La Fonction Publique et ses agents subissent depuis plusieurs années des attaques sans précédent. Il s’agit d’une offensive globale contre le Statut général, contre les services publics, contre les missions. Variables d’ajustement, les emplois de fonctionnaires sont liquidés. Avec les mêmes méthodes que celles du secteur privé, l’État employeur réduit sa « masse salariale » au nom de la « baisse des dépenses publiques » et du dogme du « désendettement ». Il s’agit principalement : de supprimer des emplois budgétaires statutaires ; de ne pas remplacer la totalité des départs à la retraite ; d’organiser peu ou pas de concours ; de recourir systématiquement à l’emploi contractuel et précaire. Évidemment, les inégalités créées entre fonctionnaires et agents contractuels permettent à notre employeur, l’État, de peser à la baisse sur les salaires et les rémunérations de tous, tout autant que sur les déroulements de carrières de chacun… Il s’agit de diviser les agents, jusqu’aux droits à la retraite.
Que l’on soit fonctionnaire ou contractuel, nous subissons tous le même gel de la valeur du point d’indice. Nous subissons tous les conséquences de l’absence de revalorisation de nos grilles indiciaires. Ajoutons à cela le gel des régimes indemnitaires (primes) des fonctionnaires, pendant que les agents contractuels en sont toujours exclus. Bien sûr, aucune progression de carrière n’est possible sans l’organisation de concours, sans examens professionnels, sans promotions internes en nombre suffisant. Or, sans concours, il est impossible de sortir de la précarité. Et sans budgets à la hauteur, impossible de renouveler tous les contrats des agents en CDD, ni proposer des CDI à toutes celles et ceux qui peuvent y prétendre. Pour tous les agents contractuels, y compris ceux en CDI, il est évidemment impossible de « négocier » individuellement une quelconque revalorisation indiciaire ou du groupe de qualification.
Fonctionnaires, agents contractuels, nous sommes tous perdants, tous traités à la même enseigne !
Cette politique mortifère de casse des emplois de fonctionnaires et de précarisation des contrats et des agents est en œuvre dans toute la Fonction publique, au ministère de la Culture, comme aux Archives nationales. C’est ce que les documents transmis par la Direction du Service Interministériel des Archives de France (SIAF) nous ont permis de mettre en évidence lors de la réunion du Comité Social d’Administration du réseau Archives (CSA) du 9 juillet 2025. Les chiffres sont sans appel : c’est une hécatombe ! Qu’on en juge :
– 7 % : Le service à compétence nationale des Archives nationales, qui regroupe les sites de Paris et Pierrefitte-sur-Seine, a vu, entre 2013 et 2025, le nombre total de ses emplois (fonctionnaires + contractuels en CDD et CDI) en équivalent temps plein (ETP) baisser de 7 %, passant de 505 à 471,1 emplois ETP, soit la perte de 34 emplois ETP.
– 25 % : Entre 2013 et 2025, le nombre total d’emplois de fonctionnaires (catégories C, B et A)s’effondre de 25 %, passant de 432 à 328 emplois ETP, soit la suppression de 104 emplois ETP.
– 35 % : Sur cette même période, le nombre d’emplois de fonctionnaires de catégorie C a été amputé de 35 %, soit la suppression de 72,4 emplois ETP, passant de 207,7 à 135,3 emplois ETP.
-35 % : Idem pour la catégorie B dont le nombre d’emplois de fonctionnaires a également été amputé de 35 %, soit la suppression de 30,5 emplois ETP, passant de 88 à 57,5 emplois ETP.
+95 % : Dans le même temps, le nombre total d’emplois contractuels (CDD + CDI) a explosé de 95 %, passant de 73 à 142,8 emplois ETP, soit une augmentation de 70 emplois ETP.
+ 114 % : Le nombre d’emplois de contractuels en CDD explose de 114 %, passant de 40,8 à 88 emplois ETP (alors que dans le même temps le nombre d’emplois en CDI augmente de 58 %, passant de 32,3 à 54,8 emplois ETP).
31 % : L’emploi contractuel représentait 15 % de l’effectif total en 2013, il en représente 31 % en 2025.
32 % des emplois de catégorie A et A+ sont occupés par des agents contractuels, soit 66,15 emplois ETP.
24 % des emplois de catégorie B sont occupés par des agents contractuels, soit 18,30 emplois ETP.
22 % des emplois de catégorie C sont occupés par des agents contractuels, soit 37,61 emplois ETP.
Evolution des effectifs par catégorie et statut entre 2013 et juin 2025 (extrait)
en ETP | 31/12/2013 | 25/06/2025 | Variation en ETP | Variation en % |
Titulaires – Cat A | 136,3 | 135,5 | – 0,8 | = |
Titulaires – Cat B | 88 | 57,5 | – 30,5 | – 35 % |
Titulaires – Cat C | 207,7 | 135,3 | – 72,4 | – 35 % |
Sous-total Titulaires | 432 | 328,3 | – 103,7 | – 25 % |
CDI | 32,3 | 54,8 | + 22,5 | + 58 % |
CDD | 40,8 | 88 | + 48 | + 114 % |
Sous-total Contractuels | 73 | 142,8 | + 69,8 | + 95 % |
Total | 505 | 471,1 | – 33,9 | – 7 % |
Dans le détail, par corps, notons que les destructions d’emplois de fonctionnaires concernent uniquement les corps des catégories C et B dans toutes les filières – le nombre d’emplois de catégorie A reste relativement stable avec une baisse de 0,8 emploi ETP :
AASM – 25 % Le nombre d’emplois dans le corps des adjoints techniques ASMa chuté de 25 %, passant de 158,9 à 118,8 emplois ETP, soit la suppression de 40,1 emplois ETP !
Adj Admin – 67 % : Le nombre d’emplois dans le corps des adjoints administratifs a été amputé de 67 %, passant de 38,2 à 12,5 emplois ETP, soit la suppression de 25,7 emplois ETP.
Sec Doc – 64 % : Le nombre d’emplois dans le corps des secrétaires de documentation a chuté de 64 %, passant de 36,1 à 13 emplois ETP, soit la suppression de 23,1 emplois ETP.
TSC – 35 % : Le nombre d’emplois dans le corps des techniciens des services culturels, a chuté de 35 %, passant de 19,9 à 12,6 emplois ETP, soit la suppression de 7,3 emplois ETP.
TA – 15 % : Le nombre d’emplois dans le corps des techniciens d’art a reculé de 15 %, passant de 20,2 à 18,1 emplois ETP, soit la suppression de 2,1 emplois ETP.
Filière ASM – 27 % : La filière ASM (AASM, TSC, ISCP) est celle qui a payé le plus lourd tribut à la politique de destruction d’emplois de fonctionnaires avec la liquidation de 27 % de ses postes, passant de 184,8 à 136,4 emplois ETP, soit la disparition de 48,4 emplois ETP !
Evolution des effectifs par corps entre 2013 et juin 2025 (extrait) :
en ETP | 31/12/2013 | 25/06/25 | Variation en ETP | Variation en % |
Adjoints administratifs | 38,2 | 12,5 | – 25,7 | – 67 % |
Secrétaires administratifs | 8,8 | 9,8 | + 1 | + 10 % |
Attachés d’administration | 9,8 | 11,8 | + 2 | + 17 % |
Secrétaires de documentation | 36,1 | 13 | – 23,1 | – 64 % |
Chargés d’études documentaires | 50,3 | 60,3 | + 10 | + 20 % |
Conservateurs du patrimoine | 54,4 | 51,8 | – 2,6 | – 5 % |
Adjoints techniques ASM | 158,9 | 118,8 | – 40,1 | – 25 % |
Techniciens des services culturels | 19,9 | 12,6 | – 7,3 | – 35 % |
Techniciens d’art | 20,2 | 18,1 | – 2,1 | – 15 % |
A mesure que l’emploi statutaire recule, la précarisation des contrats et des agents grandit. L’explosion de + 114 % du nombre de CDD (pour atteindre 88 emplois ETP) le démontre grandement. Cette politique se vérifie également dans le nombre faible de CDIsation.
L’augmentation du nombre de CDI (+ 22,5 emplois ETP) est largement à relativiser et à comparer avec les 104 emplois ETP de fonctionnaires supprimés sur la même période. En clair, les postes de fonctionnaires détruits n’ont pas été transformés en CDI, tout au contraire.
Force est aussi de constater que la « défonctionnarisation » des agents de catégorie C est en œuvre pendant que l’écrasement de la catégorie B complète le dispositif de dislocation statutaire, comme c’est le cas avec la liquidation des corps de secrétaires de documentation. A ce propos, que sont devenus les 23 emplois ETP de secrétaires de documentation disparus depuis 2013 ?
Dans le même temps, 32 % des emplois de catégorie A et A+ sont occupés par des agents contractuels. Ce sont donc toutes les catégories d’emplois, dans toutes les filières et les corps, qui sont concernées par la contractualisation et la précarisation des contrats et des agents.
Et tout ça sans aborder la question de la charge de travail, qui n’a cessé d’augmenter, et des conditions de travail qui n’ont cessé de se dégrader.
Et le pire est à venir…
En effet, le 15 juillet dernier, le Premier ministre, François Bayrou, a annoncé son super-plan d’austérité visant à « économiser » 43,8 milliards d’euros. Ce plan de casse sociale passe notamment par :
– la suppression de 2 jours fériés (lundi de Pentecôte et le 8 mai) ;
– l’instauration d’une « année blanche », c’est-à-dire une année sans revalorisation en fonction de la hausse des prix : de la valeur du point d’indice ; des primes et indemnités des agents de la Fonction publique (sauf progression de carrière) ; des pensions de retraite ; des prestations sociales (allocations familiales, APL, RSA, Prime d’activité, AAH, AEEH, ARS) ; du barème de l’impôt sur le revenu, du barème de la CSG pour les retraités ;
– la suppression de 3 000 postes de fonctionnaires ;
– le non-remplacement d’un fonctionnaire sur trois partant à la retraite ;
– le doublement de la « franchise médicale » sur les médicaments dont le plafond annuel passerait de 50 à 100 euros ;
– le doublement de la « participation forfaitaire » sur les consultations médicales, examens de radiologie, analyses de biologie médicales, dont le plafond annuel passerait de 50 à 100 euros ;
– la remise en cause de l’ALD (affection longue durée) et du remboursement à 100 % des médicaments…
Ça suffit ! Il y en a assez des découverts bancaires et des fins de mois qui commencent le 15. Il y en a assez de voir nos salaires stagner pendant que les prix explosent (loyers, énergie, alimentation). Il y en a assez des sacrifices !
Nous ne resterons pas l’arme au pied face aux menaces brandies par François Bayrou et son gouvernement. Nous ne resterons pas l’arme au pied face à la liquidation des emplois et des services publics. Occupons-nous de nos affaires !!!
Paris, le 12 août 2025