Dans un communiqué en date du 10 août dernier, nous dressions la liste non exhaustive et pourtant déjà longue des missions sur la culture confiées par le président de la République et/ou la ministre de la culture à des personnalités en vue. S’il n’est peut-être pas indispensable d’être dans les bonnes grâces de l’Élysée pour faire partie des heureux élus, visiblement cela aide quand même beaucoup.
On aimerait pouvoir s’attarder un peu sur la rubrique « people » mais, mois d’août ou pas, il est difficile de badiner avec la situation du service public de la culture. Car alors que le pouvoir politique multiplie les « missionnés » comme les petits pains, la plupart des grandes directions de ce ministère demeurent sans tête, ni cap ni boussole. Or on ne peut pas attribuer ces vacances de postes notoires et hélas durables aux caprices de la météo.
Plusieurs mois déjà après que directrices et directeurs ont quitté leurs fonctions sans être remplacés, et alors que le cabinet de la ministre fond comme neige au soleil, nous sommes passés en alerte orange puis rouge. Le plan ORSEC aurait dû être déclenché depuis longtemps mais il semble urgent d’attendre, et d’attendre encore…
Mi-septembre, Philippe Bélaval devrait avoir rendu ses conclusions sur « la politique publique du patrimoine et le fonctionnement de l’administration ». Celui qui a jeté les bases de l’actuelle direction générale des patrimoines, engendrée par la RGPP – il en fut le préfigurateur et le premier directeur – et qui connaît parfaitement la maison ne devrait pas être en reste en termes de schémas de réforme et de restructuration.
Mais si les devoirs d’été de Philippe Bélaval sont pour l’instant un secret bien gardé, ils ne sont pas l’œuvre d’un penseur solitaire.
Ainsi, le 24 juillet dernier, le Premier ministre signait deux circulaires de la plus haute importance à l’attention des ministres, secrétaires d’État, et préfets de région. La première de ces deux circulaires vise à « l’organisation territoriale des services publics » ; la seconde à « la déconcentration et l’organisation des administrations centrales ». Le tout, par ailleurs parfaitement articulé, s’inscrit dans le droit fil de cette nouvelle et énième séquence de la « réforme de l’État » que le gouvernement appelle, cette fois-ci, « Action publique 2022 ».
Le Premier ministre demande aux destinataires de ces deux circulaires de lui faire des propositions dans la deuxième quinzaine d’octobre.
Dans le même calendrier, c’est-à-dire d’ici fin octobre, la ministre de la culture et son cabinet devront valider, avant de rendre à Matignon, la copie préparée par le secrétariat général sur « l’administration centrale stratège ».
Le ministère de la culture, son administration centrale, ses services déconcentrés et ses établissements publics rentreront alors dans leur saison des typhons et personne ne sera véritablement à l’abri de rien.
Comment ne pas rappeler, même si cela n’a rien de réjouissant, que ce vaste chantier de « réforme » ouvert sur tous les fronts et conduit à la vitesse de l’éclair par le gouvernement est animé par une conception libérale de l’État et de l’administration. Derrière cette entreprise de sape qui abîme le travail et qui fragilise des centaines de milliers d’agents, il y a une doxa qui vient de très loin.
Ce sont encore et toujours les mêmes arguments éculés que le gouvernement brandit : les françaises et les français doivent faire des sacrifices ; la rigueur budgétaire est la seule voie possible ; il faut réduire la dette publique ; il faut couper dans les dépenses sociales ; il faut geler les salaires et mettre aussi les retraités à contribution ; déréguler le marché du travail et accepter un durcissement des conditions de travail ; rompre avec les acquis sociaux ; en finir avec la place, le rôle et l’influence des organisations syndicales sur l’échiquier social etc. Ah ! Qu’elle est belle leur modernité ! Si c’est un monde nouveau, il n’est ni agile ni vendeur et encore moins enviable.
C’est bien dans ce cadre politique et aucun autre que ce gouvernement s’en prend à son tour aux trois fonctions publiques et à leurs agents. Or il affiche clairement la couleur : suppression de
120 000 emplois sur ce périmètre et à échéance de ce quinquennat ; restructuration-démantèlement de l’administration ; mise en coupe réglée des services ; mise en concurrence et privatisation de secteurs entiers, ce qui revient juste à céder et vendre des biens communs pourtant indispensables à la cohésion sociale d’un pays et à sa richesse partagée.
Eté ou pas, nous ne sommes pas sans voix. Elle porte haut quand au ministère nous parlons librement de ce ministère, de notre travail, et de notre engagement pour la culture. Notre voix d’ensemble porte haut quand nous déclarons en toute diversité mais en solidarité que la société a besoin de culture et que la culture a besoin d’un ministère en mouvement, en alerte, réactif, audacieux, combatif, transgressif au besoin mais fort et généreux.
Ce qui nous rassemble l’emporte sur tout le reste. Nous avons les yeux rivés sur cet objectif-là et seulement celui-là.
Petites manœuvres politiciennes, nouveau casting en préparation, remaniement ou pas, l’essentiel n’est pas là. Nous ne pouvons faire confiance qu’à nous-mêmes. L’avenir est entre nos mains.
Vive la Culture
et que vive le ministère de la culture !
Paris, le 14 Août 2018
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