Fiche 27 : Bibliothèques

4 janvier 2024 - par CGT-Culture

Texte d’orientation du XIIIe congrès de la CGT-Culture – novembre 2023

La place des bibliothèques au sein du ministère de la Culture est relativement récente. En effet, jusqu’en 1975, ce domaine est piloté par le ministère de l’Éducation nationale. Sont alors du ressort de ce ministère : la Bibliothèque nationale, les bibliothèques universitaires, la Caisse nationale des Lettres (plus tard appelé Centre national du Livre), les bibliothèques centrales de prêt (BCP plus tard nommées bibliothèques départementales de prêt). En 1975 est créée la Direction du Livre et de la Lecture. En 1977, la Bibliothèque publique d’information (BPI) est ouverte. Avec la première vague de décentralisation (années 1982‐86), les BCP sont transférées aux conseils généraux et deviennent une compétence obligatoire de ces collectivités. Suivant ce processus, une enveloppe de crédits d’investissement est créée (le concours particulier en faveur des bibliothèques de lecture publique, au sein de la dotation générale de décentralisation) pour accompagner les collectivités territoriales (villes, intercommunalités, départements) dans les projets de lecture publique. Selon la dernière synthèse nationale du ministère de la Culture sur les dépenses des bibliothèques municipales et intercommunales, en 2018 les dépenses de personnel s’élevaient à 1,2 milliard d’euros et les dépenses en investissement à 205 millions.

Il faut noter par ailleurs que 54 bibliothèques municipales en France sont dites « classées » (conservation de patrimoine appartenant à l’État) et bénéficient normalement d’une ou de plusieurs mises à disposition de conservateurs de bibliothèque par le ministère de la Culture auprès des collectivités.

Après la RGPP, la Direction du Livre et de la Lecture a été diluée dans la DGMIC sous l’intitulé Service du livre et de la lecture (SLL), organigramme qui valorise de facto le versant de l’économie du livre au désavantage des bibliothèques, du patrimoine et de la lecture publique. À titre d’exemple, depuis cette période la BnF a perdu 300 postes, et son budget est notoirement insuffisant pour faire face à l’élargissement de ses missions.

Quant au Centre national du livre, il a notamment pour mission d’encourager la création et la diffusion littéraires à travers des dispositifs d’aide aux acteurs de la chaîne du livre, dont les bibliothèques, et de favoriser le développement de la lecture auprès de tous les publics.

Pour résumer, les missions du ministère sur le livre et la lecture se déclinent comme suit :

  • la constitution, le signalement, la conservation, la valorisation du patrimoine ancien et contemporain (notamment manuscrit, imprimé, numérique) ;
  • le soutien apporté aux collectivités territoriales pour le développement des services aux publics dans le cadre de la lecture publique (financements en investissement, mais aussi en fonctionnement pour l’extension des horaires d’ouverture, conventionnements intitulés « contrats territoire‐ lecture », labellisations) ;
  • le soutien apporté aux acteurs économiques privés pour des dépenses d’investissement et de fonctionnement (par ex. les librairies) et aux acteurs associatifs œuvrant en faveur de la diffusion et de la médiation ;
  • la participation à l’écriture du droit national et européen (par ex. droits d’auteur).

Dans la filière culture, le monde des bibliothèques est multiple et peut se répartir comme suit :

  • En tant que service ou établissements sous tutelle du ministère de la Culture : les deux bibliothèques nationales BnF et BPI, la Médiathèque du Patrimoine et de la Photographie, la bibliothèque de l’INHA, les bibliothèques des établissements d’enseignement Culture (écoles nationales d’art ou d’architecture, conservatoires nationaux, INP, école du Louvre). La Cinémathèque française, sous tutelle du CNC, a fusionné avec la Bibliothèque du film en 2007 et propose un large fonds documentaire sur l’histoire du cinéma. Les bibliothèques des musées nationaux sont des bibliothèques de référence en sciences humaines et sociales, que ce soit au Musée du Quai Branly et au Musée des civilisations européennes et méditerranéennes ou au musée des arts décoratifs, à la CAPA, à la Cité de la musique… La suppression de la bibliothèque Abdelmalek Sayad du Musée national de l’Histoire de l’immigration (seul musée d’histoire et de société sans bibliothèque) doit nous mettre en alerte sur le devenir de ces services de lecture publique intégrés aux musées nationaux.
  • Le réseau de lecture publique (bibliothèques municipales, intercommunales et départementales) qui relève de la libre administration des collectivités  territoriales  s’élève  à  plus  de 16 000 bibliothèques. Ces bibliothèques constituent le premier équipement culturel public. Longtemps attendue d’une grande partie des professionnels, une loi relative aux bibliothèques et au développement de la lecture publique a été promulguée le 21 décembre 2021. Elle donne un cadre législatif précis aux bibliothèques municipales et départementales dans le code du patrimoine et conforte leur rôle et leurs missions et le développement de la lecture publique. La loi définit les bibliothèques municipales et intercommunales et en précise leurs missions, consacre la liberté et la gratuité de leur accès, affirme le principe de pluralisme et de diversité de leurs collections, renforce la politique de lecture publique et précise les missions des bibliothèques départementales. La sanctuarisation dans la loi du pluralisme et de la diversité des collections ainsi que la responsabilité des professionnels dans la définition et la mise en œuvre d’une politique documentaire mettent à l’abri les bibliothèques de velléités de formes de censure idéologique, politique ou religieuse, ou de pressions commerciales.

Le secteur des bibliothèques est donc marqué par son hétérogénéité, y compris sous l’angle de la fonction publique, puisque la lecture publique est quasi entièrement décentralisée. Néanmoins, dans le cadre de ses missions statutaires, la BnF coopère avec les collectivités territoriales. Elle doit en effet favoriser le développement et la mise en valeur du patrimoine écrit en région. Elle assure cette mission notamment via des partenariats (pôles associés) ou l’animation du réseau des bibliothèques du dépôt légal imprimeurs (BDLI) qui permet d’assurer une égalité d’accès au patrimoine écrit, quels que soient les territoires. Des fonds sont également attribués pour la numérisation du patrimoine écrit local, afin d’aider les collectivités. Ce mouvement est clairement ralenti depuis 2013, avec l’arrêt de la collecte du deuxième exemplaire du dépôt légal, et le défléchage des crédits de numérisations dans les DRAC. Enfin, les budgets de coopération régionale affectés à la BnF ont considérablement baissé, freinant ainsi de nombreux projets (2,8 millions d’euros de crédits en 2009 contre 1,2 million en 2023).

Sous l’angle statutaire, le manque d’ouverture des concours appauvrit la filière des bibliothèques, se traduisant par des recrutements via des changements de filière (filière administrative ou de l’enseignement supérieur entre autres) ou via une augmentation croissante des contrats précaires : CDD, contrats de moniteurs étudiants (bibliothèque INHA), vacations étudiantes (BPI) et contrats courts (BnF). Le CDI à l’embauche pour les contractuel.le.s à temps incomplet, gagné à la BnF en 2016, a été perdu en 2022, malgré une lutte intersyndicale de deux mois. Un recrutement sans concours de magasiniers a néanmoins été obtenu. On déplore également l’abandon par le ministère des postes d’état affectés en BMC, postes pouvant rester vacants pendant des années où les collectivités préfèrent recruter à moindre coût des contractuel.le.s.

Aux côtés de la lecture publique, les bibliothèques d’entreprises constituent également un point d’accès essentiel, bien qu’elles constituent un angle mort du ministère. Leur développement, leur vivacité ne doivent pas demeurer éloignés des politiques portées par les réseaux de lecture publique, qui sont les plus susceptibles d’accompagner la médiation et la diffusion voulues par les comités d’entreprise.

  • La gratuité de l’inscription aux bibliothèques
  • La garantie de l’accessibilité, totale et gratuite, au patrimoine écrit numérisé sur le territoire à l’inverse de ce que propose la BnF avec « Retronews » (service payant d’une partie des fonds numérisés de la presse)
  • Assurer les missions de service public de la lecture par des professionnels formés
  • Le fléchage de moyens de l’État (aides en fonctionnement) pour les collectivités territoriales afin qu’elles puissent recruter davantage d’agents publics
  • La recréation d’une Direction du Livre et de la Lecture pour mieux coordonner et impulser les politiques publiques dans le domaine
  • La mise en place et l’animation d’un réseau des bibliothèques d’entreprise par le SLL
  • Un véritable programme d’aide à l’extension des horaires d’ouverture, en particulier pour les bibliothèques des zones rurales et périphériques, ce qui suppose, outre l’attribution des aides financières aux collectivités, une réelle concertation avec les organisations syndicales pour préciser le cadre d’exercice du dispositif et le bilan récent qui peut en être tiré
  • La mise en place d’un plan national de rénovation énergétique des équipements de lecture publique permettant l’adaptation des bâtiments au réchauffement climatique ; le maintien d’un service public de qualité et la prise en compte des spécificités de conservation en bibliothèques
  • L’arrêt des partenariats publics‐privés, et la réinternalisation des filières de numérisation, conservation et mise en valeur des collections
  • L’ouverture de concours pour pallier le manque de personnel déjà existant et anticiper les besoins futurs et la transmission de l’expertise
  • La mise en place d’un plan de résorption de la précarité
  • La suppression des vacations et des contrats de moniteurs étudiants sur les missions permanentes
  • Le remplacement des postes en BMC par des titulaires du corps des bibliothèques via la CAPN
  • Dans le cadre des travaux du centre Pompidou et le déménagement provisoire de la BPI, en 2025, dans le 12e arrondissement, le maintien de tous les emplois. À l’issue des travaux, le maintien de la même superficie et linéaire de collections au centre Pompidou