L’AVENIR DES DRAC :
UNE LECTURE DANS LE MARC DU CT MINISTÉRIEL
Le 25 septembre se tenait le CT ministériel et il a beaucoup été question des services déconcentrés. À partir des informations recueillies et des éléments de longues discussions de près de 7 heures sur ces points, essayons de comprendre ce qui se passe, et de faire le bilan de la situation.
Les dangers d’éclatement façon puzzle
Tout d’abord, le danger le plus grand vient des circulaires du premier ministre du 24 juillet dites circulaires « organisation territoriale des services publics » et « déconcentration et organisation des administrations centrales ». Rappelons qu’elles proposent la possibilité de transférer la sphère de la création vers les collectivités territoriales et de regrouper les secrétariats généraux des services régionaux dans ceux des préfectures ou des directions départementales interministérielles. Certains préfets de région vont encore plus loin, à l’instar de celui du Grand Est qui propose rien de moins que de positionner une partie de l’archéologie (diagnostics archéologiques notamment) et une partie des monuments historiques au niveau départemental, dans les UDAP.
Cette volonté de renforcer l’échelon département n’est pas nouvelle et elle revient en force à échéances régulières. On voit bien la volonté des préfets de département de regrouper tout l’opérationnel sous leur autorité et la volonté des SGAR de prendre le plus de missions possibles au risque de ressembler à la grenouille de la fable se voulant plus grosse que le bœuf. Les positions des préfets de région sont plus nuancées, car ils souhaitent pouvoir contenir les budgets des collectivités territoriales et avoir des services en capacité d’analyser les territoires. C’est clairement le cas des préfets de Nouvelle Aquitaine ou de Pays de la Loire mais toutes les nuances existent, celui de Bretagne étant plutôt pour de nouveaux transferts de compétences aux collectivités territoriales par exemple.
Autant dire que le ministère de la culture dans les régions risque de n’avoir pas du tout les mêmes contours d’une région à l’autre, et que les missions ne seront pas exercées de la même manière. Pour les agents cela veut dire qu’ils ne dépendront pas des mêmes autorités d’une région à l’autre et nous pouvons faire l’hypothèse que les rémunérations, les conditions de mutation ne seront plus les mêmes. C’est tout le socle commun et les principes fondateurs de notre service public (notamment l’égalité des territoires) qui risque d’être ainsi sérieusement remis en cause.
Mais quels moyens se donne donc le ministère de la culture pour ne pas être seulement le spectateur des rivalités existantes au sein même du corps préfectoral et des forces libérales qui veulent l’abaissement de l’échelon national de l’État.
Les atouts dans les mains du ministère de la culture
Ces atouts sont en réalité relativement minces. Il y a tout d’abord le rapport de triple inspection, particulièrement élogieux pour l’utilité, le travail et le faible coût des DRAC. Le fait qu’il serve de base à des négociations avec les syndicats, le renforce. Il a permis de refréner, un peu, le discours extrêmement défavorable aux DRAC, présent à l’arrivée d’Emmanuel Macron à la présidence de la République.
Dans le même registre le rapport d’analyse du transfert de mission du livre et lecture et du cinéma à la région Bretagne montre bien que pour l’État, c’est une perte de visibilité, d’expertise et de co – construction de politique culturelle pour un gain de service public très faible.
Enfin le rapport Belaval sur le patrimoine, que nous n’avons pas pu lire pour l’instant, s’il ne retient pas les transferts aux collectivités territoriales et une mise en agence, propose néanmoins un renforcement des Udap. Les présentations floues faites à plusieurs reprises aux représentants du personnel ne permettent pas de savoir si au final elles ne renforcent pas la départementalisation préconisée par le préfet du Grand Est et donc un affaiblissement des services régionaux.
Comment se joue le rapport de force
Le ministère de la culture, avec toujours un temps de retard, fera ces propositions de changement au vu des propositions des préfets. De nombreux directeurs régionaux, afin de donner des gages, ont déjà proposé le glissement des licences d’entrepreneurs du spectacle dans les préfectures, des transferts de compétences limités aux Régions et autres mesures en grande partie contenues dans le rapport de triple inspection. La discussion qui a été menée sur la gouvernance des DRAC (point pour information et non pour avis du CT), a permis de voir la faiblesse de l’organisation de la chaîne de décision des grandes DRAC face aux demandes des préfets de département. Les nouveaux directeurs adjoints délégués sur les sites dit distants devraient se voir spécifier un rôle renforcé dans ces contacts. Dans le patrimoine, des expérimentations de contrôle scientifique et technique à un niveau départemental ou l’invitation des préfectures de département aux programmations MH sont autant d’expériences qui peuvent aussi être partagées au niveau national.
De l’autre côté, le libéralisme, les volontés décentralisatrices ou pacte girondin, les baronnies politiques locales s’activent pour réduire toujours plus le rôle et le poids de l’échelon ministériel et d’un État nation.
Alors quels pronostics ?
Certains espèrent pouvoir passer à travers les mailles, car la culture est trop petite pour pouvoir faire des économies substantielles. Au moment où les suppressions d’emploi de deux à trois ETP par DRAC se généralisent pour répondre à la suppression de 25 emplois au niveau national, on voit donc qu’il n’y a pas de petites « économies » qui ne puissent être faites.
D’autres pensent que les moyens matériels vont manquer (locaux, mode d’organisation…) aux préfectures pour les absorptions de SG ou des regroupements départementaux. Mais la réforme territoriale de 2015 a plongé les services du ministère des nouvelles régions dans le chaos sans que cela ne gêne grand monde au gouvernement.
Enfin le ministère de la culture n’a jamais été aussi faible au point qu’il ne connaît même pas la moitié des missions temporaires confiées à des personnalités extérieures ou des cadres supérieurs du ministère, l’administration centrale en comptait 21 quand la CGT en a trouvé 46 !
On ne parle même pas de notre ministre affaiblie qui conserve le soutien du président de la république comme la corde soutien le pendu.
Chacun se fera donc son idée et la CGT sera toujours présente pour défendre un ministère garant de l’égalité d’accès à la culture et de la démocratisation culturelle, garant de la liberté de création, garant de la préservation du patrimoine.
Que vive le ministère de la culture en région
et le travail remarquable de ses agents
Paris le 28 septembre 2018