Près d’un an après l’alternance politique, le changement le plus marquant pour le ministère de la culture se solde par un recul budgétaire sans précédent et de nouvelles suppressions d’emplois. Personne n’a oublié en effet que le budget 2013 de la mission culture a été amputé de 4,5%, et que notre département ministériel a dû rendre une centaine d’emplois. Ces mesures extrêmement lourdes sont venues frapper, de l’aveu même de la Ministre, un « ministère saigné à blanc». Celui-ci avait effectivement perdu 1707 emplois durant le dernier quinquennat.
Mais le gouvernement, sous la férule de la Commission européenne, ne compte pas en rester là. Comme ses voisins, qui connaissent des situations dramatiques, la France persiste à infliger sans discernement à la majorité de la population et au service public un régime d’austérité et de rigueur des plus drastiques, sans jamais poser la question fondamentale d’une meilleure répartition des richesses. C’est ainsi que le 8 mars dernier, le Premier ministre a donné instruction par une lettre de cadrage budgétaire de rechercher 5 milliards d’euros d’économies supplémentaires pour 2014. Or, même s’ils ont aujourd’hui d’autres préoccupations immédiates, rien ne laisse entendre que le Président de la République et son Premier ministre vont infléchir cette politique qui conduit pourtant à la récession économique et qui mine le tissu social de notre pays. La Culture, qui a déjà beaucoup pâti de ces mesures aveugles, est encore et toujours sur la sellette. « Pas de ministère intouchable » disait en son temps le prédécesseur de Bernard Cazeneuve à Bercy.
Une chose est sûre : une fois de plus, nous ne devrons compter que sur nous-mêmes pour défendre le ministère de la culture, ses missions, ses moyens, ses emplois.
L’accord de libre-échange actuellement en cours de discussion entre l’Union européenne et les Etats-Unis constitue une menace tout aussi importante pour la culture et l’exception culturelle. Malgré les déclarations se voulant rassurantes de Nicole Bricq, Ministre du commerce extérieur, et d’Aurélie Filippetti, quelles garanties avons-nous aujourd’hui que notre modèle de soutien public à la culture et à la création, notamment dans le domaine audiovisuel, ne sera pas sacrifié sur l’autel de marchés juteux et d’un mercantilisme sans frontières ? Aucune ! Ces questions essentielles ne font d’ailleurs l’objet d’aucun débat. Il est vrai que le gouvernement comme les médias ont d’autres chats à fouetter.
La Culture est, de fait, prise en étau, et cela se traduit hélas de façon extrêmement concrète et brutale. Si l’administration centrale subit aujourd’hui les effets délétères des restructurations successives et de la détérioration des missions et du travail, les services déconcentrés et les établissements publics sont également au plus mal. Des coups très rudes sont portés à des entités et des secteurs culturels phare. C’est le cas des DRAC, c’est le cas aussi par exemple du CNC, de l’INRAP, de la BNF, de Versailles, des Archives nationales etc. Ici c’est le produit des taxes affectées et les fonds de roulement qui sont visés, là ce sont plus particulièrement les budgets de fonctionnement, ailleurs les emplois. Mais partout ou presque se pose la question de l’avenir, de la viabilité financière et de la pérennité des missions. La cote d’alerte est dépassée !
Et voilà qu’après la RGPP, dont le rapport de l’IGAC rendu public récemment montre la nocivité, on voudrait nous servir la MAP (pour : Modernisation de l’Action Publique). Mais les agents du ministère de la culture n’ont que faire d’une RGPP bis, d’une énième boîte à outils de mesures technocratiques qui cachent bien mal la volonté sous-jacente de mettre notre service public à la diète, quand ce n’est pas de lui régler définitivement son compte. Après le combat que nous avons mené ensemble pour garder la tête hors de l’eau, peut-on encore entendre, comme le claironne le comité interministériel de la MAP sur un air que l’on connaît trop bien, qu’il faut faire « Mieux, moins cher » ?!
Enfin, dans la tourmente politique, économique et sociale que nous traversons, comment ne pas évoquer l’ANI (Accord National Interprofessionnel), accord minoritaire et scélérat, dont la transcription dans la loi est débattue cette semaine au Parlement. Ce dispositif n’est rien d’autre qu’une accélération de la casse du code
du travail. La majorité parlementaire prendrait une lourde responsabilité en l’entérinant. On est en droit d’attendre autre chose de ceux qui, il n’y a pas si longtemps, se revendiquaient du changement que l’application d’un programme de détricotage du pacte social conquis depuis la fin de la seconde guerre mondiale par le mouvement ouvrier et les progressistes. Nous ne pouvons pas regarder sans réagir le pouvoir actuel emboîter le pas à ses prédécesseurs libéraux et se plier aux injonctions du MEDEF. Dans la situation actuelle de notre pays et de millions de nos concitoyens, ce serait une folie d’accepter le saccage d’un système social essentiel à la société toute entière, et qui nous permet assurément d’amortir la violence de la crise.
C’est pourquoi nous appelons tous les personnels du ministère de la culture à manifester à Paris comme en régions le mardi 9 avril.
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