Le lundi 18 janvier l’appel d’offre destiné à sélectionner une entreprise chargée de mener une étude de faisabilité sur les conditions de créations de structures d’hébergement dans les monuments nationaux est arrivé à son terme. Pour être clair, il s’agit d’étudier la possibilité d’implanter des hôtels ou des chambres d’hôtes au sein même des monuments, dont la gestion, serait, bien entendu, concédée à des partenaires privés.
Dans la convention cadre signée le 6 novembre 2009 entre le ministère de la Culture et le secrétariat d’Etat chargé du tourisme, « les deux ministères affirment que la sauvegarde et la préservation du patrimoine monumental historique peuvent se concilier avec une exploitation économique et respectueuse des lieux […] ».
A peine deux mois plus tard, la direction du CMN, en bon élève de la RGPP (Révision Générale des Politiques Publiques) applique déjà la recette. L’objectif est toujours le même : la recherche effrénée, pour ne pas dire frénétique, de ressources propres.
Une fois de plus, la direction du CMN agit en catimini. En effet, ni le Conseil d’administration du 25 novembre dernier, ni le CTP du 28 janvier n’évoquent de tels projets alors qu’ils sont synonymes d’évolutions majeures pour notre établissement.
20 monuments pourraient ainsi être concernés :
le château d’Assier
le château de Bussy-Rabutin
le château de Cadillac
le château de Carrouges
la cité de Carcassonne
le château de Champs-sur-Marne
le château de Chareil-Cintrat
le château de Gramont
le château de Jossigny
l’hôtel de Lunas
l’hôtel de Sade
la place forte de Mont-Dauphin
l’abbaye de Montmajour
le château d’Oiron
le domaine national de Saint-Cloud
l’abbaye de la Sauve-Majeure
le monastère de Saorge
la forteresse de Salses
le fort Saint-André
le château de la Motte-Tilly
D’après le cahier des charges, l’étude portera d’une part sur « l’opportunité de développer une offre d’hébergement » et d’autre part sur la « faisabilité technique et de viabilité économique ». En d’autres termes, il faut s’assurer que la réalisation des équipements soit techniquement possible et acceptable mais il faut aussi et surtout que les projets soient rentables. Car il s’agit bien de cela en définitive. Ce que la direction nomme des « opérations de valorisation du patrimoine par la création d’activités touristiques d’affaire, d’hébergement ou de création d’événement » ne sont autres que la recherche du profit facile en ouvrant les monuments, de manière privilégiée, aux plus aisés au mépris de la mission fondamentale de l’établissement : l’ouverture de notre patrimoine au plus grand nombre.
Le prestataire va devoir analyser pour chacun des 20 monuments un certain nombre de critères tels que « les espaces disponibles susceptibles de permettre l’implantation des hébergements et des services associés indispensables (restaurants par exemple) », le « potentiel touristique », « l’offre d’hébergement concurrentielle environnante », la « clientèle cible (typologie, niveau de gamme…) », « le développement d’autres activités marchandes (séminaires, incentives, soirées privées…) » ou encore l’« hypothèse du chiffre d’affaire », afin de déterminer, sur les sites retenus, le type d’offre à mettre en place. Et ce même cahier des charges de passer en revue pour les 20 monuments, les différentes hypothèses d’aménagement.
Ainsi, le château de Chareil-Cintrat – qui est aujourd’hui très peu ouvert à la visite – pourrait accueillir dans le château même des espaces d’hébergement fermant ainsi définitivement une partie du monument à la visite. A Champs-sur-Marne, c’est le laboratoire de recherche des monuments historiques qui pourrait plier bagages pour faire place à de l’hôtellerie. A La Motte-Tilly, les agents pourraient être priés de déguerpir puisque « une implantation serait possible dans les communs du château mais également dans les bâtiments administratifs ». Alors qu’un musée digne de ce nom aurait dû voir le jour au domaine national de Saint-Cloud, le pavillon de Valois deviendra peut-être demain un hôtel. Et on pourraient multiplier les exemples à l’envie.
Alors que dans les monuments, les agents qui travaillent dans des conditions extrêmement difficiles, exposés aux intempéries, au froid ou à la chaleur, dans des espaces contraints… peinent à obtenir l’aménagement de leur poste de travail, gageons que les travaux destinés à ces équipements seront, eux, très rapidement mis en oeuvre.
C’est aujourd’hui une orientation gravissime qui est prise par la direction de l’établissement, sacrifiant sur l’autel de la rentabilité ses missions de service public culturel. Voici donc très concrètement une des déclinaisons de la fameuse RGPP où tous les moyens sont bons pour remplir les caisses et compenser le désengagement de l’État.
Finalement, mais ce n’est pas une surprise, la direction du CMN démontre une fois de plus qu’elle se situe dans la droite de ligne de la politique du Gouvernement et du Ministère faisant primer une Culture pour chacun (celle des élites ?) au détriment de la Culture pour tous.
Les monuments nationaux sont notre bien commun,
ne les laissons pas confisqués au profit de quelques-uns !
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