« Amendement n°83 adopté ou comment le Plan de relance a tué l’archéologie préventive »
La nuit dernière a vu l’adoption de l’amendement n° 83 au projet de loi dite « accélération des programmes de construction et d’investissement publics et privés » (n° 1360). Le gouvernement a donné un avis favorable à cet amendement.
Christine Albanel et son Cabinet répondent aux abonnés absents.
L’archéologie préventive vient d’être sortie du champ scientifique et patrimonial pour être rangée entièrement sous la contrainte économique. La deuxième lecture au Sénat, prévue autour du 20 janvier, doit mobiliser l’ensemble de la communauté archéologique pour stopper une majorité parlementaire et un gouvernement qui ont décidé de renier les fondamentaux de la Convention de Malte et ne plus donner à l’Etat français les moyens de garantir la protection de son patrimoine archéologique.
Prescriptions de diagnostic : des délais très contraints.
Dans le domaine du rôle de l’Etat, en matière de prescription de diagnostic, le délai de délivrance de prescriptions de diagnostic est porté de 1 mois à 21 jours. Cette réduction de délai pose de gros problèmes d’organisation au sein des Service Régionaux de l’Archéologie du fait du faible nombre de son personnel alors que la réponse d’un mois n’allongeait pas le temps d’instruction des dossiers mais y était inclus. D’après nos analyses, ce sont entre 10 et 20 % de prescriptions de diagnostics en moins qu’il faut envisager faute de pouvoir traiter les dossiers dans les temps. Lire ci-dessous la nouvelle rédaction de l’article (en souligné, les nouvelles mentions).
Article L522-2
Les prescriptions de l’Etat concernant les diagnostics et les opérations de fouilles d’archéologie préventive sont motivées. Les prescriptions de diagnostic sont délivrées dans un délai de 21 jours d’un mois à compter de la réception du dossier. Ce délai est porté à deux mois lorsque les aménagements, ouvrages ou travaux projetés sont soumis à une étude d’impact en application du code de l’environnement. Les prescriptions de fouilles sont délivrées dans un délai de trois mois à compter de la réception du rapport de diagnostic. En l’absence de prescriptions dans les délais, l’Etat est réputé avoir renoncé à édicter celles-ci.
Réalisation des diagnostics : des délais très contraints et caducité des prescriptions.
Belle hypocrisie que celle du gouvernement : attribuer la maîtrise d’ouvrage des diagnostics à l’Etat, ne pas donner de moyens à l’Inrap et aux Collectivités de réaliser les diagnostics mais inscrire dans la loi des délais d’engagement de diagnostic extrêmement court, à savoir 6 mois. Et si les diagnostics ne sont pas réalisés, la prescription est réputée caduque ! Il faut souligner que les capacités de réalisation de l’INRAP pour les diagnostics hors grands travaux ont été diminuées de 40 % pour 2009 par rapport à 2008.Lire ci-dessous la nouvelle rédaction de l’article.
Article L523-7
Une convention, conclue entre la personne projetant d’exécuter des travaux et l’établissement public ou la collectivité territoriale ou le groupement de collectivités territoriales dont dépend le service archéologique territorial chargé d’établir le diagnostic d’archéologie préventive, définit les délais de réalisation des diagnostics et les conditions d’accès aux terrains et de fourniture des matériels, équipements et moyens nécessaires à la réalisation des diagnostics. Les délais courent à compter de la mise à disposition des terrains dans des conditions permettant de se livrer aux opérations archéologiques. Sous réserve des dispositions des troisième et quatrième alinéas du troisième alinéa applicables en cas d’un dépassement de délai imputable à l’opérateur, la convention détermine les conséquences pour les parties du dépassement des délais.
Faute d’un accord entre les parties sur les délais de réalisation des diagnostics, ces délais sont fixés, à la demande de la partie la plus diligente, par l’Etat.
Lorsque, du fait de l’opérateur, les travaux nécessaires à la réalisation du diagnostic ne sont pas engagés dans un délai de six mois suivant la conclusion de la convention mentionnée au premier alinéa, la prescription est réputée caduque.
Lorsque, du fait de l’opérateur, le diagnostic n’est pas achevé dans le délai fixé par la convention, la prescription de diagnostic est réputée caduque à l’expiration d’un délai fixé par voie réglementaire.
Dans ces cas, les dispositions des articles L. 531-14 à L. 531-16 sont applicables aux découvertes faites sur le terrain d’assiette de l’opération. Les mesures utiles à leur conservation ou à leur sauvegarde sont prescrites conformément aux dispositions du présent titre.
Les conclusions du diagnostic sont transmises à la personne projetant d’exécuter les travaux et au propriétaire du terrain.
Réalisation des fouilles : délais très contraints, caducité des prescriptions de fouilles et blocage des travaux !
La nouveauté est un délai minimum et un délai maximum de réalisation des fouilles sur tout type d’aménagement ; si ces délais ne sont pas tenus, les prescriptions ne sont plus valides et les vestiges rentrent dans le régime des découvertes fortuites. Un comble pour la prévention en matière d’archéologie puisque ce qui est connu et doit être étudié devient fortuit ! On peut ajouter qu’en cas de découvertes fortuites ce sont aux services de l’Etat d’assurer les fouilles, donc aux DRAC, qui n’en n’ont ni les moyens humains, ni les moyens financiers. De plus il s’agit alors de destructions avérées de sites archéologiques qui tombent sous le coup du code pénal. Lire ci-dessous la nouvelle rédaction de l’article.
Article L523-9
Le contrat passé entre la personne projetant d’exécuter les travaux et la personne chargée de la réalisation des fouilles fixe, notamment, le prix et les délais de réalisation de ces fouilles ainsi que les indemnités dues en cas de dépassement de ces délais.
L’Etat autorise les fouilles après avoir contrôlé la conformité du contrat mentionné au premier alinéa avec les prescriptions de fouilles édictées en application de l’article L. 522-2.
L’opérateur exécute les fouilles conformément aux décisions prises et aux prescriptions imposées par l’Etat et sous la surveillance de ses représentants, en application des dispositions du présent livre.
« Lorsque, du fait de l’opérateur, les travaux nécessaires aux opérations archéologiques ne sont pas engagés dans un délai de six mois suivant la délivrance de l’autorisation mentionnée au deuxième alinéa, l’État en prononce le retrait. Ce retrait vaut renonciation à la mise en œuvre des prescriptions édictées en application de l’article L. 522-2.
« Lorsque, du fait de l’opérateur, les travaux nécessaires aux opérations archéologiques ne sont pas achevés dans un délai de dix-huit mois, prorogeable une fois par décision motivée de l’autorité administrative, à compter de la délivrance de l’autorisation mentionnée au deuxième alinéa, l’État en prononce le retrait. Les prescriptions édictées en application de l’article L. 522-2 sont réputées caduques. Les dispositions des articles L. 531-14 à L. 531-16 sont applicables aux découvertes faites sur le terrain d’assiette de l’opération. Les mesures utiles à leur conservation ou à leur sauvegarde sont prescrites conformément aux dispositions du présent titre. ».
Réalisation des fouilles par l’Inrap (article 46 du décret procédures en cas de défaut d’opérateur agréé) :
C’est le même régime que pour les fouilles qui sont, rappelons le, soumises à concurrence des opérateurs. Et mêmes réflexions sur les capacités de l’Inrap à qui Bercy interdit de nouveaux recrutements de personnels. Lire ci-dessous la nouvelle rédaction de l’article.
Article L523-10
Lorsque aucun autre opérateur ne s’est porté candidat ou ne remplit les conditions pour réaliser les fouilles, l’établissement public mentionné à l’article L. 523-1 est tenu d’y procéder à la demande de la personne projetant d’exécuter les travaux. En cas de désaccord entre les parties sur les conditions de réalisation ou sur le financement des fouilles, le différend est réglé selon une procédure d’arbitrage organisée par décret en Conseil d’Etat.
« Lorsque l’établissement public n’a pas engagé les travaux nécessaires aux opérations archéologiques dans un délai de six mois suivant la délivrance de l’autorisation visée au deuxième alinéa de l’article L. 523-9, ou qu’il ne les a pas achevés dans un délai de dix-huit mois, prorogeable une fois par décision motivée de l’autorité administrative, à compter de la délivrance de cette même autorisation, les prescriptions édictées en application de l’article L. 522-2 sont réputées caduques.
« Les dispositions des articles L. 531-14 à L. 531-16 sont applicables aux découvertes faites sur le terrain d’assiette de l’opération. Les mesures utiles à leur conservation ou à leur sauvegarde sont prescrites conformément aux dispositions du présent titre. »
Pour conclure sur la réalisation des opérations archéologiques :
Aujourd’hui, les opérations de diagnostics et de fouilles, réalisées par l’Inrap, sont pour plus de
95 % d’entre elles des opérations qui ont plus de 6 mois mais en général un à deux ans d’attente. En réalité, les prescriptions émises depuis six mois sont extrêmement rares et font suite à des « intentions éventuelles » de réalisation d’aménagement.
De fait, si on limitait l’activité à ce qui est prescrit depuis 6 mois, cette activité serait inférieure à ce que l’Inrap fait en temps normal (et à ce que fait la concurrence…). Le « marché des fouilles » ainsi réduit, une bataille concurrentielle terrible et sans précédent de « survie » pour les opérateurs privés serait engagée et de remise en cause pour les services de collectivités et l’Inrap.
Modification législative de la fiscalité
Redevance d’archéologie préventive : augmentation du produit de la RAP
Une augmentation du produit de la RAP, estimée entre 11 et 15 millions d’euros, a été adoptée afin d’améliorer les délais d’intervention de l’Inrap et des Collectivités en matière de diagnostic.
En réalité, cette augmentation, FNAP en moins, devrait permettre de réaliser 2500 hectares maximum de diagnostic en plus ; ce qui ne compense même pas la baisse de 40 % de moyens alloués aux diagnostics (hors grands travaux).
La mutualisation des fouilles (FNAP) est augmenté de 3 à 5 millions d’euros maximum.
Tout ceci est notoirement insuffisant.
Lire ci-dessous la nouvelle rédaction de l’article.
Article L524-7
Le montant de la redevance d’archéologie préventive est calculé selon les modalités suivantes
Le tarif de la redevance est de 0,4 0, 3 % de la valeur de l’ensemble immobilier déterminée
conformément à l’article 1585 D du code général des impôts.
II.-Lorsqu’elle est perçue sur des travaux visés aux b et c de l’article L. 524-2, son montant est égal à 0,50 0, 32 euro par mètre carré. Ce montant est indexé sur l’indice du coût de la construction.
La deuxième lecture au sénat est prévue dans deux semaines. Une intersyndicale se réunira la semaine prochaine. D’ores et déjà, la CGT appelle l’ensemble des personnels à se réunir en Assemblées générales, à alerter leurs représentants à l’assemblée et au sénat afin d’organiser la riposte nécessaire et faire retirer ce funeste amendement n°83.
La réforme de l’Etat, dénommée RGPP, le plan de relance, le gouvernement, la majorité parlementaire et Christine Albanel viennent de vider de son contenu et de son sens la loi sur l’archéologie préventive.
Madame Albanel, nous ne vous laisserons pas détruire la mission de service public de l’archéologie préventive
!
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- 2009 01 09 Amendement n° 83 - 167 Ko