Depuis le 1er janvier, la politique ministérielle d’autonomie des institutions a encore fait mouche avec la fusion du MN et de la Cité de la céramique de Sèvres. Cette marche forcée imposée pour environ 600 agent.es ne préfigure rien de bon pour les missions de service public.
Bon nombre de témoignages de collègues préfigurent de grandes inquiétudes quant aux missions qui dérivent vers des objectifs de plus en plus flous.
Le MN n’est certes pas seul détenteur de savoir-faire en matière de métiers d’art, mais il ne doit cependant pas être une porte d’entrée pour le privé vers les missions qui jusque-là étaient dévolues aux agent.es du service public culturel. Sous couvert de plan de relance, une grande partie de nos collections se voit confiée à des sous-traitants privés, en 2024 plus de 700 000€ ont été alloués à la restauration de pièces majeures (97 objets) qui auraient dû être restaurées, au moins en partie, par les technicien.nes d’art des ateliers de restauration. Les ateliers deviendront-ils un jour uniquement des intermédiaires pour la sous-traitance?
Ce transfert d’activité se traduit aussi dans les missions de l’ARC (Atelier de Recherche et Création). Par la politique d’orientation d’édition, il se voit affecté des missions de prototypage industriel et se transforme essentiellement en bureau d’étude au service d’éditeurs. L’ARC ne doit pas être un outil de prototypage à bas coût ! Pour enfoncer le clou, actuellement 50% des collègues de l’ARC se consacrent tous les ans pendant plusieurs mois à la Design Parade de Toulon. Aussi à partir de 2025 s’ajoute un nouvel évènement « design » dans le bâtiment Angevilliers. Tout ce travail extrêmement chronophage nous éloigne de nos missions premières et statutaires. En parallèle, aucune commission de projet d’ameublement n’est envisagée pour l’instant, les productions de l’ARC seraient-elle tout simplement remplacées par des plans d’acquisition ?
Ces dérives se retrouvent aussi dans les ateliers de production textile, dont le but devrait être de faire émerger de nouveaux talents. Force et de constater que seuls de grands noms d’artistes sont priorisés. N’ayant pas les ressources financières nécessaires à l’achat de cartons, le MN a recours à divers stratagèmes allant de l’utilisation de reproductions photographiques, lithographiques où à l’association avec des galeries pour produire d’autres exemplaires dits « non originaux », tout cela en lien avec des entreprises de tissage dans le privé. Est-ce que cela va devenir la norme de transmission aux élèves ? Les ateliers textiles du MN ne seront-ils qu’un logo apposé sur des reproductions de pièces tissées en dehors du service public?
Éditions patrimoniales, licences de marques, marchés stratégiques, le MN tire à tout-va en toutes directions déployant des ressources et une énergie phénoménale, mais ne parvient pas à répondre à une de ses missions prioritaires qui est la pérennisation de ses propres effectifs (atelier de restauration, teinture …) et cela afin de répondre aux missions régaliennes et historiques qui sont les siennes.
Comité Colbert, Business France, French Design, le MN ne cesse de tenter de briller à l’étranger au travers d’associations avec des structures dont le but mercantile n’est plus à prouver. Étrangement, dans ces groupes, anciens ministres et grandes entreprises du luxe se côtoient dans de joyeux échanges commerciaux qui dépassent et oublient même le soutien aux savoir-faire des métiers d’art à la française. Que vient faire le MN dans cet entre soi du luxe français ? Que deviennent nos missions de service public culturel ?
Le Mobilier National et ses manufactures doivent redevenir l’écrin mêlant patrimoine et savoir-faire qu’il était et non une coquille vide au service du luxe qu’il devient.
SEMM-Cgt le 11 février 2025