Franck Riester, toujours un Ministère de retard !

Les chiffres sont là et l’attestent de manière claire : si l’épidémie de Covid-19 a été d’une très grande gravité en France, elle est en retrait depuis quelques jours. Cependant, la prudence reste la règle dans le monde du travail car c’est bien là que près d’une centaine de clusters ont été signalés depuis le 11 mai, date de fin de confinement. L’épidémie est donc toujours là. L’étau sur les libertés se desserrent un peu mais l’ambiance, et surtout l’esprit, « état d’urgence » est toujours là.

Au Ministère de la Culture, Franck Riester a pris son vendredi à annoncer l’ouverture des musées et monuments nationaux au public comme si de rien n’était ; alors qu’au même moment, le Chsct ministériel dont il est statutairement le président était invité à rendre son avis sur la phase I du déconfinement (11 mai-2 juin). C’est par une salve de SMS, en pleine séance, que nous avons appris que le ministre faisait ces annonces dans les médias, dans le dos de l’instance représentative en charge de la santé et des conditions de travail des agents. Probablement une forme moderne de mépris en très léger différé !

 

Une négociation pour garantir l’égalité de traitement

Si dès le 29 avril, les organisations syndicales avaient demandé l’ouverture de négociations au ministre sur les conditions sanitaires de la fin de confinement, elles n’ont jamais obtenu de réponse favorable de sa part. Ceci aurait pu permettre d’obtenir les meilleures garanties sanitaires de reprise en présentiel mais surtout de garantir l’égalité de traitement et donc des droits opposables pour les agents et ce quelle que soit leur affectation.

Quand la Cgt invoque l’ouverture de négociations, le ministre répond manque de temps…c’est ainsi qu’il a donc décidé de poursuivre son chemin en persistant dans la dégradation du dialogue social et en faisant fi des exigences du moment :  l’unité et la rigueur requises pour préserver la santé sanitaire et sociale des personnels. L’Italie a connu une crise sanitaire très grave et pourtant ses dirigeants ont su se mettre autour d’une table pour conclure avec les organisations syndicales des accords nationaux sur les conditions de reprise. Alors pourquoi, ce qui est possible en Italie, pays autrement plus décentralisé que le nôtre, ne l’est-il pas en France ?

 

Le miracle n’a pas eu lieu

Pour la suite, il ne fallait pas s’attendre à des miracles de la part de l’administration de Franck Riester ou des établissements qui, pour une bonne part, sont laissés seuls face à leurs difficultés, sans moyens, parfois aussi face à leur folie des grandeurs. Quand la Cgt invoque l’égalité de traitement, l’administration répond spécificité locale au titre du principe de subsidiarité. L’administration est fort mal placée pour donner à notre organisation des leçons de réalité de terrain ; quant à la subsidiarité, principe ou non, elle ne sert que la logique de déresponsabilisation de l’Etat et de ses plus hauts responsables et nourrit toujours un peu plus l’éclatement du ministère, jusqu’à le rendre difficilement gouvernable.

En tous cas, à l’évidence, le principe de subsidiarité au ministère de la Culture, c’est un peu le parapluie automatique de l’administration. Reste que cette fuite en avant ne sert pas les droits des agents et ne garantit pas, loin s’en faut, une sécurité sanitaire optimale aux personnels, ni aux visiteurs.

 

Entre vitesse et précipitation

C’est dans ce contexte que le ministre a décidé le vendredi 29 mai d’annoncer à la presse la date de réouverture des musées et monuments nationaux propriété de l’Etat et ceci, quelle que soit la couleur du département, vert ou orange ; le rouge ayant disparu de la palette !

Prendre la décision d’ouvrir les sites concernés relève bien de la prérogative du ministre. Or c’est bien c’est bien lui qui, en définitive, prend cet avis, et par délégation le directeur général des Patrimoines. Il n’en reste pas moins qu’on peut s’interroger sur la fiabilité des dates annoncées dans le communiqué de presse ministériel car en réalité les préfets n’ont assurément pas été consultés pour ces dates. Le ministère n’a pas le temps ! sic ; alors soit leur avis ne sera pas requis, et au diable le principe de subsidiarité, soit leur avis est requis et les dates annoncées dans le communiqué de presse ministériel sont pur bluff.

Et quid de la santé des personnels et des visiteurs alors ?

La Cgt conteste l’absence de dialogue et d’avis formels dans les instances en préalable de ces décisions et des conditions d’ouvertures requises qui ne sont nullement négociées ni au niveau ministériel ni au niveau local. Une fois de plus c’est la confusion qui règne. Qui peut comprendre que la couleur orange est un signal d’alerte dans certains départements et, en même temps, ne l’est pas du tout pour les musées et monuments nationaux appartenant à l’Etat quelle que soit leur implantation départementale ? Qui peut comprendre que les rassemblements de 10 personnes sont interdits et que, en même temps, la présidence du château de Versailles annonce vouloir faire entrer 500 visiteurs toutes les heures en respectant une distance physique d’un mètre ; peut-être en limitant la visite à une heure ! ?  Qui peut comprendre que le ministre exige de tous les chefs de service la réunion de CT et CHSCT partout au ministère pour encourager le dialogue et que, en même temps, il ne consulte même pas pour avis, en préalable de ses décisions, les instances représentatives du personnel qu’il préside. Qui peut comprendre qu’aucun événement réunissant plus de 5 000 personnes ne peut se dérouler sur le territoire de la République jusqu’au 31 août 2020 et que, en même temps, les grandes Eaux à Versailles puissent être autorisées le week-end prochain, réunissant plus de 10 000 visiteurs probablement.

 

Œuvrer ensemble aux meilleures conditions de travail des personnels et de visite du public

Les annonces du ministre se font donc au mépris du dialogue et de la réglementation relative à la consultation préalable des instances représentatives du personnel comme nous l’avons signalé plus haut. Probablement que Franck Riester, fin politique au niveau local ou dans les couloirs de l’assemblée, ne s’est pas encore rendu compte de l’importance de sa contribution à la crise de représentativité de la classe politique qu’il incarne pourtant avec un air satisfait et suranné à la fois.

La « fameuse » modernité n’est pas si loin pour qui veut se donner la peine de la faire vivre, surtout quand on en a la responsabilité politique. Il suffit juste d’ouvrir le dialogue sur le Plan de Reprise d’Activité, d’entendre le monde du travail, de le faire participer, de réaliser les visites CHSCT indispensables à l’élaboration exigeante des bonnes mesures de prévention, de mettre à jour les Document unique d’évaluation des risques et de voter le plan d’action, de demander l’avis du CHSCT en préalable à toute décision du chef de service, d’associer la médecine de prévention à ce processus et les inspections Santé et Sécurité au Travail, de désigner un référent Covid-19 partout sur les lieux de travail, de préparer les personnels et les former à ces nouvelles formes de visites et de travail, de fournir les équipements individuels de protection les plus adaptés au risque épidémique et les ordinateurs et clés d’accès aux réseaux locaux, d’établir le protocole en cas de contamination sur site d’un collègue ou d’un visiteur, d’envisager les transports en commun comme un risque épidémique majeur, etc..

En refusant de tenir compte de l’avis des personnels et de leurs représentants depuis maintenant bien longtemps, ce que l’état d’urgence sanitaire a encore amplifié, c’est bien Franck Riester qui s’éloigne des personnels et du ministère aussi en quelque sorte. On ne conteste pas à la Cgt les difficultés de telles reprises d’activité et des réouvertures, on ne les méconnaît pas non plus. Mais rien n’autorise l’autorité politique de ce ministère à faire sécession avec le monde réel ; l’épidémie est encore là et elle est loin d’être vaincue ; notre santé et celle des publics ne doivent pas être mises en danger. Tout le monde est certes impatient de reprendre mais pas dans de telles conditions alors que les garanties sanitaires ne sont pas réunies.

Un nouveau CHSCT ministériel est à nouveau convoqué le 2 juin pour émettre un avis sur le phase II du déconfinement qui débute le même jour. Dans tous les CHSCT où siègent ses représentants, la Cgt met tout en œuvre pour imposer des mesures de prévention à la hauteur du risque épidémique. C’est pourquoi, n’hésitez pas à contacter vos représentants Cgt en cas de difficultés ; ils sauront vous conseiller et vous répondre.

La démocratie sociale ne s’use que si l’on ne s’en sert pas !

Paris, le 1er juin 2020