Compte-rendu du Conseil d’administration
Mardi 12 décembre, s’est tenu le Conseil d’administration du Centre des monuments nationaux. Parmi les points inscrits à l’ordre du jour, le budget initial de l’établissement pour l’année 2018 a été présenté et soumis au vote. Entre les déclarations du président Bélaval, l’attitude des tutelles (Ministère de la culture et Bercy) et les documents transmis tardivement aux représentants du personnel, il y a véritablement de quoi s’énerver !
Budget rectificatif n°3 : les mauvais coups commencent dès 2017
Présenté comme une simple « mesure technique », le troisième budget rectificatif de l’année 2017 (BR3) a déjà de quoi inquiéter. Certes, près de 1 M€ (million d’euros) est inscrit en recettes supplémentaires grâce au sursaut de fréquentation de monuments parisiens en fin d’année. En revanche le chiffre d’affaires des librairies-boutiques continue de chuter à cause de difficultés d’approvisionnement persistantes, nous dit-on. Parallèlement, on taille dans les dépenses avec 1,3 M€ en moins en fonctionnement. 5 M€ de subventions supplémentaires sont accordés par l’État, mais il s’agit d’opérations « fléchées ». En revanche, 6,28 M€ d’investissement sont reportés. Concrètement, cela veut dire que de nombreux travaux seront retardés ou repoussés l’année prochaine.
Toujours plus de monuments à gérer avec de moins en moins de moyens
Le Conseil d’administration s’est prononcé sur l’intégration d’un nouvel ensemble monumental au périmètre : la villa E1027 à Roquebrune-Cap-Martin accompagnée de plusieurs bâtiments conçus par Le Corbusier. À la demande du Ministère, le CMN s’est également positionné pour reprendre la gestion du château de Villers-Cotterêts et du château de Saint-Ouen. Si on peut se réjouir que ces monuments rejoignent la sphère publique et viennent renforcer le CMN, il est aussi légitime de poser la question des moyens. En effet, comment mener à bien nos missions avec des effectifs déjà insuffisants et des crédits en baisse ? Car évidemment, aucun moyen supplémentaire n’est prévu pour la gestion de ces nouveaux sites. Et si les moyens ne sont pas à la hauteur des ambitions, notamment en termes d’effectifs, un élargissement trop important et trop rapide de son périmètre pourrait entraîner de graves difficultés pour le CMN.
Budget initial 2018 : recettes propres en hausse mais financements de l’État en baisse
Le CMN table sur une augmentation de ses recettes propres de 4,54 M€ en 2018, grâce à l’accroissement prévisible de la fréquentation (+4,3%) mais surtout par l’instauration de nouvelles hausses tarifaires dans certains monuments. Le cas le plus scandaleux est sans doute celui de la maison de Georges Clemenceau en Vendée où le CMN a décidé de faire payer 3,50€ l’accès au seul jardin ! Les financements de l’État eux sont en baisse. La subvention de fonctionnement passe de 15,3 à 14,4 M€ et la subvention d’investissement diminue de 4,1 M€. Une fois de plus cela va impliquer de nombreux retards dans les opérations de travaux.
Fortes tensions sur les emplois
Concernant les effectifs, les agents bénéficiant de divers dispositifs d’emplois aidés (contrats d’avenir…) ne seront pas renouvelés, ce qui représente 19 ETPT (équivalents temps plein travaillés) en moins pour 2018. Le plafond d’emplois de l’établissement est quant à lui amputé de 2 ETPT. Cette baisse peut paraître insignifiante, mais le CMN connaît déjà un sous-effectif chronique dans tous les monuments et services. Cette diminution, même mineure, est d’autant plus pesante que l’élargissement du périmètre en 2018 va créer de nouveaux et importants besoins au sein de l’établissement. De l’aveu même de Philippe Bélaval, 30 ETPT ont été nécessaires pour l’ouverture des nouveaux monuments ayant rejoint le CMN ces dernières années, sans compter l’Hôtel de la Marine qui nécessitera à lui seul pas moins de 45 ETPT lors de son ouverture. Dans le même temps, de nombreux monuments connaissent des fermetures partielles ou saisonnières par manque d’effectifs. De plus, les mesures de sécurité renforcées générées par le plan Vigipirate ont également créé de nouveaux besoins. Comment faire face à cette situation ? Pour le président Bélaval, la solution semble toute trouvée…
Externalisation au CMN : la filière accueil et surveillance en ligne de mire
Dans le cadre d’« Action Publique 2022 », le Ministère de la culture prévoit de confier certaines missions au secteur privé. Très concrètement, il souhaite externaliser la filière accueil, surveillance et magasinage (ASM). En bon élève, Philippe Bélaval a déjà pris les devants. Deux projets sont bien avancés : l’externalisation de la surveillance de nuit à l’hôtel de Sully et l’accueil et la surveillance du domaine du Palais-Royal. Ces deux projets ont été menés en catimini sans faire au préalable l’objet d’aucune concertation. Selon Philippe Bélaval, l’externalisation est désormais « inévitable », surtout dans un contexte de réduction des effectifs. Il faut donc s’attendre dans les mois qui viennent à plusieurs autres projets d’externalisation dans différents services et monuments du CMN, principalement pour des missions d’accueil, de surveillance, de sécurité, d’entretien et même de médiation culturelle. Enfin, monsieur Bélaval a sollicité le Ministère de la culture afin de lui permettre de faire appel à des bénévoles. Mieux que l’externalisation : une main-d’oeuvre entièrement gratuite !
« Les funestes effets » [sic !] de la levée de la dérogation
Le Président nous a, une fois de plus, abreuvé de sa vieille rengaine sur les difficultés à recruter des fonctionnaires, surtout depuis la levée de dérogation. 100 postes non pourvus, 33 ETPT « gelés » pour faire face aux besoins en vacations, voici donc la liste, selon l’expression même de monsieur Bélaval, des « funestes effets du décret du 29 mars 2017 » qui a réduit les possibilités de déroger à l’emploi titulaire au CMN. Ces difficultés existent bel et bien, mais elles ne sont évidemment pas proprement liées au statut de l’établissement ni à l’emploi de fonctionnaires. C’est l’insuffisance des concours et les difficultés internes aux services du Ministère (eux-mêmes sous pression par manque de moyens et d’effectifs), qui sont à incriminer. Par ailleurs, tout président du CMN qu’il est, monsieur Bélaval n’est absolument pas fondé à remettre en cause la levée de la dérogation puisque le principe selon lequel les emplois civils de l’État doivent être occupées par des fonctionnaires est défini par la loi. Les difficultés de recrutement, réelles ou supposées, ne peuvent en aucun cas justifier le retour à la dérogation de l’emploi au CMN.
La gestion directe ? c’est pour demain !
Ce discours alarmiste sur les conséquences de la levée de la dérogation sert aussi de prétexte pour hâter la délégation des actes de gestion des agents titulaires (gestion directe). Il s’agit de transférer au CMN tout ou partie des actes administratifs relatifs à la gestion des fonctionnaires : paye, carrière, disciplinaire… et même recrutement ! Les choses semblent s’accélérer puisqu’une fois de plus, les orientations d’« Action Publique 2022 » prônent la généralisation des délégations de gestion. Mais pour Philippe Bélaval, cela ne va pas encore assez vite. À tel point que les représentants du Ministère ont dû calmer les ardeurs du Président et l’inciter à la patience. Nul doute que la gestion directe va arriver très vite au CMN, dès les premiers mois de l’année 2018. Les agents titulaires doivent savoir que cela ne sera pas sans conséquences sur leur carrière et leur droit à la mobilité.
Hôtel de la Marine : la méthode Coué
Il est désormais de notoriété publique que les travaux de restauration de l’Hôtel de la Marine dépasseront de loin le budget initial. Il se murmure qu’en l’état actuel, le montant final de l’opération se chiffrerait aux alentour de 130 M€ au lieu des 100 prévus initialement. À 114 M€ officiels, nous en sommes pour l’heure à « seulement » 14 M€ de dépassement qui seront en principe et par moitié couverts par un mécanisme concernant la TVA des travaux et par un appel à mécénat. Il se pourrait également que le chantier prenne du retard. Jusqu’à deux ans si l’on en croit les plus pessimistes. Rappelons que le CMN doit commencer à rembourser les 80 M€ de l’emprunt qu’il a contracté auprès d’une banque privée à partir de 2022. Si les travaux prennent trop de retard, les recettes dégagées elles aussi trop tard ne permettront pas à l’établissement d’honorer ses échéances. L’énorme ponction alors nécessaire sur le fonds de roulement fera peser une grave menace sur le niveau prudentiel à maintenir obligatoirement et par conséquent sur l’ensemble du fonctionnement de notre maison. La direction dément bien sûr catégoriquement et affirme que le calendrier sera tenu « au jour prêt ». Nous voilà rassurés ! Pour notre part nous n’avons cessé d’alerter sur les risques que comporte cette opération pour l’équilibre financier de l’établissement.
Va t’faire incuber !
Dans le cadre de ses « projets innovants », le CMN va créer un « incubateur de start-ups ». Il s’agit de mettre à disposition de ces entreprises des moyens et des locaux en échange de leurs savoir-faire, notamment dans le domaine du numérique et de l’ingénierie culturelle, supposément mis au service de la cause patrimoniale. Il est prévu pour cela de restaurer entièrement l’orangerie de l’hôtel de Sully (1 M€). Rappelons que l’orangerie est vide depuis 2012 et que le SNMH-CGT avait proposé d’aménager cet espace afin d’améliorer les conditions de travail des collègues du siège. En outre, il est bien connu que la majorité des « start-ups » disparaît avant deux ans d’existence, ce qui représente un risque avéré, et que leur mode de financement en fait souvent un instrument de spéculation et d’opérations financières à l’usage de grands groupes investisseurs. Dans tous les cas, il n’est pas dans les missions du CMN de favoriser les entreprises privées avec des deniers publics, d’autant plus que les compétences recherchées pourraient très bien être développées en interne.
Une chance au grattage, une chance au tirage !
Information de dernière minute : le Parlement vient d’autoriser le Gouvernement à affecter une (modeste) part des recettes du loto et des jeux à gratter au CMN pour le financement des travaux sur les monuments historiques. L’histoire se répétera probablement :ce n’est pas la première fois qu’une recette affectée est confiée au CMN, pour à chaque fois être finalement supprimée !
Fichier(s) joint(s)
- Conseil_d'Administration_12_decembre - 183 Ko