Si nous avons choisi de garder le silence pendant la durée du deuil national, aujourd’hui une mise au point s’impose sur ce qui s’est passé durant le week-end dans les services et établissements du ministère de la culture dont la mission est d’accueillir les publics.
Des attentats abominables perpétrés par des fascistes ont touché Paris et Saint-Denis dans la nuit du 13 au 14 novembre. Après les attentats du mois de janvier dernier, nous nous étions exprimés longuement sur la nécessité de lier l’essor de la culture et la liberté de création à la construction d’une démocratie moderne, vivace et dynamique (Cf. notre communiqué du 21 janvier 2015 intitulé « La démocratie sera culturelle ou elle ne sera pas »).
Nous aurons l’occasion de revenir prochainement sur ces enjeux et sur la place centrale de la culture dans une société libre et émancipée, mais pour l’heure nos pensées émues et fraternelles vont aux victimes, à leurs familles et à leurs proches.
Mais venons-en à présent, il le faut bien, à la situation de nos services et établissements publics et tout particulièrement de nos musées et monuments à Paris et en région parisienne. Ce qui a animé nos interventions auprès du cabinet de la ministre dès samedi matin à la première heure, c’est la protection et la sécurité de tous les personnels, nos collègues.
Considérant que la situation en région parisienne samedi matin, au sortir d’une nuit de terreur, n’était absolument pas stabilisée ni sécurisée et que la menace était toujours au niveau le plus élevé (ce que malheureusement les évènements de ce jour à Saint-Denis ont encore confirmé), la CGT-Culture a immédiatement mis en avant le principe de précaution. C’est la raison pour laquelle nous nous sommes adressés à Madame Pellerin pour qu’elle prenne au plus vite la décision, à titre conservatoire, de fermer tous les musées et les monuments et, sans que cette liste ne soit exhaustive, nous citerons le Louvre, Orsay, l’Arc de Triomphe, les Tours de Notre-Dame ou encore le musée Picasso, celui de Cluny, ainsi que Saint-Germain-en-Laye ou Versailles etc.
Si la décision de fermeture générale a été annoncée par la ministre peu après 11 heures à l’issue du conseil de défense et de sécurité convoqué par le Président de la République, le début de matinée a été marqué par un flottement inadmissible. C’est ainsi que certains établissements ont d’abord été ouverts, sans aucune mesure de sécurité supplémentaire, avant d’être fermés en fin de matinée : on citera entre autres le Louvre, le musée Picasso ou Saint-Germain-en-Laye. Tandis que d’autres sites, et non des moindres, ont tenté d’ouvrir jusqu’avant 11 heures et ne sont restés fermés que parce que les personnels ont voulu exercer leur droit de retrait : le musée d’Orsay ou encore Versailles. Et même si c’est difficile à admettre, il faut pourtant le dire : certains des premiers dirigeants de ces établissements qui ont ouvert ou qui ont voulu ouvrir au nom de « la continuité du service public » n’ont pas su être présents physiquement aux côtés de leurs agents dans cette épreuve si difficile et traumatisante. Mais d’autres premiers dirigeants d’établissements ont su prendre leur responsabilité en garantissant la protection des personnels en refusant tout simplement d’ouvrir les sites dont ils ont la charge. Il faut le souligner.
S’agissant des monuments nationaux, les éléments sont suffisamment pesants et à plus d’un titre pour que nous y consacrions un communiqué spécifique.
Cette situation exceptionnelle et les dysfonctionnements extrêmement graves portés à notre connaissance ont conduit la CGT-Culture à demander à la ministre dès samedi la convocation d’un CHSCT-M exceptionnel dans les meilleurs délais.
Le CHSCT-M qui s’est réuni lundi matin 16 novembre fut pour nous l’occasion de revenir sur ces dysfonctionnements et les défectuosités dans les systèmes de protection. Même si la vie continue et doit l’emporter sur la folie meurtrière, il serait en effet irresponsable de faire comme si rien ne s’était passé et de continuer comme avant.
Le niveau de sécurité de nos établissements et services doit être considérable renforcé. Des moyens nouveaux et supplémentaires, et notamment des moyens humains, doivent être consacrés à ces mesures. Des procédures et des protocoles de sécurité adaptés doivent être édifiés. Un effort important doit être accompli en termes de formation. En matière de prévention, il faut également se préparer aux scénarii, hélas, les plus dramatiques ; se préparer en répétant les exercices pratiques et notamment les exercices d’évacuation en situation d’ouverture au public.
Ces nouvelles mesures doivent mobiliser tout le monde et être débattues et mises en œuvre avec les personnels et leurs représentants. Tout ceci est certes contraignant mais il en va de la sécurité de nos collègues et des visiteurs. Et quand nous disons nos collègues, nous pensons aussi à nos camarades des entreprises extérieures qui sont souvent en toute première ligne et par conséquent très exposés. Ils travaillent en effet pour beaucoup aux entrées et abords des sites.
Hier après-midi et suite au CHSCT-M, l’administration nous a fait parvenir un plan ministériel de sûreté des établissements et services. Cette liste de mesures constitue une première avancée. Ceci étant la secrétaire CGT du CHSCT-M a demandé la convocation d’un groupe de travail ad hoc pour aller plus loin, préciser, consolider et pérenniser encore toutes ces mesures sur l’ensemble des sites. Elles devront aussi être déclinées au plan local dans les différents CHSCT dont les prérogatives réglementaires en matière de sécurité doivent être réaffirmées. Ce n’est que dans le dialogue avec les personnels et leurs représentants, notamment au sein des CHSCT, que les mesures les plus appropriées de protection seront mises en oeuvre.
La CGT-Culture entend comme toujours et plus que jamais être aux côtés des personnels. Nous ne reculerons devant aucun effort pour contribuer à la victoire de la culture, de la liberté, des valeurs de la République, et à celle de la démocratie. Nous veillerons par dessus tout à ce que soit préservée l’intégrité physique et psychologique de toutes et de tous.
Paris, le 18 novembre 2015