Durant l’été, le Gouvernement a arrêté son programme de travail en ce qui concerne la Fonction publique, la Réforme de l’Etat et la modernisation de l’administration.
Ø La règle du non remplacement d’un fonctionnaire sur deux devra s’appliquer dans tous les ministères aux seules exceptions de l’Education nationale, de la Justice, de l’Enseignement supérieur et de la Recherche. Ceci correspond à un rythme annuel moyen de 35 000 suppressions d’emplois pour la seule Fonction publique de l’Etat, soit 175 000 sur la législature.
Ø Pour 2008, le projet de loi de finances (PLF) prévoit en affichage près de 22 800 suppressions de postes. Mais dans les faits, en raison du mécanisme de fongibilité asymétrique de la LOLF, le nombre de suppressions réelles sera sûrement bien supérieur une fois le budget 2008 totalement exécuté. Pour mémoire, le PLF de 2006 prévoyait environ 5 000 suppressions, mais au final, en ne pourvoyant pas certains emplois vacants, ce sont 9 500 postes qui ont bel et bien été supprimés cette année là.
Ø Les économies attendues par le Gouvernement devraient atteindre 400 millions d’euros pour 2008 et 700 à 800 millions d’euros chaque année, pour les suivantes. Ceci doit être mis en regard avec les 15 milliards d’euros d’exonérations fiscales accordées cet été par la loi sur le travail, l’emploi et le pouvoir d’achat et qui, pour plus de la moitié, bénéficient aux 10 % de contribuables les plus fortunés. Ce sont là, indiscutablement, autant de ressources dont se prive l’Etat.
Ø Le pouvoir d’achat des agents publics sera réévalué « par la redistribution à hauteur de 50 % des économies réalisées par les suppressions d’emplois ». Rapportées au 2,5 millions de fonctionnaires de l’Etat, les 400 millions d’euros « dégagés » en 2008 aboutiraient ainsi à une progression de moins de 15 euros par agent et par mois, et encore, il ne s’agit là que d’une moyenne indicative ! En effet, ces majorations consisteraient essentiellement en une revalorisation des heures supplémentaires effectivement réalisées. Une fois encore, rappelons que la valeur du point d’indice de la Fonction publique a été décrochée de 6 % par rapport à l’inflation sur les 6 dernières années, ce qui représente environ un mois et demi de salaire par agent en pertes cumulées.
Ø Alors que le Premier ministre annonce une très prochaine refonte des « régimes spéciaux », André Santini, Secrétaire d’Etat chargé de la Fonction publique entend, pour les fonctionnaires, remettre rapidement en cause la règle qui consiste à calculer les droits à pension sur la base du traitement détenu par l’agent dans les 6 derniers mois au titre d’un « rapprochement du public avec le privé ».
Ø Enfin, un chantier de refondation du Statut général de la Fonction publique est programmé dès cet automne.
C’est dans ce contexte qu’a été lancée la « Révision générale des politiques publiques » (RGPP), présentée le 10 juillet dernier par le Premier ministre comme un « choc politique » visant à « une véritable révolution dans la Réforme de l’Etat ». Ce projet prévoit que des audits seront menés dans 14 domaines ministériels – dont la culture – et sur 4 chantiers transversaux portant respectivement sur l’organisation de l’Etat au niveau local (qui concerne très directement les services déconcentrés du ministère, DRAC et SDAP), l’allègement des contraintes juridiques et des contrôles, les relations entre l’Etat et les collectivités locales et la gestion des ressources humaines.
L’objectif revendiqué est d’aboutir dès 2008 à des réformes structurelles afin d’accompagner les suppressions d’emplois mais aussi pour permettre « partout une réduction des dépenses de fonctionnement et d’investissement ». Comme l’indique le guide méthodologique édité par le Gouvernement : « l’objectif sera de documenter différents scénarios assurant, grâce à des réorganisations et à des changements de fonctionnement, un accroissement de la productivité et, permettant par là même, le non remplacement partiel des départs à la retraite. (…) les mesures proposées doivent permettre au(x) ministère(s) concerné(s) de rendre un service aussi bon avec moins d’agents. »
Sont concernés non seulement les administrations centrales et déconcentrées mais également tous les opérateurs : les établissements publics administratifs ou industriel et commercial, les services à compétence nationale (SCN), les organismes bénéficiant d’un financement majoritairement public.
Le calendrier rendu public par le Gouvernement prévoit, entre fin septembre et mi-décembre, le rendu de 3 scénarios détaillés de réforme de l’organisation et du fonctionnement de tous les services et établissements de l’Etat. Dans un deuxième temps, au plus tard à la mi-mai 2008, des décisions définitives seront prises après la tenue d’un « Conseil de la modernisation des politiques publiques » présidée par le Président de la République, lesquelles serviront de base à une programmation budgétaire pluriannuelle pour les exercices 2009 à 2011.
Les lettres de mission adressées à tous les ministres précisent que ceux-ci devront rapporter eux-mêmes les projets sectoriels de RGPP (un plan par ministère) à l’occasion « d’un grand oral sur lequel ils seront jugés », étant entendu « qu’un bon ministre ne se reconnaîtra pas à la progression de ses crédits mais à ses résultats et à sa contribution à la réalisation du projet présidentiel, y compris sur le plan financier ».
Une réunion qui s’est tenue le 7 septembre, rue de Valois, a été l’occasion pour J.F. Hébert, Directeur de cabinet de C. Albanel, de présenter aux organisations syndicales le détail de la procédure retenue en ce qui concerne le ministère de la culture.
o une équipe d’audit conduite par 2 inspecteurs des finances et un inspecteur du ministère de l’Intérieur, associant des membres de l’inspection générale de la culture et 2 consultants du privé sont chargés d’auditionner les services et établissements et de préparer 3 scénarios de RGPP.
o Les directeurs d’administration et d’établissements publics devaient remettre leur copie pour le 7 septembre suivant une instruction du cabinet de C. Albanel leur précisant qu’ « en matière d’effectifs, l’objectif globa
l de non renouvellement d’un départ à la retraite sur deux guidera les travaux à conduire ».
o La Ministre de la culture devra présenter ses scénarios intermédiaires de restructuration fin septembre devant le Comité de suivi co-présidé par le Secrétaire général de la Présidence de la République et par le Directeur de cabinet du Premier ministre.
o Le schéma définitif pour le ministère de la culture et ses établissements sera présenté début janvier 2008 par C. Albanel devant le même Comité de suivi.
Pour notre département ministériel, déjà fortement mis à mal ces 5 dernières années et en situation de sous-effectif avéré, de nouvelles suppressions d’emplois signifieraient indiscutablement abandons de missions, externalisations, privatisations.
Dans un tel contexte, et avec un calendrier de travail à ce point resserré (5 mois nous séparent de la présentation définitive des scénarios pour la culture devant le Comité de suivi !), la restructuration en profondeur de l’administration de notre ministère qui vient de s’engager ne peut que susciter de très vives inquiétudes.
D’après nos informations, il serait en particulier fortement question, pour réaliser des économies d’échelle, d’opérer plusieurs fusions entre directions d’administration centrale en articulation avec les trois programmes de la LOLF du ministère de la culture, suivant le principe récemment énoncé par N. Sarkozy de supprimer un directeur d’administration centale sur deux. Concernant les services déconcentrés du ministère, ceux-ci pourraient, à brève échéance, se voir absorbés au sein de services interministériels départementaux sous l’autorité des préfets. Il faut aussi probablement s’attendre à de nouvelles transformations de services en établissements publics (notamment dans le secteur des musées), ceci permettant notamment de développer plus encore l’apport de financements privés pour faire fonctionner ces structures.
Pour la CGT-Culture, et sans attendre les résultats des rapports d’audit, il apparaît d’ores et déjà que le projet gouvernemental constitue une véritable attaque frontale, et de très grande envergure, contre les agents publics et le service public. Ce « plan de rigueur », comme l’a qualifié sans ambages C. Lagarde, la Ministre de l’économie, des finances et de l’emploi, est évidemment porteur de graves menaces pour la Nation et les intérêts de tous les citoyens.
Contrairement au discours rabâché par le Gouvernement, la logique poursuivie n’est pas de partir de la finalité et des objectifs des politiques publiques mais, bien au contraire, d’amplifier et d’accélérer la réduction des moyens alloués au service public. La mise à mal des capacités d’intervention du service public et des pouvoirs de régulation de l’Etat contribuera à l’évidence à fragiliser encore davantage les plus défavorisés et les salariés qui sont les principaux usagers des services publics. Au travers de ce qui s’annonce être le plus important plan social et de restructuration que notre pays ait connu, ce sont les questions de l’emploi, du pouvoir d’achat, et donc aussi celle de la consommation des ménages qui sont posées.
Contrairement à ce que veut laisser entendre le Gouvernement, tout est encore loin d’être joué !
Une mobilisation puissante des personnels, à la hauteur de l’agression dont le service public et ses agents font aujourd’hui l’objet, peut permettre d’entraver ces funestes projets.
Dans un communiqué commun du 24 août, les organisations de la Fonction publique CGT, CFDT, FO, UNSA, FSU, Solidaires, CGC et CFTC ont affirmé, sur les enjeux essentiels de l’emploi public et du pouvoir d’achat, n’avoir reçu « d’autre réponse que sarcasmes, approximations et mépris », et ont maintenu leurs demandes « qu’elles considèrent comme essentielles non seulement pour les personnels mais aussi pour l’efficacité des services publics et le développement économique et social ». Celles-ci doivent se réunir à nouveau très rapidement pour débattre de la façon de mobiliser les personnels et s’adresser à l’opinion.
La CGT-Culture est, quant à elle, pleinement déterminée à prendre toute sa place et à tout mettre en œuvre pour construire au plus vite la riposte qui s’impose.
Paris, le 11 septembre 2007