Quelques éléments de contexte assez peu reluisants et qui ne font pas honneur à notre démocratie ni à notre ministère
Pour faire passer à tout prix la loi Travail, le gouvernement de Manuel Valls n’a pas hésité à court-circuiter la démocratie parlementaire. Il a également tout fait pour corseter le dialogue et discréditer le mouvement social, allant ainsi à l’encontre de l’opinion publique très largement opposée à une loi régressive
Bien que les sujets et les enjeux ne soient pas les mêmes, le gouvernement a appliqué la même politique et la même méthode en matière de politique immobilière. Au ministère de la culture, les représentants du personnel ont été informés des décisions après-coup et au compte-gouttes. Tous les « Flash Info » et les communiqués de la ministre et de l’administration n’y changeront rien : quand on parle schéma pluriannuel de stratégie immobilière de l’administration centrale (SPSI), dans les faits, c’est le dogme de Bercy et de France Domaine qui s’impose. Ce dogme, c’est celui qui consiste à brader notre patrimoine au bénéfice d’opérations financières plus que douteuses et en tendant les bras à des spéculateurs sans vergogne. Ce dogme, c’est celui qui nous assène à longueur d’éléments de langage qu’il faut réduire la voilure, faire des économies d’échelle, faire des économies tout court. C’est enfin le dogme d’un pouvoir hors-sol et d’une technostructure qui exigent, encore et encore, que les agents et les salariés supportent seuls le poids de leurs décisions et qu’ils acceptent au nom « des efforts à faire » le recul de leurs droits et la dégradation de leurs conditions de travail.
Politique immobilière : une politique dogmatique qui menace le service public culturel
C’est aussi à cette conception dogmatique que nous nous heurtons lorsque nous portons des propositions alternatives, certainement beaucoup trop dérangeantes. Et ce fut le cas dès octobre 2012, soit moins de quatre mois après l’arrivée d’Aurélie Filippetti. La CGT-Culture avait fait alors très officiellement la proposition d’un « pôle 2 » dans Paris intra-muros (directement relié au moyen des technologies de l’information actuelles au « pôle 1 » déjà constitué par les Bons Enfants) visant à regrouper les sièges de différents établissements publics disséminés un peu partout dans Paris, et ce toujours à grands frais.
Le degré zéro du dialogue social
Notre proposition permettait, nous le pensons, de faire pour de bon des économies importantes grâce à une forme de mutualisation et donc de maîtrise des coûts immobiliers, tout en optimisant et simplifiant les circuits administratifs et de décision. Jamais le ministère ni l’administration n’ont répondu à nos courriers et multiples relances, jamais. Et ce sont les mêmes qui, quelques mois après, sont venus nous vendre, via leur fameux SPSI, la « relocalisation d’un certain nombre de sièges d’établissements publics (CNC, INRAP, CMN, OPPIC..), en lien avec France domaine ». Relocalisation, la belle affaire, qui encourage chacun de ces établissements publics à rester dans leur entre-soi, à cultiver leur autonomie, et à soigner leur façade, pardon leur prestige. Mais dans ce sens-là, l’argent public et les dépenses publiques, ce n’est soudain plus un problème.
Non à la spéculation immobilière et aux spéculateurs
Alors après tout cela, nous ne sommes pas prêts, c’est vrai à en rabattre et à recevoir sans broncher leurs leçons pathétiques sur la gestion des deniers de l’État et de ses affaires. Nous, nous allons continuer à dénoncer la vente à vil prix des bijoux de famille à Paris comme en régions car nous ne saurions oublier non plus le sort réservé à nos DRAC – y compris dans leurs implantations immobilières – dans le grand maelström de la réforme territoriale, autre arme grossière tournée contre le service public, les agents et les usagers.
Non à la vente de l’immeuble de la rue des Pyramides
Nous ne sommes pas prêts notamment à les laisser vendre la rue des Pyramides. C’est pourtant ce qu’ils se sont certainement appliqués à faire durant ce mois d’août et en catimini. On le voit bien : un État qui se désengage peu à peu de ses missions fondamentales et qui se dépossède de son patrimoine, c’est un État en retrait et en déshérence qui nous conduit droit dans le mur, et nous ne pouvons pas l’accepter.
Pour l’instant, nous avons évité le pire : c’est une première bataille de gagner mais rien n’est terminé
Les agents d’administration centrale ont su créer le rapport de forces nécessaire pour ne pas avoir à subir les conséquences d’une délocalisation sur leurs conditions de travail, et sur leur vie professionnelle et privée. Pour gagner cette première bataille cruciale, les personnels se sont emparés de la pétition portée par la CGT, SUD et l’UNSA dès le 21 juillet 2015. « Non à la délocalisation du Ministère de la Culture » : cette pétition à l’attention du Premier ministre et remise à son cabinet après avoir été signée par plus de 2500 de nos collègues aura énormément compté. Jusqu’à nouvel ordre, nous n’irons donc pas en banlieue. On peut se dire ainsi que, pour l’instant, nous avons évité le pire mais considérer aussi que nous ne devons cette première victoire qu’à nous-mêmes et à notre ténacité.
La CGT-Culture, qui ne ménage pas ses efforts pour faire échec à cette délocalisation et qui, plus largement, combat farouchement depuis de nombreuses années des politiques immobilières destructrices, appelle les agents à poursuivre ce combat, à rester vigilants et mobilisés dans l’unité.
Pyramides n’est pas à vendre, le ministère de la culture non plus
Sauf à considérer les choses du point de vue des intérêts particuliers des prometteurs immobiliers et des spéculateurs bon teint, le ministère de la culture n’a aucune raison valable de vendre l’immeuble de la rue des Pyramides ; c’est même tout le contraire.
A qui fera-t-on croire en effet que pour solutionner le problème bien réel que constitue le site actuel de la DGCA rue Beaubourg (terme d’un bail certainement coûteux ; locaux inadaptés et générateurs de mauvaises conditions de travail), il faudrait vendre la rue des Pyramides et se lancer dans des travaux pharaoniques aux Archives nationales à Paris ; travaux, là aussi, très coûteux pour les deniers de l’État. Et tout cela pourquoi donc ? Eh bien ! Pour faire des bureaux dans le quadrilatère Rohan-Soubise là où nous avons justement besoin de dépôts d’archives et de dépôts d’archives aux normes du 21ème siècle. Et ce alors même que nous nous serions privés nous-mêmes, tout seul comme des grands, de Pyramides, un immeuble de bureaux pourtant idéalement situé dans le centre de Paris.
La SDSI sur la sellette, elle aussi
De même qu’il n’y aucune raison de vendre Pyramides, il n’y aucune raison non plus de mettre en danger la sous-direction des systèmes d’information (SDSI) implantée au Fort de Saint-Cyr au prétexte que le Centre national du cinéma et de l’image animée (CNC), cher à Madame Azoulay, verrait d’un bon œil la possibilité de récupérer ces espaces-là. Madame la Ministre se félicite peut-être d’avoir trouvé en son temps une solution avantageuse pour le CNC dans le 14ème arrondissement de Paris mais elle doit à présent nous garantir que les jolis projets d’externalisation des missions et fonctions informatiques du ministère ne sortiront pas des jolis cartons dans lesquels ils sont rangés.
La DGCA, un dossier largement instrumentalisé
A remonter le fil de cette histoire assez peu glorieuse et même carrément imbuvable, on s’aperçoit aisément que le dossier de la DGCA a été largement instrumentalisé pour tenter de nous faire avaler la pilule amère d’un vaste plan de restructuration immobilière (le fameux SPSI) voulu par Matignon et par Bercy, lesquels ne voient en fait que par la cession des actifs de l’État et son désengagement ; plan fumeux et irresponsable dans lequel notre ministère devrait jouer le rôle de l’élève modèle.
Nous n’avons pas besoin de cette usine à gaz
Chacun comprendra que le ministère de la culture, en conservant et en optimisant Pyramides et les Bons Enfants ; Saint-Cyr pour la SDSI ; en densifiant « légèrement » la rue de Valois comme la Ministre en a accepté l’augure, a la possibilité dans ses capacités et moyens actuels de trouver des solutions permettant de préserver voire d’améliorer les conditions de travail de toutes et de tous.
Nouvelles menaces sur les conditions de travail des personnels d’administration centrale
Nous n’avons donc nullement besoin de l’usine à gaz que nous ont concoctée des technocrates que nous renvoyons à leur technocratie. Autrement dit, nous n’avons pas besoin du scénario improbable « grands travaux – bureaux en lieu et place des Archives ». Un tel scénario « grands travaux » coûterait en effet, en première estimation, la bagatelle de 40 millions d’euros. Il entraînerait, c’est certain, une joyeuse pagaille sur plusieurs années avec les conséquences que l’on imagine très bien sur l’organisation administrative et les conditions de travail des agents, et notamment des agents d’administration centrale. Des services avec des moyens déjà insuffisants et des agents surchargés. Conditions à la limite pour assurer les missions et accomplir aux mieux un travail efficace, outil d’une politique culturelle cohérente, qui assure un service public convaincant de la culture au service de tous !
Monnaie de singe et brouillard artificiel
Il est de notre devoir, nous le croyons, de mettre en garde nos collègues d’administration centrale contre un projet déloyal et qui repose sur de la monnaie de singe. Une fois dissipé le brouillard artificiel de la communication ministérielle et des éléments de langage administratifs, on voit déjà beaucoup mieux que ceux qui sont au pouvoir aujourd’hui et au moins jusqu’en 2017, ne croient pas eux-mêmes une minute à l’idée que ceux qui leur succéderont accepteront de payer les ardoises qu’ils auront laissées.
Ne nous laissons pas endormir
On ne peut pas écarter l’hypothèse, mais alors pas du tout, qu’après les prochaines élections présidentielles, le projet « grands travaux – bureaux en lieu et place des Archives » soit abandonné et que celui du déménagement en banlieue remonte rapidement à la surface.
Des solutions simples, raisonnables et durables, il y en a… encore faut-il que nos dirigeants acceptent de venir à la table des négociations et d’en discuter
C’est la raison pour laquelle, nous demandons pour la énième fois à la Ministre et à son cabinet d’ouvrir enfin des discussions dans le but de trouver des solutions simples, faciles à mettre en œuvre, peu onéreuses, garantes de la cohésion des missions du ministère et de la fluidité de son organisation fonctionnelle, et, bien évidemment, des conditions de travail des personnels ; des solutions susceptibles, celles-ci, de nous mettre durablement à l’abri des attaques virulentes qui ne manqueront pas de rejaillir en 2017 et ce d’autant plus que nous aurions continué à tendre les bâtons pour nous faire battre.
Les Archives nationales, c’est aussi notre affaire à tous
De même que nous devons faire bloc pour défendre l’administration centrale, ses missions, ses conditions de travail et ses implantations, nous devons prendre à bras-le-corps, ensemble, la question ô combien importante du devenir des archives. Les archives sont notre bien commun, notre mémoire commune, un patrimoine en partage, précieux, ancien et vivant, l’un des fondements essentiels d’une démocratie moderne et d’une citoyenneté en marche.
Quiconque voudrait s’en prendre à des réserves d’œuvres dans tel ou tel musée, à un fonds de bibliothèque, où par exemple encore à des salles d’exposition soulèverait, et à juste titre, un tollé général.
Les Archives nationales n’ont pas à faire les frais de cette vaste entreprise de spéculation immobilière
Alors pourquoi donc devrions-nous accepter que le SPSI conduise à supprimer purement et simplement des dépôts d’archives ; en l’occurrence des dépôts situés dans le quadrilatère Rohan-Soubise. Pour la CGT-Culture, l’équation est simple : les dépôts d’archives ont vocation à rester des dépôts. Nous ne pouvons pas accepter qu’ils soient transformés en bureaux. Nous ne pouvons pas l’accepter car d’ores et déjà les capacités d’accueil, de dépôt et de conservation des archives arrivent à saturation. Affirmer comme le fait le ministère que le site de Pierrefitte-sur-Seine pourrait accueillir tous ces documents en provenance de Paris n’est pas responsable.
Le centre de Pierrefitte-sur-Seine a été créé notamment pour permettre aux archives de gagner en modernité mais aussi pour se projeter dans l’avenir grâce, sur le papier en tous cas, à des marges de stockage importantes. C’est ce qu’on a appelé alors les Archives à 30 ans. On s’aperçoit hélas seulement aujourd’hui qu’à Pierrefitte comme ailleurs on ne peut pas pousser les murs. Pour satisfaire au programme immobilier du gouvernement, de Madame Azoulay et de son administration, faudra-t-il bientôt procéder au classement vertical des archives ou renoncer à leur collecte. Ceci n’est pas sérieux.
Pas sérieux s’abstenir
Il n’est pas sérieux effectivement de s’imaginer que près de 500 personnes pourraient prendre livraison, dans un certain nombre d’années restant à définir, de bureaux aux Archives dans le marais. 500, c’est le chiffre dont on approche si l’on additionne les agents d’administration centrale et ceux d’un « centre d’études picassienne » (probablement comme son nom l’indique lié au musée Picasso), dont on découvre quasi par inadvertance qu’il viendrait lui aussi s’installer là, en lieu et place des Archives (à raison de 15 km linéaires supplémentaires de dépôts supprimés), mais cette fois non plus sous couvert des décisions du Service Interministériel des Archives de France (SIAF) mais bel et bien du Service à compétence nationale des Archives. Soit, en quelque sorte, un scénario caché ou scénario 1 bis emboîté dans le scénario du SPSI. On peut aimer les poupées gigognes, mais là, ça commence vraiment à faire beaucoup.
Plusieurs poids plusieurs mesures
Dans ce scénario hallucinant qui ne tient par ailleurs aucun compte de l’actualité compliquée des Archives, certains n’hésitent pas non plus à faire plusieurs poids plusieurs mesures quant aux conditions de travail des personnels. En vertu de quoi les personnels des Archives nationales devraient-ils soudainement s’accommoder de ce qui pose effectivement un gros problème pour les personnels d’administration centrale : à savoir, partir plus massivement encore qu’ils ne l’ont déjà fait à Pierrefitte, c’est-à-dire, nous vous le donnons en mille, en banlieue. Alors même, précisons-le, que la « gestion sociale » de ce site et de ses contraintes particulières (transports, logement, restauration [à ce jour il n’y a toujours pas de cantine sur ce site]) n’a jamais été réglée. Nous pouvons produire au besoin les nombreux procès-verbaux des comités techniques où nous avons posé et reposé ces questions, en vain.
La fermeture de Fontainebleau, le coup de massue
L’annonce du projet de fermeture de site des Archives nationales de Fontainebleau par la Ministre le 28 juin au comité technique ministériel, même si elle n’est pas le cœur du présent problème, s’inscrit pleinement dans la politique immobilière ministérielle. Cette annonce a eu l’effet d’un coup de massue. S’agissant plus particulièrement de la politique immobilière et du devenir des Archives nationales, il faut bien mesurer que cette annonce aggrave encore les difficultés. En effet, d’une capacité totale de stockage de 200 kilomètres linéaires (kml), il faudrait nécessairement trouver une destination pour les 100 kml d’archives qui y sont conservées. Mais il faudrait en plus compter sur la perte d’une réserve des 100 autres kml de capacité de stockage pourtant indispensable aux besoins du réseau. Nos dirigeants, qui ne sont plus à cela près, auraient trouvé une solution : le site de Pierrefitte-sur-Seine qui, de facto, serait saturé ! Voilà qui nous conforte encore un peu plus dans notre analyse et qui nous conduit à défendre en toute logique les sites des Archives à Paris et à Fontainebleau. Nous revendiquons donc le maintien intégral, la rénovation et la remise aux normes des structures, bâtiments et dépôts de Fontainebleau et de Paris. Si le ministère devait persister dans sa trajectoire politique absurde que nous combattons, chacun serait alors en droit de s’interroger sur la capacité de nos institutions à assumer les missions régaliennes des archives.
Et pendant ce temps-là, ils ont perdu l’agenda social
Pendant que le ministère d’Audrey Azoulay et son administration s’acharnent à construire un tel machin immobilier qui va encore un peu plus fragiliser notre département ministériel, l’agenda social est à l’arrêt.
On ne voit en effet rien venir ou si peu sur des points pourtant très attendus par les personnels :
les carrières et notamment le repyramidage de la filière administrative ;
la sortie du dérogatoire de 7 établissements publics qui le sont à ce jour par décret et de 2 autres par la loi ;
le respect scrupuleux de l’accord du 8 juillet 2015 sur la dé-précarisation de l’emploi et le retour à la règle ;
la mise en place d’une protection sociale complémentaire (mutuelle-prévoyance) digne de ce nom et valable pour tous les agents du ministère sans exclusive ni favoritisme de chapelle mais dans le respect de l’égalité de traitement ;
quant à l’emploi, les additions qui ne manqueront pas d’être faites à l’issue de ce quinquennat ne seront pas favorables à notre ministère, miné par le sous-effectif et la précarité.
Tout ceci est un peu affligeant et surtout parfaitement révoltant mais entendons-nous bien, il n’y a rien d’inéluctable ni d’irréversible.
Ne cédons pas aux manœuvres grossières et tentatives de division. Notre destin est lié et il nous appartient. C’est tous ensemble, unis et solidaires, Administration Centrale, Archives, Ministère dans son entier que nous devons continuer le combat et faire avancer nos revendications.
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- Le 49.3 de la politique immobilière - 125 Ko