Le 1er août dernier, les agents du Centre de Recherche et de Restauration des Musées de France (C2RMF) reçoivent un message de la ministre Rachida DATI ayant pour objet : « suites de l’incident AGLAE du 22 juillet : message de soutien ». Chronique d’un incident nucléaire de niveau 3 au ministère de la culture.
Le message de la ministre se veut rassurant. Nous y apprenons qu’un incident est « survenu le 24 juillet 2025 lors d’une manipulation sur l’accélérateur d’analyse élémentaire AGLAE touchant un collègue (…) qui a été reçu et suivi par des spécialistes ». La ministre s’engage ensuite à ce qu’il puisse « bénéficier d’un suivi aussi longtemps que nécessaire » et témoigne à notre collègue tout son soutien. Ouf ! Nous écrions nous, mais n’est-ce pas la moindre des choses ?
Après une série d’éloges sur « l’équipement d’excellence unique au monde » d’AGLAE et « le rayonnement de la recherche et la restauration du patrimoine culturel mondial », la ministre suggère d’attendre la rentrée de septembre 2025 pour prendre toutes les mesures de protection des agents et mettre en place des enquêtes complémentaires.
Si le principe des enquêtes faisant suite à un accident de travail commence à se mettre en place au C2RMF, leur délai de mise en œuvre toujours trop long exige une plus grande réactivité de l’administration !
Mais c’était sans compter l’Autorité de sûreté nucléaire et de radioprotection (ASNR) qui, à la suite de l’irradiation accidentelle d’un collègue à l’avant-bras, a immédiatement suspendu l’utilisation de l’accélérateur de particule. Dès après son inspection du 30 juillet 2025, elle publie un communiqué de presse intitulé : « incident de radioprotection au C2RMF ayant conduit à l’irradiation localisée d’un travailleur ».
L’ASNR classe cet événement au niveau 3 de l’échelle internationale de gravité des événements nucléaires et radiologiques[1], ce qui en fait le troisième incident de cette nature en France depuis 1987[2].
Le rapport d’inspection adjoint révèle en outre une série de dysfonctionnements parmi lesquels on trouve celui de l’automate de sécurité qui n’a pas assuré l’interruption du faisceau ou encore « une culture de radioprotection perfectible, en particulier pour la prévention ».
Dès lors que nous avons été informé de l’incident, la CGT-Culture a saisi sans délai la présidence de l’instance ministérielle chargée d’élaborer les mesures de prévention et de protection pour rappeler que cette instance doit être réunie, aux termes de l’article R253-48 du CGFP, « dans les plus brefs délais, à la suite de tout accident ayant entrainé ou qui aurait pu entrainer des conséquences graves ».
A ce jour, toujours pas de convocation de la Formation spécialisée en Santé et Sécurité et Conditions de Travail (F3SCT) locale et toujours pas d’enquête accident du travail !
Pour ces raisons, la CGT-Culture exige :
- Une enquête accident du travail pour le collègue qui a été irradié
- Des convocations sans délai de la FS3SCT locale et l’inscription d’un point à l’ordre du jour de la prochaine F3SCT ministérielle
- Information systématique des représentants du personnel de tous les incidents et/ou accidents
- La mise en œuvre des mesures de sûreté exigées par l’ASNR dans le rapport d’inspection du 30 juillet 2025, y compris celles non appliquées du précédent rapport
- L’interdiction d’utiliser l’accélérateur de particules tant que toutes les demandes de l’ASNR ne sont pas traitées
- Un suivi médical renforcé pour tous les personnels « classés » ainsi que pour les personnels « non classés » travaillant sous rayonnement
- Une information transparente, responsable et régulière, y compris par des signalétiques et affichages, sur la nature des risques pour l’ensemble des collègues pénétrant dans les locaux ainsi pour les agents du Louvre effectuant des rondes
- Le développement ’une culture de prévention primaire pour éviter les risques et assurer la protection des tous les personnels
La période estivale ne justifie pas qu’on remette aux calendes grecques les mesures urgentes à prendre pour préserver la santé des personnels.
C’est une question de responsabilité !
[1] Echelle INES allant de 0 à 7, le niveau 7 correspondant à l’explosion du réacteur de la centrale de Tchernobyl.
[2] NIVEAU 3 en France : 1981 : incendie d’un silo de stockage à La Hague. 2008 : irradiation par une source de cobalt-60 d’un travailleur intervenant dans un bunker d’irradiation sur le site de l’ONERA de Toulouse.