Cette unité est un atout considérable qui nous permet d’affirmer avec force et sans relâchement que la santé des personnels du ministère est la seule vraie priorité, et que la santé sanitaire et la santé sociale sont étroitement liées.
Force est de constater néanmoins que la gestion de la crise par le gouvernement est sous le feu des critiques. Ceci est si vrai que la confiance de l’opinion et des travailleurs en particulier est largement écornée. Chacun peut voir à son tour en effet que les hésitations, les tergiversations et les erreurs répétées le disputent aux injonctions contradictoires quand ce n’est pas aux messages ambigus voire aux mensonges éhontés. Circonstance aggravante, au lieu de saisir cette occasion de moderniser le dialogue social et la démocratie sociale, et de renforcer les attributs de la démocratie, le pouvoir exécutif prétend encore pouvoir décider seul de tout.
C’est dans ce contexte politique et démocratique dégradé que se pose désormais la question essentielle et ô combien délicate et périlleuse du début progressif du déconfinement, le 11 mai prochain. Là encore, et nous le déplorons compte tenu de la gravité des enjeux, la cacophonie fait rage : reprise de l’activité plus ou moins progressive jusqu’au 2 juin ; territorialisation et régionalisation des mesures de déconfinement ou non ; différenciation ou non en fonction des secteurs et des branches professionnels ; port obligatoire ou non du masque ; renforcement des mesures barrières et approvisionnement en équipements individuels de protection ou non, etc. Rien ne semble réellement certain ni stabilisé.
Le plan de déconfinement présenté le 28 avril par le Premier ministre devant la représentation parlementaire porte le sceau de la confusion et de l’impréparation. S’agissant notamment des équipements de protection sanitaire et tout particulièrement des masques, la doctrine du gouvernement est invariablement la suivante : ce qui fait défaut n’est pas indispensable. La pénurie justifie-t-elle pour autant des recommandations hasardeuses et des consignes ambiguës et inintelligibles ajoutant encore de l’inquiétude à l’inquiétude et de l’angoisse à l’angoisse ?
L’intersyndicale Culture n’a eu de cesse de porter l’idée d’un dialogue social constructif et de formuler de nombreuses propositions cohérentes et animées par le souci constant de l’intégrité physique et psychologique des agents. L’égalité de traitement, la justice sociale et la bienveillance ont été au cœur de nos revendications. Mais comme vous le savez aussi via nos comptes rendus réguliers de nos échanges avec l’administration, le dialogue social demeure extrêmement compliqué et peu loyal au ministère de la culture. Dans ce domaine de la concertation sociale, le monde d’après semble encore bien lointain et il y a même à craindre qu’il soit pire si nous ne veillions pas, comme nous le faisons ensemble, à déployer toutes nos solidarités, justes et légitimes.
Après plus de 6 semaines de confinement et de fonctionnement en « mode dégradé », l’administration peine encore à apporter des réponses satisfaisantes, claires et concrètes aux questions touchant directement à la santé des personnels, à leur protection, à leurs conditions de travail et leur sécurité sociale.
Alors que la date du déconfinement se rapproche très vite, le gouvernement ne peut pas persister dans la stratégie de déresponsabilisation de l’Etat qu’il applique à tous les niveaux, renvoyant pour une part à la responsabilité des élus locaux après les avoir si souvent doctement ignorés, et pour une autre à celle des individus, c’est-à-dire à chacune et chacun d’entre nous isolément.
Gouverner c’est prévoir mais c’est aussi assumer ses responsabilités et a fortiori quand la tempête gronde.
C’est pourquoi, l’intersyndicale Culture ne peut pas se contenter d’un « groupe de travail relatif au déconfinement » dépourvu de tout mandat et de moyens – comme si cette échéance majeure et redoutable n’impliquait pas la mobilisation totale du ministre et de son cabinet.
C’est pourquoi, considérant que les décisions les plus complexes doivent être prises de façon collective et en toute transparence et loyauté, s’agissant du plan de déconfinement spécifique au ministère de la culture, nous exigeons l’ouverture dans les meilleurs délais d’une négociation sous l’égide du ministre, Franck Riester.
Il est urgent et impératif de sortir du flou quant aux points essentiels de ce plan de déconfinement. Le cabinet et l’administration ne peuvent plus faire cavalier seul et laisser le ministère se disloquer sous les yeux d’agents sidérés tandis que dans telle DRAC/DAC, tel SCN ou tel établissement public les directions foncent toutes voiles dehors et sans aucun dialogue vers une reprise à haut risque.
Alors que nous n’avons toujours aucune assurance que les équipements de protection sanitaire et notamment les masques dûment homologués parviennent à tous les agents, partout au ministère, notamment chez ses opérateurs, alors que nous ne connaissons toujours pas le nombre d’agents potentiellement concernés par un retour en poste en présentiel, et tandis que le bilan de l’épidémie au ministère reste une inconnue, il est urgent et impératif que le dialogue social soit lui-aussi déconfiné.
Faire ministère ensemble dans l’adversité, dans le respect de la santé et des conditions de travail de chacune et chacun, quels que soient son affectation, son statut, et sa catégorie, c’est l’objectif essentiel que s’est fixé l’intersyndicale Culture et qu’elle ne perdra jamais de vue.
Monsieur le Ministre,
ces heures graves vous appellent à prendre toutes vos responsabilités
Paris, Mantes, Amiens, Chelles, Ajaccio, 30 avril 2020